Alors que la mort approche...

Heureusement, elle n'est pas pressée!

Lorsque j'ai commencé à rédiger ce texte, il s'agissait d'un article posthume.
J'avais demandé à un ami de l'installer sur mon site web après mon départ mais,
maintenant que la mort s'est traîné les pieds, il me faut bien le faire moi-même!

 

Mes émotions, sentiments et pensées

La prise de conscience que la mort approche intensifie les émotions, les sentiments et le besoin de trouver des réponses valables à nos interrogations les plus importantes de telle sorte que chaque minute prend une valeur qu 'elle n' aurait pas eu normalement. L'urgence de comprendre devient si intense qu'on regrette d'avoir perdu tellement de temps à ne pas concentrer tous ses efforts pour y arriver.

J'ai été particulièrement intéressé ces dernières années par la problématique de l'interface entre le cerveau matériel et son produit immatériel, l'intellect.  J'ai donc relu des livres que j'avais et me suis procuré quelque unes des dernières parutions sur le sujet. Il est supposé être plus difficile pour un homme que pour une femme de fouiller ses émotions mais comme il semble qu'elles forment la base de nos sentiments et même de nos pensées, je vais tenter l'exercice pour comprendre ce qui m'arrive.

Entendre le verdict de cancer dans les deux poumons et les ganglions au centre, m'a fait l'effet d'un choc électrique qui m'a descendu la colonne vertébrale et l'a remontée aussi vite comme un coup de foudre. Je dois dire cependant que je m'y attendais un peu d'après la séquence de scans à laquelle j'avais été soumis et plus particulièrement le dernier, un PET scan. Je m'y attendais mais j'ai tout de même été bouleversé. Je savais ce que cela voulait dire car mon frère Sylvain est décédé six mois après avoir reçu le même diagnostic il y a une douzaine d'années. Je ne me donnais donc que quelques mois à vivre.

J'ai toutefois été surpris de constater à quel point je me suis remis facilement du choc initial. Un tourbillon d'émotions vives s'est rapidement dissipé devant la réalisation lucide que l'inévitable m'avait rattrapé et qu'il n'y avait rien à faire. Je n'ai ressenti aucune colère, aucune révolte ni aucun désespoir. Tout au plus, ai-je ressenti une vague nostalgie pour tous les merveilleux moments dont j'avais profité. Et surtout, je n'ai ressenti ni désir rempli d'espoir d'une béatitude éternelle, ni peur de l'enfer. J'allais mourir et c'était tout.

Je me suis occupé à mettre de l'ordre dans mes affaires, à réviser mon testament, à terminer les choses en suspens et à essayer de comprendre toutes les implications de la fin prochaine de l'existence de ce que j'appelle "moi". J'ai dû faire face à un certain nombre d'interrogations fondamentales. Qu'est-ce donc ce "moi-même", que je nomme "moi"? Quel contrôle puis-je exercer sur cette chose? D'où vient-elle et où va-t-elle?

Cinq semaines après le diagnostic initial, j'ai rencontré une oncologue qui m'a prescrit une biopsie des ganglions car elle pensait qu'il se pouvait que ceux-ci ne soient pas cancéreux. Cela me donnait un espoir de survie de quelques années plutôt que de quelques mois mais l'acceptation initiale de ma fin prochaine avec laquelle j'étais devenu confortable a été bouleversée par cet espoir et par la prévision d'avoir à me soumettre à la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie et à des mois de lutte acharnée contre la maladie.

C'est alors que mes émotions sont revenus décuplés provoquant la fluctuation de mes sentiments entre une calme acceptation et un féroce appétit de survivre à tout prix. Malheureusement, mon expérience avec le système de soins de la santé du Québec (décrite succinctement à la fin de la page Retour à Montréal), a introduit les démons de la frustration, de la colère, de l'impuissance, de l'isolement et du découragement qui ouvrent la porte à la tristesse s'ils ne sont pas chassés aussitôt.

J'ai lutté six mois avec ses démons sans être suffisamment informé de l'état de mon cancer et des options qui se présentaient et surtout, sans être invité à participer aux décisions vitales concernant ma survie. Cela n'aurait pris qu'un peu de compréhension et de communication pour m'aider à les chasser pour de bon. Au contraire, j'ai eu la très nette impression que dès que je n'étais pas physiquement présent à l'hôpital, je devenais un dossier avec un numéro anonyme dessus, fourré quelque part dans une énorme pile d'autres dossiers en attente d'être traités par la machine. Le plus exaspérant, c'était le sentiment d'impuissance devant l'extrême difficulté de naviguer à travers le labyrinthe de répondeurs robotisés pour rejoindre une vraie personne capable de m'informer sur l'avancement de mon dossier. Cela me donnait le sentiment d'être rejeté par la machine médicale.

