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Réflexions sur "la vérité"

 

L'avènement de la télévision il y a cinquante ans a donné aux experts en publicité et plus récemment, aux manipulateurs de l'opinion politique, un outil puissant avec lequel ils ont graduellement érodé le sens du mot vérité. Depuis le 11 septembre 2001, le partage entre la vérité, les demi-vérités, le "spin" et les mensonges éhontés à la télévision américaine ont tellement tendu vers ces derniers que je suis devenu confus et j'ai ressenti le besoin de fouiller le véritable sens de ce mot.

C'était beaucoup plus simple lorsque je suis venu au monde en 1933. Dans ma tendre enfance, la vérité était ce que mon père et ma mère disaient. J'étais chanceux parce que la plupart du temps les choses se présentaient de la façon dont mes parents avaient dit qu'elles le feraient. Conséquemment, dans ma tête, la vérité était un "bien" fondamental depuis le début au même titre que le lait maternel, l'amour et les couches sèches. La confiance m'était naturelle dans l'environnement d'une enfance heureuse. Ma première perception de la vérité a aussi été modelée par des dogmes religieux. On m'a dit de croire en toutes sortes de fables déraisonnables même si je ne les comprenais pas parce qu'elles faisaient partie des ''mystères sacro-saints'' et que la foi aveugle était une vertu qui ouvrait les portes du 'ciel'. J'appartenais à une bonne famille catholique, bien étoilée de prêtres et de religieuses, alors, j'ai donc adopté l'idée que la foi était plus ''vraie'' que la réalité avec beaucoup de bonne volonté, malgré l'énorme difficulté de le faire, jusqu'à ma jeune adolescence. Alors, quelque chose devait craquer, ça aurait pu être mon respect pour la vérité mais finalement, ce fut ma foi qui s'écroula.

J'ai perdu la foi, ou plutôt j'en fus libéré, pour plusieurs raisons mais probablement surtout à cause de l'hypocrisie et des contradictions entre la rhétorique élitiste de l'Église au sujet de l'amour fraternel et de la charité et les injustices qu'elle tolérait systématiquement sans honte. Me rendre compte d'abus sexuels au collège où j'étais pensionnaire n'a pas aidé ma foi. C'était naïf de ma part mais le comportement des autorités de l'Église n'était pas à la hauteur de mes attentes envers la vérité. Libéré de la foi chrétienne, je me suis senti perdu, laissé à la dérive sur une mer houleuse sans voile ni compas. Ce fut terriblement traumatisant de perdre le sens de la vie, la raison de tous les efforts, tentatives et souffrances. Gérer la pression de besoins sexuels grandissants, en respectant les limites d'un comportement social acceptable, pendant mes années d'adolescence était assez difficile, sans avoir en plus à chercher le sens de la vie. J'ai lu tout ce qui me tombait sous la main au sujet de ''l'expérience surnaturelle'' en espérant trouver la paix et un objectif sur un ''plan spirituel'' plus élevé.

J'ai flirté avec les Rosicruciens, avec Eckankar, avec les Théosophes et avec un certain nombre de groupes semblables et je m'accrochais à ce que je pouvais comme un marin qui se noie. J'ai été séduit pendant quelques années par l'apparence de justice dans les religions orientales où la progression spirituelle de chacun dépend d'une succession de vies intègres plutôt que sur le hasard d'une humeur repentante au moment de la mort. Ce radeau de sauvetage s'est toutefois dégonflé lorsque j'ai réalisé comment la fable des renaissances successives était utilisée en pratique, par les Hindous pour faire accepter les privilèges injustes dont jouit la caste des prêtres brahmanes et par les Bouddhistes pour justifier l'indolence et le pouvoir des moines au Tibet. Vers l'âge de 25 ans, j'étais de nouveau à la dérive cherchant une raison d'être matérialiste à mon existence pour remplacer la finalité spirituelle à laquelle je ne pouvais plus croire.

J'ai jeté un coup d'oeil à la politique mais j'ai vite réalisé que l'intrigue et la manipulation ne m'allaient pas. Les activités professionnelles et la carrière ont retenu mon attention mais ces activités ne dissipaient pas le besoin de finalité qui m'avait été refilé par mon éducation religieuse. J'ai perdu beaucoup de temps à me débarrasser de l'idée que l'univers avait été créé pour permettre aux être humains d'atteindre une finalité surnaturelle. Après beaucoup de recherches et d'angoisses j'ai finalement adopté l'idée que la vie n'avait pas d'autre but que l'expression de ce que l'évolution avait fait de nous dans un univers exclusivement matériel.