Je reconnais avoir été très bien traité par les divers spécialistes qui se sont occupées de moi mais je me suis senti comme une auto ou un téléviseur traversant les divers postes de travail d'une ligne d'assemblage. Chacun rajoutait une pièce ou serrait un écrou avant de me passer au poste de travail suivant. L'un d'entre-eux que j'avais trouvé bien sympathique parce qu'il avait pris le temps de me dire ce qu'il faisait, s'est avéré comme les autres en me disant à la fin de son intervention, "Présentez-vous à l'urgence si vous avez des problèmes dans les jours qui viennent". Je sais que ce n'était pas son intention mais j'ai perçu cela comme "Maintenant que j'ai posé ma pièce, je me lave les mains de vous". Son effet sur moi aurait été tellement différent s'il avait dit "N'hésitez pas à m'appeller si vous avez des problèmes dans les jours qui viennent".

Je me suis efforcé de prendre tout ça calmement en occupant à écrire le récit de mon dernier voyage pour éviter d'y penser mais il y avait des hauts et des bas. Je peux infléchir mes idées, mes attitudes et mon comportement mais cela me demandait un effort considérable d'atténuer les émotions causées par les brutales déficiences de la machine médicale. J'ai réussi néanmoins à maintenir mon habituelle bonne humeur par la force du poignet de ma volonté de rester une personne heureuse jusqu'en septembre avant d'avoir recours à la béquille chimique qu'est un antidépresseur.

Finalement j'ai eu de bonnes nouvelles le 5 septembre lorsqu'on m'a appris qu'il n'y avait pas de cellules cancéreuses dans la dernière biopsie qui a été prise le 21 août directement dans le centre de ce qui devait être mon cancer. Il ne s'agissait que d'un gros nodule de fibrose pulmonaire. On m'a expliqué que les examens précédents avaient donné des "faux positifs". C'étaient là de très bonnes nouvelles mais je n'étais encore pas sorti du bois pour autant car le nodule avait augmenté de volume depuis six mois et la fibrose pulmonaire plus l'emphysème avaient réduit ma capacité respiratoire à 30% de ce qu'elle devrait être.

Dans l'ensemble, je devrais me réjouir et ne plus m'inquiéter mais six mois d'un malmenage émotif qui aurait pu être évité ont endommagé mon ressort et je sens qu'il me faudra du temps pour m'en remettre.

Ça me gêne d'exposer ma vulnérabilité émotive de cette façon mais je pense que ça vaut la peine de le faire si mon témoignage réussit à convaincre quelques gestionnaires du système de la santé de l'importance de traiter toute la personne et non pas seulement des organes qui fonctionnent mal. C'est là une vieille lapalissade mais elle a été si souvent répétée que ceux qui devraient en tenir compte l'oublient facilement.

Ça fait des années que j'entends les gens se plaindre de salles d'urgences débordées, de patients dans des civières parqués dans des corridors achalandés, de la pénurie de médecins et de personnel de soutien. Ça fait des années que j'entends dire que notre système médical a besoin d'une réforme en profondeur car "il est brisé".  Jusqu'à ce jour, j'étais farouchement en faveur de notre système universel "à-une-seule-vitesse". Traiter tout les patients, riches ou pauvres, de la même façon me paraissait un bel idéal à préserver des assauts de la médecine privée.

L'expérience de ces derniers mois m'a fait changer d'idée. Non pas parce que je pense pouvoir me payer de meilleurs services dans le secteur privé mais parce que je me rends compte que l'absence de concurrence produit les mêmes résultats partout, que ce soit dans le cas d'un monopole de services médicaux ou dans ceux de monopoles de transport, de distribution ou de commerce. En absence de concurrence, le détenteur d'un monopole devient tout puissant et ses clients captifs sont nécessairement réduits à des quantités négligeables.

Le déséquilibre de pouvoir entre le patient captif et tous les agents de la machine médicale monopole est total à tous les niveaux depuis le médecin chef aux préposés aux bassines. Et souvent, les plus bas échelons, qui sont puissamment syndiqués, sont les plus arrogants. La seule liberté de choix qui reste au patient est de se retirer (s'il en est physiquement capable), en perdant les soins auxquels il a droit.

Je pense maintenant que la présence d'un secteur médical privé dynamique stimulerait la machine médicale à accourcir les délais, à simplifier et humaniser les communications avec sa clientèle et à donner à celle-ci l'impression d'avoir un mot à dire dans son avenir. Si la concurrence des écoles privées constitue un aiguillon qui pousse le secteur public à faire mieux pourquoi ne serait-elle pas bénéfique aussi dans les services médicaux publics.

J'espère bien retrouver la sérénité qui m'habitait au début quand je pensais qu'il n'y avait plus d'espoir mais entre temps je vais tenter de me concentrer sur les interrogations mentionnées ci-devant et sur les tentatives d'y répondre que je vais partager avec vous.

 

Le "moi", "l'âme" et la conscience?

Qu'adviendra-il à ma mort? C'est quoi ce "moi" qui pose la question? La vaste majorité des gens sur cette planète pense que le "moi" est un être immatériel nommé "âme" qui coexiste avec le corps tant que celui-ci est vivant et qui va continuer d'exister éternellement après la mort. Il est tentant de penser qu'une partie de nous-mêmes, l'âme, tromperait la mort pour vivre éternellement mais je trouve cela difficile à croire. Tout ce que j'observe débute, évolue et disparaît. Même les étoiles naissent, évoluent et meurent. Cela me paraît exagérément prétentieux de croire que cette apparente loi de la nature ne s'appliquerait pas à moi parce que je fais partie de l'espèce humaine.

Dans la tradition judéo-chrétienne-islamique, les êtres humains posséderaient une âme mais les animaux n'en auraient pas. Les âmes seraient créées lors de la conception et existeraient éternellement par la suite. Selon les croyants de cette tradition, chaque âme serait récompensée ou punie pour l'éternité par le Dieu tout-puissant selon le degré de bonté ou de méchanceté dont aurait fait preuve, durant son existence terrestre, la combinaison corps-âme spécifique dont elle faisait partie durant son existence terrestre.

Selon la tradition hindoue, une âme préexistante serait accouplée à un fétus donné jusqu'à la mort de cette personne, elle serait ensuite accouplée à un autre nouveau corps et ainsi de suite pour l'éternité. Les Hindous nomment ce recyclage perpétuel la "roue de la ré incarnation". Les âmes qui proviennent de composites corps-âme ayant été "bons" seraient recyclées en composites corps-âme destinés à avoir de meilleures conditions de vie et celles provenant de composites qui auraient été "mauvais" seront punies en renaissant sous la forme d'êtres de statut inférieur incluant même celle d'animaux. Une multitude de dieux sont impliqués dans cette vue de l'univers mais certains penseurs hindous sophistiqués cherchent à réconcilier cette vision traditionnelle avec le monothéisme en expliquant que la multitude de dieux hindous ne sont que des manifestations d'un Dieu unique.

Le bouddhisme, qui s'est développé en opposition au système des castes qui privilégiait de façon abusive les brahmanes, postule aussi l'existence d'âmes individuelles mais il rejette la multitude de dieux hindous, du moins dans sa version initiale thereveda encore pratiquée au Sri Lanka, au Myanmar et en Thaïlande. Les enseignements du bouddha furent toutefois graduellement corrompus au cours des siècles par une classe élitiste de moines et lamas qui ont réintroduit une multitude de divinités, démons et esprits équivalents aux dieux hindous, dans les variantes les plus répandues de l'école mahayana et dans la variété théocratique vajrayana ou lamaiste, pratiquée au Tibet.

Ces trois écoles de pensée ont en commun le fait que ceux qui prétendent définir ce qui est "bien" et ce qui est "mal" (les rabbins, prêtres, mollahs, brahmanes et moines) sont en position d'exercer un pouvoir considérable sur leurs disciples. Ils ont donc de toute évidence un intérêt direct à promouvoir la croyance en une âme surnaturelle qui est la clé du pouvoir et des privilèges dont ils jouissent.

Il n'y a cependant pas la moindre parcelle d'évidence pour supporter l'existence de telles entités surnaturelles. L'observation de l'Homme du monde réel qui l'entoure et l'emploi de la raison pour en faire progresser la compréhension suffiraient normalement pour écarter le concept de "l'âme" si ce n'était de l'intérêt direct de ceux qui en font la promotion et du lavage de cerveau qu'ils pratiquent sur les enfants avant que ceux-ci n'aient pu développer la capacité de penser par eux-mêmes. Pour soutenir la croyance au concept de l'âme, on fait la promotion de la crédulité et l'éloge de la foi aveugle en tant que vertu suprême.

Les rares personnes qui n'ont jamais été soumises à une telle manipulation, celles qui ont réussi à y résister et celles qui comme moi se sont libérés des dogmes, partagent une vision du monde dans laquelle il n'y a aucun élément surnaturel, magique ou mystique. Nous sommes d'avis que l'extraordinaire hypothèse d'un monde qui n'obéit pas aux lois de la nature requiert une preuve également extraordinaire pour être crédible. Nous préférons vivre avec la frustration de questions sans réponse au sujet du "moi" plutôt qu'adopter le concept de l'âme que nous considérons non seulement sans fondement mais aussi une invention frauduleuse destinée à faciliter l'exploitation de la majorité par une minorité..