J'ai retenu l'idée que la vérité était une valeur désirable mais qu'elle était insaisissable et jamais absolue. J'en suis venu à penser en termes de probabilités et à reconnaître que quoique ce soit que je pense, ce n'est jamais plus qu'une approximation sujette à amélioration. La poursuite de la ''vérité absolue'' a perdu son intensité dramatique et a été remplacée par la recherche plus modeste de vérités incomplètes et partielles. Poursuivant cette orientation, j'ai développé le jeu de construire mon propre modèle de l'univers que j'ai appelé " Mon village joujou".

Il est difficile de comprendre les gens sans savoir comment leur perception de la vérité a été formée. J'ai rencontré des fondamentalistes qui considèrent sincèrement que leurs ''vérités absolues'' sont plus réelles que le monde matériel dans lequel nous vivons. Il est utile de comprendre que leurs attitudes intransigeantes, en noir et blanc, sont le résultat d'une foi aveugle qui a grandi avec le temps en dépit de toutes les évidences au lieu de s'effondrer comme la mienne. J'ai aussi rencontré des individus dont l'expérience personnelle ne les a pas conditionné à considérer la vérité comme un bien fondamental. Certaines de ces personnes pragmatiques s'arrangent pour naviguer à travers les contradictions de chaque jour sans s'inquiéter de la validité de ce qu'elles disent. Pour elles, la seule ''vérité'' c'est ''ce qui marche''.

La ''vérité'' n'a pas la même signification ni la même importance pour tout le monde, cela dépend du fonctionnement de la pensée, lequel varie selon l'expérience personnelle de chacun. Le terme ''vérité'' est largement reconnu comme signifiant une corrélation exacte entre ce qui est dit à propos de ''quelque chose'' et la réalité objective de ce ''quelque chose''. Cependant, la vérité n'est pas si simple en pratique parce que la corrélation n'est pas toujours exacte ou bien parce que le ''quelque chose'' ne peut pas toujours être défini avec précision. Peut-être qu'une analyse des zones d'application du terme ''vérité'' pourrait nous aider à comprendre comment il peut avoir des significations tellement différentes pour certaines personnes.

Trois zones de vérité

Nos ancêtres hominidés apprirent à utiliser des images internes de leur environnement de certaines façons qui amélioraient leur taux de survie et de reproduction et la sélection naturelle favorisa l'augmentation graduelle de la taille du cerveau qui générait ces représentations de la réalité extérieure. Les augmentations de la taille du cerveau permirent des utilisations de plus en plus sophistiquées de ces images telles que la capacité de les projeter dans le futur et de les partager avec d'autres hominidés par l'usage du langage. L'évolution favorisa aussi les clans solidement liés par une perception commune de leur environnement au dépens de groupes jouissant de moins de cohésion.

Nous avons appris cependant que notre image subjective personnelle de notre environnement naturel ne représente pas nécessairement l'univers physique qui existe vraiment. La corrélation entre l'univers réel et notre représentation de ce qu'il est, le maillon ''A'' dans le diagramme ci-dessous, est imparfaite et incomplète mais cette ébauche approximative est le seul univers que nous connaissons. Dans les sociétés primitives, les zones inconnues de notre ébauche étaient comblées par de pures spéculations ayant recours à un monde d'esprits pour lequel il n'y avait aucune évidence observable. Notre ébauche de l'univers est imparfaite mais elle s'améliore au fil des progrès de la science. Cependant, les dogmes répandus dans l'environnement social par des organisations religieuses ou idéologiques polluent encore la vue du monde des croyants avec des éléments spéculatifs non fondés (pointillés ''X'' dans le diagramme).

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Nous, en tant qu'individus conscients, sommes la perception subjective de nous-mêmes dans l'univers qui nous entoure. Nous sommes la somme de tout ce que nous savons et nous sommes en perpétuel changement à mesure que nous acquérons de nouvelles connaissances. L'imperfection de nos perceptions serait un problème mineur si l'absence de vérité affectait seulement la relation ''A'' décrite ci-devant. Malheureusement, ce n'est pas le cas parce que les aptitudes sociales acquises par l'évolution qui a conduit à l'extraordinaire croissance du cerveau humain nous permettent de projeter des images qui ne représentent pas notre moi intime (notre représentation subjective de nous-mêmes dans l'univers). La corrélation entre notre réalité subjective et les images que nous choisissons de projeter dans notre environnement social, le maillon ''B'' dans le diagramme, est aussi généralement imparfaite et incomplète. Les mèmes (idées qui courent), présentement à la mode dans notre environnement social exercent une influence (ligne pointillée ''Z'') sur nos choix des images que nous choisissons de projeter. Cette pollution tend à construire des personnages publics calculés pour produire des résultats plus désirables que ceux qui seraient obtenus par la projection de notre vrai moi intime. Il semble que notre capacité de fausser le maillon ''B'' ait été sélectionnée naturellement par l'évolution à cause de ses valeurs de survie et de reproduction. Autrement dit, notre habileté à mentir a été programmée en nous par l'évolution et est parfaitement naturelle!