De plus en plus de réponses au sujet du moi deviennent disponibles. Il existe un consensus depuis des siècles reliant le moi au cerveau et non au coeur, au foie ou aux reins. Grâce à la méthode scientifique et à l'expérimentation méticuleuse, nous détenons maintenant une quantité considérable de connaissances sur le fonctionnement du cerveau et il est devenu largement accepté que la conscience est une propriété émergeante de l'activité neuronale de ce dernier. (Voir bibliographie sur la conscience de soi.)

"Propriété émergeante" signifie que la structure et l'organisation particulières de notre cerveau matériel produisent "quelque chose" ayant des propriétés que l'on ne retrouve pas dans les neurones individuels qui composent notre cerveau. Par analogie, les propriétés de dureté, de viscosité et de pression qui sont respectivement des attributs de la glace, de l'eau et de la vapeur ne se retrouvent pas dans les molécules individuelles d'H²O. La nature polaire de la molécule d'H²O est aussi une propriété émergeante Les atomes individuels d'hydrogène et d'oxygène n'exhibent pas cette polarité qui détermine les propriétés chimiques et physiques de la glace, de l'eau et de la vapeur. Ainsi, le développement de la complexité dans l'organisation de la matière crée une cascade de nouvelles propriétés émergeantes allant de la polarité à la pression, à la création de molécules à base de carbone, à la polymérisation de celles-ci, à leur réplication, à la vie unicéllulaire, aux êtres multicéllulaires et, pas à pas, éventuellement jusqu'à l'homme et la conscience.

Ce "quelque chose" qui émerge de l'opération de nos neurones n'est certes pas matériel. Il n'existerait pas toutefois sans le support physique de notre cerveau de la même manière que la "blancheur" ne peut exister sans le support matériel de ce qui est blanc. En fait, ce "quelque chose" n'est pas une qualité mais plutôt un processus qui ne pourrait exister sans le support matériel de nos neurones, Il en est de même avec notre génome. il s'agit de l'information qui détermine la structure de l'organisme complexe qu'est l'homme et qui préside à son fonctionnement. Cette information est immatérielle mais elle ne pourrait exister sans le support matériel de notre ADN. Elle est le produit des lois de la nature auxquelles elle est rigoureusement soumise. Il n'y a rien de surnaturel ou de magique dans cette information dont la conscience est l'ultime manifestation.

Cet énoncé peut paraître superflu mais il est rendu nécessaire par la confusion introduite par l'utilisation de termes ambigus comme "esprit" qui véhicule une énorme gamme de significations depuis la conscience humaine dont nous traitons ici jusqu'à des êtres surnaturels comme des "âmes" de vivants et de morts, comme de bons et mauvais "esprits" ou comme des dieux de divers niveaux hiérarchiques, etc.

Je suis d'avis qu'éviter systématiquement d'utiliser des termes ambigus comme "esprit" peut contribuer sensiblement à préserver la clareté de notre pensée. Je pense que le terme "spiritualité" est aussi à éviter car la grande variété de significations qu'on lui donne le rend vide de sens. De même, je préfère utiliser "il me semble que", "je pense que", "je suis d'avis que" ou "je suis convaincu que" au lieu de l'expression "je crois" qui, manquant de nuance, conduit souvent à des malentendus.

Ayant évité de nous embourber dans le marais des termes ambigus, nous pouvons revenir au monde naturel de la matière et observer que la localisation des parties du cerveau qui contribuent à ses diverses fonctions devient de plus en plus détaillée et que les mécanismes sous-jacents aux divers processus des émotions et de la pensée sont dévoilés à un rythme croissant. Aussi, l'étude des processus neurologiques physiques qui produisent des états de conscience altérés perçus comme étant diverses formes de " communion avec Dieu" par des moines tibétains en pleine méditation, par des derviches tourneurs et par d'autres variétés de mystiques, font maintenant l'objet du nouveau domaine de la neuro-théologie.

Les neurologues ont déterminé qu'il il y a beaucoup plus d'activité dans nos cerveaux que celle dont nous sommes conscients. Ils ont pu démontrer q'une activité neuronale physique inconsciente précède nos prises de décision conscientes. Cela signifie que que le corps physique (le cerveau) décide avant que le "moi" immatériel devienne conscient de ce qu'il prend pour être ses décisions. Ce phénomène, maintes fois démontré, pose de sérieuses questions sur l'étendue et les mécanismes de notre libre arbitre...

Bien des questions restent sans réponse quant aux relations exactes entre le "moi", la "conscience" et le cerveau mais des recherches actives sont en très bonne voie et le concept d'une "âme" surnaturelle perd du terrain quotidiennement. De nos jours, la définition de la mort comme étant l'interruption de l'activité du cerveau est suffisamment répandue pour permettre la récupération d'organes vitaux sur des donneurs dont le cerveau est mort mais dont le coeur bat encore. Les défenseurs fondamentalistes du concept d'une "âme" surnaturelle basent leur opposition à cette pratique sur leur croyance selon laquelle cette "âme" ne quitterait pas le corps avant que les battements du coeur et le souffle n'aient cessés. (Pensez au cas de Terri Schiavo dont le cadavre a été artificiellement maintenu dans un état végétatif permanent pendant 15 ans et auquel on a administré les derniers sacrements catholiques avant que son tube d'alimentation ne soit retiré!)