D'aucuns tombent dans le piège de croire à leurs propres mensonges lorsque ceux-ci produisent les résultats qu'ils souhaitent. Pour eux, l'efficacité opérationnelle du maillon ''C'' confère une ''vérité'' à l'image qu'ils projettent dans leur environnement social. Le personnage projeté qui obtient les résultats désirés est ''vrai'' même s'il n'a rien à voir avec la véritable personne. Cela équivaut à proclamer que les médicaments homéopathiques (ou les potions magiques des sorciers guérisseurs) sont de ''vrais'' médicaments parce qu'ils produisent un effet placebo. L'erreur de considérer un tel ''test de vérité'' comme une preuve de vérité est fréquente. Certains avocats n'hésiteront pas à présenter n'importe quels arguments qui puissent influencer les membres du jury, indépendamment de leur véracité. Si ça marche, c'est "vrai"! Les politiciens tendent aussi à penser que tout ce que leurs conseillers et rédacteurs leur font dire est ''vrai'' si cela amène des votes.

 

La tolérance aux non-vérités

Nous aimons penser que la vérité est un bien fondamental mais nous la rencontrons si rarement que nous développons une tolérance à la présence de non-vérités (i.e. mensonges), en nous-mêmes et dans notre environnement. On ne peut pas nier que la vérité soit sévèrement manquante dans les trois zones décrites ci-devant. C'est une question de degré...
A- Nous n'avons pas encore découvert tous les secrets de l'univers et nos perceptions sont souvent polluées par des dogmes et des mèmes.
B- Nous projetons généralement des personnages qui ne représentent pas fidèlement ce que nous sommes vraiment.
C- Nous choisissons parfois de considérer des ''non-vérités qui fonctionnent'' comme étant la vérité.

A - Dans notre "moi intime"

Ce que nous savons de l'univers provient de nos propres observations (maillon ''A'' dans le diagramme) ou de l'observation des autres. De même, notre connaissance de nous-mêmes provient largement de ce que les autres voient en nous. Cette connaissance de nous-mêmes est fortement influencée par les dogmes et les mèmes au sujet de ce que nous devrions penser et de ce que nous devrions être (lignes pointillées ''X'' et ''Z''). Ce genre de pollution embrouille notre perception de ce que nous sommes réellement en générant des sentiments destructifs de culpabilité envers toute non-conformité aux normes religieuses et sociales que nous avons acceptées. En fait, la plupart d'entre nous ne sommes pas beaucoup plus près maintenant de l'objectif ''connais-toi toi-même'' que ne l'étaient les grecs lorsque Socrate le prônait comme clé du bonheur il y a 25 siècles.

Permettre aux dogmes de dominer les autres sources d'informations mène au fanatisme religieux et idéologique. Des fondamentalistes tels que Osama Bin Laden et Jerry Falwell croient au contenu littéral de leurs écritures saintes respectives en dépit de l'absence de la moindre preuve d'un monde surnaturel Le dogmatisme idéologique peut être aussi aliénant; par exemple, même de nos jours, quelques communistes irréductibles croient encore en la validité absolue du Marxisme-léninisme en dépit de l'échec évident de ce système il y a plus d'une décennie.

La plupart des mèmes ne transportent qu'un contenu inoffensif sur nos valeurs culturelles et nos modes du moment mais ils peuvent devenir de puissants instruments d'abus entre les mains de manipulateurs car nous ignorons généralement les mécanismes par lesquels nous les recevons et les transmettons ( voir d'autres sites sur les mèmes).

Une intégration bien réussie dans notre environnement social et une bonne identification à celui-ci impliquent que nous tolérions un certain niveau de non-vérité introduit dans notre auto-perception par des dogmes et des mèmes. La crédulité individuelle varie grandement, mais au-delà de certaines limites, l'acceptation non-critique d'une telle pollution conduit à un conformisme extrême qui nuit à l'émergence d'une personnalité distincte.

B - Dans nos personnages publics

Nous tolérons également quelques non-vérités dans les images de nous-mêmes que nous choisissons de montrer aux autres. Les personnages que nous projetons nous protègent et nous procurent une interface flexible sans laquelle les relations interpersonnelles seraient très difficiles sinon impossibles. Maintenir un ensemble approprié de personnages est cependant très compliqué parce que l'environnement social n'est pas toujours le même. L'image optimale à projeter dans un certain groupe ne produit pas des résultats optimaux avec un groupe différent. Nous devons donc modifier notre personnalité apparente pour cadrer avec les différentes circonstances sociales. Nous le faisons tous jusqu'à un certain point, par exemple, je ne projetais pas le même personnage public en bourlinguant au Pérou que celui que je projetais en présidant des conseils d'administration au Québec ou que celui que je projette maintenant en publiant ce site web.

Un certain degré de non-vérité dans nos personnages publics peut être parfaitement légitime non seulement comme lubrifiant diplomatique pour faciliter les relations humaines mais aussi comme un pas nécessaire dans notre propre évolution personnelle. En effet, tel que je l'ai expliqué dans le texte ''La vie est une affirmation'', l'être humain a la capacité de modifier sa programmation interne en adoptant volontairement un comportement nouveau jusqu'à ce que celui-ci soit intégré comme une modification acceptée. Ce n'est pas un problème lorsque la distorsion de son personnage public n'est que temporaire jusqu'à ce que les nouveaux éléments fassent partie de son véritable lui-même.

Les petites menteries occasionnelles et les non-vérités diplomatiques ne sont pas un problème non plus. Il y a toutefois des limites aux distorsions qui peuvent être tolérées dans les personnages publics de quelqu'un sans affecter sa crédibilité. Dans toute société, la confiance mutuelle est basée sur le respect de ces limites. Nous sommes tous sensibles aux compliments tant que nous les pensons vrais mais nous rejetons rapidement la flatterie si nous la soupçonnons de ne pas être sincère. La séduction, la manipulation et la fraude pure et simple sont les prochaines étapes dans l'abus de confiance.

Le séducteur (ou la séductrice) présente une image fausse mais séduisante de lui-même jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il veut mais il doit ensuite continuer à vivre son mensonge pour éviter d'être démasqué. Plus que les distorsions introduites dans ce masque sont importantes, plus qu'il sera inconfortable à porter plus tard.

Le manipulateur énonce consciemment des faussetés pour obtenir ce qu'il veut de ses victimes. Un tel abus de confiance ajoute l'insulte au préjudice. C'est une agression intellectuelle qui compromet l'intégrité de la perception de la réalité de la victime. C'est un viol de l'esprit. Être manipulé par quelqu'un de proche est un viol du coeur, cela détruit l'amour et laisse seulement un tissu cicatriciel raide et inerte. Au-delà de certaines limites, la manipulation devient de la fraude pure et simple qui est sanctionnée comme criminelle dans la plupart des sociétés.

Les manipulateurs et les imposteurs ont occasionnellement eu du succès, mais comme le disait Abraham Lincoln: ''C'est facile de tromper quelques personnes de temps en temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps!'' En dernière analyse, la vraie victime de l'imposteur qui réussit, c'est lui-même parce que lorsqu'il extériorise un personnage inventé comme un comédien sur la scène, il doit nécessairement négliger le soi intime qui détient les valeurs et attitudes qu'il considère siennes. En isolant son vrai moi intime de cette façon, il le prive de l'opportunité d'être aimé, de se développer et de réaliser l'affirmation de sa propre existence individuelle.

C - Dans nos connaissances collectives

Finalement, nous tolérons la présence d'énormes quantités de faussetés dans notre savoir collectif parce qu'on ne peut pas faire grand-chose pour l'empêcher. Pour les besoins de cette discussion, je regrouperai tout notre savoir collectif en quatre catégories qui se chevauchent : les dogmes, les connaissances scientifiques, les pseudo-sciences et le reste, notre héritage culturel. Les mèmes sont des ''morceaux de ce savoir collectif'' qui circulent de cerveau en cerveau en se reproduisant selon des règles qui ressemblent étroitement à celles qui gouvernent la reproduction et la sélection naturelle des gènes.

Les dogmes sont prétendument des ''vérités'' parfaites, absolues et immuables généralement révélées à quelques individus privilégiés. À l'origine ils furent probablement inventés pour répondre aux questions que l'homme se posait sur son environnement mais ils sont vite devenus des instruments de pouvoir. Par exemple, l'impressionnant phénomène du tonnerre fut jadis expliqué par la colère de quelque entité surnaturelle, le dieu du tonnerre, qui devait être apaisé. Historiquement, les chamans, les prêtres et les ''détenteurs-de-la-vérité'' utilisèrent les dogmes pour acquérir du pouvoir sur ceux qui les croyaient. La sélection naturelle favorisa la croyance aux dogmes à la formation de clans qui en adhérant à des religions dogmatiques eurent l'avantage d'une plus forte cohésion et d'un but commun par rapport à des groupes plus librement organisés. Cela rendait possible l'exécution de gros travaux d'intérêt public tels que l'irrigation et les cathédrales mais cela conduisit aussi à des guerres efficacement organisées et à d'impitoyables dominations sur des non-croyants. Les dogmes créent des identités distinctes et conduisent nécessairement à des divisions profondes car des croyances contradictoires ne peuvent pas toutes être absolument vraies. La foi aveugle a été et est encore une des causes majeures de guerres et d'effusions de sang dans l'histoire de l'humanité.