Alors que la mort approche, je réalise que la conscience que je nomme "moi" ou "je" va disparaître complètement dans un avenir prochain. Je ne me préoccupe pas de perdre la conscience en m'endormant chaque soir parce que je m'attends à la retrouver le lendemain matin et à poursuivre ma routine quotidienne d'exécution du programme en mémoire dans mon cerveau qui produit la personne appelée Bernard. La perte permanente de l'information sous-jacente à mon être et à son programme est toutefois autre chose. La fin prochaine de l'affirmation de ma vie me pousse à examiner le contenu de ce programme ainsi que la façon qu'il a évolué pour devenir ce qu'il est.

J'ai décrit, dans l'essai " Réflexions sur la Vérité", comment la recherche de moi-même m'avait démontré que l'autodéfense contre la manipulation était essentielle à une pensée autonome et j'ai expliqué comment la découverte d'une approche statistique m'avait aidé à éviter le piège des absolus dans "Mon Village Joujou". J'ai écrit ces articles il y a plusieurs années quand je pensais vivre cent ans. Maintenant que je sais qu'il n'en sera pas ainsi, je dois me demander de nouveau quel était le but objectif de ma vie, s'il y en avait un.

La tradition judéo-chrétienne-islamique mentionnée précédemment affirme dogmatiquement que tous les efforts et tumultes de la vie ne servent à rien d'autre que célébrer la gloire éternelle de Dieu. Non seulement il n'y a aucune preuve à l'appui de cette proposition mais il ne serait pas très sensé qu'un Dieu tout-puissant, omniprésent et omniscient puisse avoir besoin de telles célébrations. Malgré cette absurdité, le mème d'un "Dieu" vaniteux et exigeant contamine encore la plupart des cerveaux sur notre petite planète. Je soupçonne que l'intérêt direct des rabbins, prêtres, mollahs, brahmanes et moines ont quelque chose à faire dans la persistance de la croyance irrationnelle en une âme éternelle qui n'existe que pour glorifier Dieu.

Depuis Darwin, il est graduellement devenu reconnu par une majorité de scientifiques que l'évolution de la matière en êtres qui se reproduisent et pensent, a été purement fortuite et dépourvue de toute finalité. Cette réalisation n'a toutefois pas balayé des millénaires d'enseignement par des religieux de tout acabit que le phénomène de la vie ne peut s'expliquer que par une finalité éternelle. La croyance au royaume de Dieu a sans doute aidé car elle avait le net avantage d'offrir l'espoir du bonheur éternel à l'humanité souffrante.

Étant le produit de mon environnement social et culturel, j'avais depuis ma jeunesse internalisé l'idée que la vie doit avoir un but. Mon intuition viscérale entrait en conflit avec l'évidence croissante à l'appui de l'évolution aléatoire. Ce fut longtemps un problème pour moi et cela m'a pris un effort conscient pour me libérer du mème de la finalité éternelle. Ceci n'est qu'un exemple de nombreuse zones où l'intuition viscérale et le gros bon-sens sont d'aucune aide pour découvrir comment l'univers est en réalité. La physique quantique et plusieurs des découvertes récentes à la frontière-de-la-connaissance sont définitivement contre-intuitives. Ces contradictions dévoilent de nouvelles questions sur la conscience de soi et sur le sens de la vie.

 

Conscience de soi, objectifs et personnages

Je n'avais pas vraiment conscience de moi lorsque j'étais enfant. Comme tous les bébés, je suis d'abord devenu conscient d'avoir faim. Plus tard, vers 3 ou 4 mois j'ai découvert que le monde extérieur était quelque chose de différent de mon corps et j'ai commencé à devenir conscient d'avoir chaud ou froid. À partir de deux ou trots ans, la conscience de moi et de mes sentiments s'est développée lentement. Petit enfant, j'étais fier d'avoir gagné une étoile à la maternelle ou honteux d'avoir été pris à faire quelque chose de défendu. J'étais aussi conscient d'éprouver des sentiments de joie, ou de colère mais l'univers dont j'étais conscient était physique et immédiat.

Comme tout le monde de ma génération, j'ai été soumis à l'endoctrinement traditionnel et appris l'existence du ciel et de la terre, des bons anges et des méchants démons, des âmes des saints, surtout ceux à qui l'on pouvait prier pour retrouver un objet perdu ou pour guérir d'une mauvaise grippe, et finalement, du patron de tout le système, le Dieu tout puissant qui avait tout crée et qui pouvait tout détruire s'il en avait envie. J'ai appris toutes les réponses qu'il fallait fournir sur ces sujets pour avoir de bonnes notes et j'y ai même cru un certain temps mais ce monde surnaturel invisible n'affectait pas vraiment l'univers du petit animal humain que j'étais.