La foi aveugle en un monde surnaturel a aussi conduit à d'innombrables cas d'abus de confiance allant de l'astrologie aux croyances du nouvel âge, aux " médecines'' alternatives, à l'exploitation extrême par des sectes millionnaires sans scrupules et même à de fatales manipulations par des gourous de cultes de la mort. (voir d'autres sites sur les abus de la foi)

La connaissance scientifique est imparfaite et incomplète mais en constante progression. Ce que nous savons de l'univers nous est accessible à travers des représentations subjectives de la réalité dans le cerveau de quelqu'un, le nôtre ou celui d'autres personnes (maillon ''A'' dans le diagramme). Nous appelons objectifs ces faits qui peuvent être constatés indépendamment par tout observateur qualifié à une époque donnée et nous considérons les théories qui les expliquent adéquatement comme la ''vérité'' jusqu'à ce qu'ils soient réfutés par des évidences expérimentales ultérieures. À mesure que la science progresse, de nouveaux faits sont découverts et des explications qui étaient considérées vraies sont remplacées par de nouvelles théories plus satisfaisantes. La science procède par étapes. Les nouvelles théories présentées à la communauté scientifique restent dans les limbes d'une proto-science discutable jusqu'à ce qu'il se dégage un consensus positif ou négatif à leur sujet. La théorie des mèmes est encore à l'étape d'une proto-science mais son acceptation grandissante augure bien pour la reconnaissance de la mimétique comme une science légitime. La reconnaissance scientifique prend du temps, cela a pris quelques décennies avant que la théorie de la dérive des continents ne soit acceptée.

La vérité objective n'est pas absolue et elle peut évoluer, ce qui est considéré vrai aujourd'hui pourrait être considéré incomplet et inadéquat demain alors que nous améliorons notre connaissance durement gagnée de la réalité. Que nous aimions ça ou non, c'est comme ça et nous devons accepter que notre connaissance scientifique ne soit vraie que dans le moment présent. La science est nécessairement inclusive car elle est le résultat de multiples vérifications et du consensus des paires. Elle n'appartient à aucun groupe particulier et elle est disponible à tout le monde de toutes races, couleurs ou religions. La science a remplacé les dogmes pour expliquer le monde physique mais l'homme a encore plusieurs questions sans réponse qui le laissent vulnérable à la manipulation des ''détenteurs-de-la-vérité'' qui manient des dogmes concernant l'éthique et ce qui arrive après la mort.

Les nouvelles théories qui ne sont pas acceptées par la communauté scientifique sont abandonnées par celle-ci et sont considérées comme de la pseudo-science lorsque défendues par des promoteurs irréductibles ( par exemple la théorie de la fusion à froid). Quelquefois aussi, des manipulateurs sans scrupules utilisent la terminologie de la science moderne pour donner une apparence de crédibilité à des arnaques et à des théories non-fondées qui n'ont aucun rapport à la science ( démontré par l'affaire Sokal). L'individu moyen qui n'a pas développé une habitude de pensée critique peut être facilement berné par des pseudo-sciences adroitement présentées dans plusieurs secteurs de l'activité humaine. Les sites web suivants expliquent comment distinguer la pseudo-science de la science légitime.

http://www.astrosociety.org/education/resources/pseudobib.html
http://suhep.phy.syr.edu/courses/modules/pseudo/pseudo.html
http://www.uwgb.edu/dutchs/pscindx.htm
http://skepdic.com/contents.html

La pseudo-science organisée est particulièrement trompeuse. Les fondamentalistes chrétiens interprètent les progrès scientifiques courants, qui ne traitent que du monde matériel, de façons conçues pour laisser entendre l'existence de Dieu et d'un monde surnaturel. Ces manipulateurs sont particulièrement actifs aux États-Unis où la riche droite chrétienne finance des organisations comme la Fondation Templeton qui distribue un prix d'un million de dollars chaque année à des scientifiques qui acceptent d'appuyer leur fraude. Les sites web suivants et les liens qu'ils contiennent peuvent aider à identifier cette source d'une grande partie de la pseudo-science qui pollue notre savoir collectif.

http://www.intelligentdesignnetwork.org
http://www.science-faith.org
http://www.sris.info/about.ep.html
http://www.ssq.net
http://www.wwitherspoon.org

Le reste de ce que nous savons, les arts et humanités et toutes les autres connaissances qui ne sont ni des dogme figés, ni une science en évolution, ni une pseudo-science frauduleuse, peut être classé dans la catégorie générale de l'héritage culturel global de l'homme. Tout ce savoir collectif est étalé devant nous comme une grande variété de mets appétissants dans un banquet buffet. C'est la responsabilité de chacun de nous de choisir les mèmes qui valent la peine de ramasser et de résister aux efforts de ceux qui cherchent a nous remplir le cerveau de faussetés.

 

La pensée critique

Nous avons tendance à voir la vérité comme acquise, à cause d'un sain optimisme, parce que nous aimons prendre nos désirs pour des réalités, par paresse intellectuelle ou par irresponsabilité individuelle. L'analyse ci-devant démontre pourtant qu'il y a une quantité considérable de faussetés dans l'image intime que nous avons de nous-mêmes, dans les personnages que nous projetons et dans l'information que nous recevons de notre environnement social. Suite à un examen sans complaisance de la réalité, il devient évident que la vérité est un bien extrêmement rare.

Nous acceptons volontiers les réponses les plus déraisonnables à nos interrogations pour éviter de faire face à notre peur de l'inconnu. Nous préférons une fausse certitude à une vérité incertaine. La science commence seulement maintenant à apprendre comment traiter de l'incertitude, du chaos et des aspects aléatoires de la mécanique quantique. La communauté scientifique fait face à ces concepts non pas par choix mais parce que leur analyse en profondeur ne peut plus être évitée. Quant au reste de nous, nous nageons dans un océan de faussetés et choisissons de ne pas en être conscients. Ça ressemble beaucoup à l'autruche qui pense que les lions cessent d'exister lorsqu'elle met sa tête dans le sable.

Avec un peu d'effort, il est cependant possible de réduire le ''contenu de faussetés'' dans chacune des trois ''zones de vérité'' mentionnées plus haut. Nous pouvons commencer par débarrasser notre auto-perception de certaines non-vérités en prenant conscience des mécanismes par lesquels l'image que nous entretenons de nous-mêmes a été construite à partir de nos interactions avec les gens qui nous entourent. De l'aide est maintenant facilement disponible, la psychométrie moderne peut fournir des profils statistiquement valides qui montrent comment les valeurs et les attitudes qui forment notre personnalité se comparent à celles des gens qui nous entourent. Vous voudrez peut-être essayer quelques-uns de ces tests qui sont disponibles sur internet.

Nous pouvons aussi chercher à prendre conscience des différences entre la vraie personne que nous croyons être à l'intérieur de nous et les diverses images de nous-même que nous choisissons de montrer aux autres dans certaines circonstances. Prendre conscience de ces différences est un pré-requis à une meilleure connaissance de cette partie de nous-mêmes que nous considérons être notre moi intime. Nos personnages publics sont une interface utile qui s'adapte à notre environnement social afin de protéger notre moi intime. Cette interface cache certains aspects de ce que l'on est vraiment et en ajoute d'autres qui ne correspondent pas à notre réalité. Ce faisant elle peut toutefois isoler notre conscience intime de soi et en empêcher l'évolution. L'objectif de minimiser les différences entre nos personnages publics et notre moi intime n'a rien à voir avec un quelconque impératif moral ayant pour but de devenir plus ''honnête'', c'est une question de l'intérêt égocentrique de renforcer notre personnalité intérieure pour lui permettre d'opérer plus ouvertement à l'extérieur afin de développer son plein potentiel.

Quant aux innombrables faussetés qui polluent notre environnement social, la plupart d'entre elles sont délibérément disséminées par des organisations et des individus qui retirent du pouvoir et de la richesse de la manipulation de ce que les gens pensent. La corruption est aussi une forme indirecte de manipulation quand le coupable trahit la confiance accordée à sa fonction pour son avantage ou profit personnel. Le sont aussi tous les arnaques, canulars et publicités frauduleuses qui exploitent la crédulité.

On peut rester passif et accepter d'être mené avec le troupeau des masses crédules ou choisir de se joindre aux prêtres, aux gourous, aux guérisseurs et aux autres abuseurs sans scrupules mais l'individu responsable choisira plutôt la voie de la pensée critique pour défendre son indépendance intellectuelle.

Ce n'est pas une voie difficile mais elle requiert un niveau élevé d'éveil. La première étape consiste à identifier les forces qui menacent notre capacité de pensée indépendante:
- les grandes religions, les marginales, les sectes et les cultes,
- les modes, commerces et gourous du nouvel âge,
- les arnaques de la pseudo-science, la corruption, les canulars et la publicité mensongère,
- et malheureusement, de plus en plus de nos leaders politiques.

La seconde étape consiste à se familiariser avec les astuces suivantes couramment utilisées par ces forces pour nous manipuler.
- l'emploi d'euphémismes "politiquement corrects" pour déguiser la réalité sous-jacente,
- l'emploi de langage intentionnellement complexe et d'un jargon ésotérique pour embrouiller et écraser l'auditeur impressionné,
- l'emploi d'expressions positives pour blanchir sa position et de termes négatifs pour sataniser celle de l'adversaire,
- l'emploi de mathématiques trompeuses, de graphiques tronqués et de statistiques erronées pour déguiser des faussetés,
- l'emploi d'analogies et de généralisations trompeuses pour embrouiller la question,
- l'emploi de "harengs fumés" pour déplacer l'attention vers des questions sans rapport à la question,
- l'emploi de négations éhontées des fait évidents pour créer le doute dans l'esprit de l'auditeur,
- l'emploi de gros mensonges, si gros que les prononcer requiert une incroyable audace,
- l'emploi de simplifications exagérées pour réduire des problématiques complexes à des caricatures en noir et blanc de la réalité,
- l'exploitation des peurs, des préjugés et des émotions, bonnes ou mauvaises, des gens pour faire accepter un parti-pris,
- discréditer l'adversaire plutot que ses arguments
- référence à de soi-disant experts que peu d'interlocuteurs oseront contester,
- référence à l'opinion publique acceptée et à la tradition comme jauge de validité,
- référence au dogmes religieux et des déclarations de bienséance pour justifier n'inporte quoi.