Je n'ai pas vraiment développé d'idées personnelles avant de réaliser, vers l'âge de 12 ans, que je pouvais légitimement faire mes propres choix . C'est alors que j'ai commencé à soupçonner que le monde surnaturel pouvait très bien être un canular. Ce fut comme un réveil. Je devenais conscient d'un univers plus vaste où le passé et le futur s'étendaient bien plus loin que la semaine précédente et celle à venir. Mes années d'adolescence furent néanmoins une période difficile remplie de contradictions entre ce qu'on m'avait enseigné à croire et mes propres observations de la réalité du monde autour de moi que j'avais commencé à comprendre. Ce fut aussi une période de découverte de moi-même, du sexe, de l'apprentissage de la chimie, de la physique, des mathématiques et de tous les autres plaisirs de la vie. Ce ne fut pas une période facile mais j'étais totalement engagé dans la jouissance de la vie et je n'avais aucun autre objectif que de poursuivre le plaisir et d'éviter la douleur. Malgré ces difficultés, ce furent de bonnes années de relative insouciance et le jeune animal curieux que j'étais en a largement profité.

J'avais déjà environ 25 ans lorsque j'ai commencé à avoir des objectifs existentiels et ma vie a été orientée vers des buts depuis lors. Pour moi, un objectif existentiel est un projet ou une cause plus importante que mon plaisir immédiat ou mon intérêt, grâce auquel je peux dépasser mes limites. Avec le recul sur ma vie, je peux maintenant voir que de tels objectifs servaient peut être de substituts à la finalité surnaturelle que j'avais rejetée. Quelquefois, je me demande à quoi aurait ressemblé ma vie si je l'avais vécue juste pour le plaisir de la vivre sans avoir besoin de grands objectifs ou de grandes passions pour justifier mon existence.

La première passion de cette sorte qui a ajouté une dimension à ma vie a été mon identification et mon implication envers les intérêts de la nation québécoise, passion qui a débuté en 1960. Une première activité politique m'a conduit vers et a été remplacée en 1964 par le projet de créer une société pétrolière d'état québécoise, lorsque j'ai découvert (grâce à mon travail chez Elf à Paris), que le prix déclaré aux douanes du pétrole brut importé au Canada était loin de refléter les énormes rabais plus ou moins secrets d'environ 40% accordés dans les années '60 sur les prix de liste officiels. L'est canadien et particulièrement le Québec étaient arnaqués de sommes colossales par les compagnies pétrolières. Les coûts de l'énergie à l'est de la ligne Borden (dans l'est de l'Ontario), auraient dû être beaucoup plus faibles ou les énormes profits qui étaient réalisés dans des paradis fiscaux à l'étranger, auraient dû être rapatriés et taxés au Canada. Ce projet a été réalisé avec la création de SOQUIP (Société Québécoise d'Initiatives Pétrolières) et mon retour au Québec de Paris en 1970 mais son but initial de raffiner du pétrole brut importé au prix réel du marché mondial est devenu sans objet quand les rabais sur les prix officiels ont été éliminés par le premier choc pétrolier de 1973. Le but de SOQUIP a subséquement été limité à l'exploration. Mon identification avec les intérêts du Québec était devenue une partie de mon personnage et cette orientation a persisté lorsque j'ai dirigé la Régie de l'Électricité et du Gaz de 1980 à 1990.

Un autre projet qui avait une dimension "plus grande que moi" mais de moindre envergure a été celui de la restauration pendant 10 ans d'une maison de ferme de 1829 à Sainte-Croix-de-Lotbinière. Je l'ai faite avec soin et amour car je considérais que j'étais momentanément investi de la responsabilité d'un héritage culturel collectif. Restaurer cette vieille maison m'a conduit à devenir un spécialiste de l'architecture ancienne québécoise et d'acquérir des habiletés manuelles en maçonnerie, ébénisterie, plomberie, etc. Cela m'a enrichi d'un nouveau personnage, celui du fermier gentilhomme campagnard qui s'est lancé pendant quelques années, dans l'élevage de brebis Dorset de pure race comme passe-temps. La maison a été classée monument national historique québécois quand j'ai eu fini de la restaurer et je l'ai finalement vendue en 1993 quand un autre personnage, comme consultant international, est apparu.

L'étude de la psychométrie de 1980 à 1993 et le développement de Microprofil (un système informatisé d'analyse de la personnalité) m'a créé une autre image à laquelle m'identifier. Finalement, bourlinguer à travers le monde et écrire mes récits de voyages sur ce site web pendant les dix dernières années ont créé le personnage encore actuel du globe-trotter qui est présentement en voie d'être remplacé par celui d'un promoteur de la pensée critique et des valeurs humanistes au Québec.