La liste de ces astuces pourrait être doublée ou triplée et chacune d'elles mérite un examen plus poussé que ce qu'on peut faire ici. Malheureusement, la plupart des gens ne sont pas au courant de ces pièges ou, s'ils le sont, ils ne se donnent pas la peine de se servir de leurs connaissances pour se protéger de la manipulation. Nous sommes tous le plus vulnérables à se faire avoir par ces astuces quand la force manipulatrice est suffisamment adroite et subtile pour que nous ne la voyons pas venir.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que l'homme ne peut pas être bon sans l'aide de Dieu car le "péché originel" l'aurait souillé de mal. Je les plains car ce doit être insuportable de se tenir constamment en état d'alerte en rencontrant d'autres gens. Je pense que l'écrasante majorité des gens font plus de bons actes que de méchants. Je me suis promené un peu partout dans le monde et j'ai été exposé à plus de cultures diverses que je peux me souvenir (Voir La route du globetrotter dans 208 pays). Je retiens de cette expérience que la très grande majorité des gens ont conservé intactes les qualitées grégaires de coopération et d'empathie inscrites dans nos gènes pour leur valeur de survie du groupe.  Voyageant seul, j'ai trouvé la plupart des gens chaleureux, hospitaliers et sympathiques même envers un étranger. La plupart des gens m'ont retourné l'attitude avec laquelle je les ai abordés. Je pense que la manipulation vient plus des organisations que des individus.

Il y a toutefois des exceptions. J'ai été victime d'arnaques, d'aggressions et de vols de la part de tricheurs qui n'observent pas toujours la règle d'or (fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fassent). Je suis d'avis que les tricheurs sont une minorité. On en trouve rarement dans les petites communautées car ils sont rapidement identifiés, évités et éventuellement expulsés. Il n'y a pas de place pour les tricheurs chez les nomades touaregs du Sahara ni chez les maya traditionnels d'amérique centrale ou chez les diverses tribus montagnardes de l'Asie du Sud-Est ou encore dans la majorité des petits villages ailleurs dans le monde. Excepté, bien entendu, là où il y a une grande affluence de touristes (voir " l'Indice de saturation touristique").

Les tricheurs survivent et prospèrent dans les grandes ville où ils peuvent trouver de nouvelles victimes à exploiter. Je suis convaincu que presque tous ceux qui vivent dans un rayon d'un kilometre de chez-moi à Montréal sont aussi grégaires, coopératifs et empathiques que je souhaite l'être moi-même.  Les tricheurs sont une minorité mais il faut néanmoins apprendre comment se protéger de leur prédations.

Il nous faut développer l'habilité de reconnaître quand nous pouvons nous permettre de garder l'esprit ouvert et quand il faut adopter une attitude critique instanténament. Cette troisième étape est la plus difficile. On risque de rester vulnérables ou bien de s'isoler dans une paranoia malsaine. Des indices comme des incohérences mineures, le langage corporel et un regard fuyant peuvent aider à démasquer un individu tricheur mais elles sont moins utiles pour se protéger d'organisations manipulatrices que des habitudes pro-actives comme:
- distinguer si des informations proviennent d'organisations ou d'individus et si ceux-ci cherchent à vous vendre quelque chose,
- chercher des sources alternatives d'information au sujet de questions que l'on considère importantes
- se méfier doublement si une proposition dépend d'éléments surnaturels ou de pensée magique

Heureusement, des appuis à la pensée critique sont offerts par un nombre grandissant de groupes d'entraide qui fournissent une certaine défense contre diverses formes abus intellectuel.
- Des groupes humanistes partout dans le monde offrent une philosophie basée sur la science et la nature qui est un rempart efficace contre les dogmes religieux et sectaires.
- Des groupes et des associations de sceptiques aident aussi au développement de la pensée critique en dénonçant les canulars du paranormal et les arnaques du nouvel âge.
- Le réseau croissant des 90 chapitres nationaux de "Transparency International" dénonce la corruption en publiant des indices des pays les plus corrompus et les plus corrupteurs.
- Des associations de protection du consommateur et leurs publications ont des moyens bien limités par rapport à ceux de l'industrie multimilliardaire de la publicité mais elles essaient tout de même de procurer quelque protection contre la fraude et la manipulation commerciale.