J'ai aussi, comme tout le monde, joué beaucoup d'autres rôles dont la plupart ne sont jamais devenus assez importants pour créer des personnages et quelques autres que je préfère ne pas mentionner. Je n'ai certainement pas présenté le même personnage comme bourlingueur délabré cherchant un endroit où dormir dans les ruelles achalandées du centre-ville de Calcutta que celui qui présidait au conseil d'administration de SOQUIP ou encore celui du fermier gentilhomme à Saint-Croix.

Je mentionne ces événements dans ces paragraphes sur la conscience de soi et de ses objectifs parce que je pense que la conscience de soi s'exerce sur plusieurs niveaux différents. Nous jouons inévitablement plusieurs rôles en nous adaptant aux divers milieux et circonstances de notre vie. La plupart de ces rôles sont fugaces et aussitôt oubliés mais ceux qui impliquent un engagement, une passion et des objectifs concrets finissent par créer des personnages s'ils durent assez longtemps.

Être vraiment conscient, c'est de bien reconnaître ces rôles et personnages distincts et découvrir comment ils émergent de nos valeurs personnelles de base comme les propriétés de la glace, de l'eau et de la vapeur émergent des propriétés de la molécule d'H²O.

Alors que la mort approche, je deviens conscient que ces valeurs personnelles de base sont une fin en soi. À travers tous mes rôles et personnages, elles ont donné un sens à ma vie et sont l'essence de ce qui sera perdu lorsque je vais mourir. Je comprends maintenant à quel point il doit être merveilleux de savoir que ses valeurs de base seront sauvées de l'oubli par des enfants qui les adoptent et les transmettent à leurs propres enfants. Dans mon cas, la Fondation et l'Association humanistes sont devenues ma famille à cet égard.

 

Le début et la fin de la vie 

Il semble donc que les divers personnages qui m'ont animé lorsque je faisais plus que seulement me laisser vivre n'étaient que des manifestations d'un "moi" sous-jacent qui lui-même n'était qu'une manifestation de l'activité des neurones bien matériels qui constituent mon cerveau. Ce que j'appelle "moi" n'est pas une chose ni un être mais bien un processus qui manipule de l'information.

On peut alors se demander quant ce processus débute et quant il se termine. Il y a maintenant consensus qu'il se termine lorsqu'il n'y a plus d'activité cérébrale perceptible. Il est admissible de prélever des organes à greffer de cadavres dont le cerveau a cessé de fonctionner mais identifier le début de la vie est plus controversé. Personnellement je suis enclin à utiliser le même critère pour le début que pour la fin. C'est dire que le début de l'existence de ce que j'appelle "moi" devrait coïncider avec le début du processus qui produit ce "moi". 

De toute évidence, ça prend des neurones pour qu'il existe un processus neuronal. Nous savons maintenant que les précurseurs des neurones n'apparaissent pas dans le fétus avant environ 14 jours après la mitose (première division de l'oeuf fécondé).  Par ailleurs, nous savons aussi que le nouveau né, tout comme le fétus, n'est pas conscient du fait que le monde extérieur ne fait pas partie de son corps avant trois ou quatre mois après la naissance. Enfin, les spécialistes de la questions sont d'accord pour dire que la conscience d'un "soi" distinct n'apparaît pas avant deux ou trois ans.

Nous pouvons donc avancer que le début du processus neuronal qui nous concerne est étalé entre deux semaines et plus ou moins trois ans après la mitose et que nous ne pouvons pas identifier un moment précis de l'apparition d'un nouvel être humain. Si la nature chemine graduellement de cette façon pour démarrer le processus, il est raisonnable d'avancer que la fin du processus puisse lui aussi être étalé dans le temps (exception faite bien entendu des cas de mort violente).

Nous pensons maintenant que la mort a eu lieu lorsque l'activité du cerveau a cessé même si des parties du corps fonctionnent encore. En outre, nous observons souvent que le processus cérébral se dégrade progressivement avant de s'arrêter et il est fréquent de voir une phase de confusion et d'incohérence croissante chez les mourants avant leur décès. Cette période de dégradation graduelle peut même s'étaler sur plusieurs années dans le cas de victimes de la maladie d'Alzheimer.

Nous pouvons donc avancer que le début et la fin du processus neuronal qui produit ce que nous appelons notre "moi" ne sont pas des événements ponctuels comme le soutiennent ceux qui croient à l'existence d'une hypothétique "âme". Je pense que, comme bien d'autres phénomènes naturels, l'existence d'une personne commence imperceptiblement, se développe pour atteindre une apogée à la force de l'âge et décline ensuite vers une fin plus ou moins bien définie dans le temps. Pour faire image, considérons le début, la croissance paroxysmale suivie du déclin et la fin du processus météorologique qu'est un ouragan.

 

Choisir quand quitter la scène 

Je me considère chanceux. N'eut été cet accident à Bahrein, je n'aurais probablement jamais été faussement diagnostiqué cancéreux et je ne me serais peut être pas donné la peine de réfléchir aussi intensément au sens que la mort peut avoir pour moi.

Je me sens bien présentement et je jouis de la vie tant que ça dure. Je sais que la fibrose pulmonaire et l'emphysème sont incurables et qu'elles vont inévitablement réduire la qualité de ma vie graduellement jusqu'à ce que la valeur marginale de vivre va devenir moindre que son coût en termes d'efforts et de dégradation (à moins que je ne me fasse écraser demain matin en traversant la rue).

Le pronostic était beaucoup plus radical lorsque je pensais que le monstre de cancer qui grandissait dans moi me causerait éventuellement de sévères douleurs et une invalidité que les meilleurs soins palliatifs pourraient à peine gérer. Je me sentais définitivement chanceux d'être athée. Si j'avais été croyant avec un cancer, Il m'aurait fallu endurer souffrances et dégradation jusqu'à ce que Dieu choisisse de me délivrer de mes tourments. Mettre fin à ma vie lorsque je ne pourrais plus l'endurer m'aurait coûté la perte de la possibilité d'un bonheur éternel au ciel et m'aurait garanti un aller simple en enfer.

Étant athée, je serai libre de le faire si j'en suis capable. Cela ne sera pas facile car je m'attends que lorsque mon cortex cérébral rationnel jugera que le temps est venu de quitter la scène, mon complexe limbique, plus primitif et siège des émotions, s'accrochera pour survivre à tout prix.

Quel est le bon moment pour partir? La réponse semble plus facile à déterminer dans le cas de douleurs sévères intraitables que dans celui du désespoir discret causé par la dégradation graduelle des capacités humaines.  La douleur physique suscite bien plus de compassion que la souffrance morale mais les deux peuvent être également insupportables. Quelle valeur reste-il quand les attributs humains qui font de la vie une aventure merveilleuse sont partis? Seul l'individu concerné peut le dire.

Les facteurs qui entrent en jeu dans la décision subjective de se suicider varient tellement d'un individu à l'autre que les législations qui prétendent convenir à tous le cas sont gravement en erreur. Laissons ceux qui croient que Dieu seul devrait déterminer le moment de la mort, choisir de subir leur agonie finale jusqu'au bout si c'est ce qu'ils souhaitent mais ne les laissez pas m'imposer leurs croyances.

Certains individus pourront s'accrocher à la vie même s'ils ne peuvent plus se déplacer, sont devenus incontinents, ne reconnaissent plus leurs proches et ont perdu la plupart des attributs humains. Laissons la machine médicale prolonger leur déchéance si c'est ce qu'ils veulent mais ne la laissez pas m'imposer des traitements non voulus.

J'aurai bientôt 73 ans et j'ai eu une vie pleine et satisfaisante alors ne laissez pas quelques "coeurs tendres" renverser mon jugement que le temps est venu pour moi de quitter la scène. Je suis d'avis que la vie a trait à l'expression du potentiel humain. Lorsque ce potentiel n'est plus, la prolongation des apparences de la vie est une abomination à laquelle j'espère jamais n'être soumis.

Je comprends que la raison d'être de la profession médicale est de préserver et de prolonger la vie en toutes circonstances mais je prétends que la décision de mettre fin à ma vie m'appartient à moi et à personne autre. Cette décision est essentiellement subjective. Seul l'individu concerné peut peser les bénéfices et coûts qui s'appliquent, à lui dans ses circonstances spécifiques, de choisir de vivre un autre jour, une autre semaine ou jusqu'au bout pénible. Un testament biologique peut offrir une certaine protection contre l'abus médical mais cela n'est pas suffisant pour moi. Ce que je requiers de la profession médicale est une information non biaisée  pour m'aider à prendre une décision éclairée et éventuellement une assistance matérielle pour mettre fin à ma vie.

Il y a un éventail de circonstances entre le suicide volontaire considéré comme un droit fondamental dans la plupart des pays et l'euthanasie involontaire généralement perçue comme un meurtre même lorsque motivée par la compassion. Au Canada, le suicide est parfaitement légal mais aider à l'accomplir est passible de 14 années de prison.

Je m'objecte d'être privé de l'assistance dont je pourrais avoir besoin pour exercer librement mon droit de disposer de ma propre vie. Je m'objecte par question de principe et aussi parce que je pense que cela pourrait me forcer à prendre les choses en main pour terminer ma vie beaucoup plus tôt que je ne le ferais si je pouvais être assuré d' une aide médicale pour me suicider si je devenais incapable de le faire moi-même.

... ceci est un travail en cours à être développé...

Mis à jour en septembre 2006

 

 

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