Malheureusement, il n'y a presque pas de moyens de défense contre l'endoctrinement politique par les médias. C'est spécifiquement ce problème qui m'a incité à engager cette enquête sur le sens du mot ''vérité'' dans l'environnement social d'aujourd'hui.

 

La manipulation politique par les média

Je voyage cinq mois par année et j'ai visité plus que 200 pays et territoires. Une des premières choses que je fais en arrivant dans un nouveau pays, c'est de lire quelques journaux locaux pour prendre le pouls du climat politique. L'absence d'articles présentant des points de vue opposés à ceux du gouvernement au pouvoir en dit long sur le système politique du pays. Lorsque je vivais à Paris dans les années '60, j'avais pris l'habitude de lire "Le Monde" tous les jours mais lorsqu'il se passait quelque chose de spécial quelque part dans le monde, je lisais aussi le journal communiste "L'Humanité" et celui de l'aile droite "Combat" pour m'aider à former ma propre opinion sur l'événement. En Europe, c'était considéré normal pour les journalistes de voir le monde à travers leurs propres yeux et d'en faire le rapport avec leur propres partis pris personnels.

C'est différent en Amérique où les journalistes des principaux médias ont été endoctrinés à croire qu'ils peuvent rapporter des événements sans laisser leurs convictions personnelles influencer ce qu'ils écrivent. Ils prétendent être capables "d'objectivité journalistique" mais je pense plutôt, soit qu'ils ils n'ont pas de convictions personnelles, ou bien qu'ils ont décidé de se conformer à la "sagesse conventionnelle" couramment acceptable par leurs pairs immédiats. Pour eux, la "vérité" dans un reportage signifie "tout ce qui est politiquement correct à ce moment-là". En Amérique, les médias se font concurrence pour être les premiers à sortir la nouvelle mais une fois que celle-ci est sortie, ils la présentent tous avec le même parti pris.

J'ai remarqué cette étonnante uniformité d'opinion en Amérique du Nord pour la première fois lorsque je suis revenu d'Europe en 1970. Depuis lors, la pression pour se conformer à une vision "journalistiquement objective" du monde a augmenté alors que le nombre des corporations propriétaires de grands médias a chuté de 50 à seulement 5. Le résultat est très impressionnant, par exemple, lorsqu'il est à la mode de dénigrer la Chine, tous les postes de télévision et tous les principaux journaux se mettent de la partie dans à peu près tous les mêmes termes. De même, le message à l'effet que, "Israël ne fait jamais le mal" malgré tous ses excès envers les "méchants" Palestiniens est tout-à-fait écrasant. Personne n'ose soulever la moindre critique envers le "peuple élu de Dieu" par peur d'être crucifié comme antisémite. Le résultat net de cette autocensure conformiste n'est pas très différent de ce qui se passe dans les pays autoritaires où les journaux dissidents sont fermés et où les journalistes trop francs sont emprisonnés et quelquefois tués. Ici, les journalistes qui ne se conforment pas ne sont pas tués mais ils sont considérés peu fiables et ont de très courtes carrières dans les médias de première ligne.

Depuis la destruction du World Trade Center, le 11 septembre, la fourchette de ce qui est "politiquement correct" a considérablement rétréci alors que toutes les stations de télévision et tous les journaux se font concurrence pour paraître les plus patriotiques et les plus ardents supporteurs du président Bush, le commandant en chef. Les spécialistes en communication de l'administration ont fait des merveilles avec les faits grâce au support total des grands médias. Monsieur Bush qui avait été perçu comme plutôt inefficace et pas trop brillant a été transformé du jour au lendemain en un héroïque Saint-Georges à l'armure rutilante tuant le dragon du terrorisme avec sa grande lance. La "vérité" d'hier était chose du passé et la nouvelle "vérité" était "tout ce qui marche" pour obtenir l'opinion publique désirée par les faucons de l'administration supportés par la droite conservatrice. Il est difficile de ne pas voir que les grands médias sont devenus un docile instrument du pouvoir aux États Unis depuis le 9 septembre.

Depuis lors, le contrôle étroit que les média concentrés en quelques corporations exercent sur l'opinion publique américaine a été tellement évident que n'importe quel observateur externe comme que moi pouvait facilement voir comment ces médias préparaient soigneusement le terrain pour les manoeuvres de l'administration Bush un peu comme les balayeurs nettoient la glace devant la pierre dans une partie de curling. Je n'ai donc pas pu résister à l'envie d'écrire "La nouvelle guerre de l'Amérique", "La nouvelle partie d'échecs de Bush" et "La lutte pour le pétrole" en 2002, bien avant la guerre d'Irak.

Ç'était devenu évident pour moi que ce grand pays que j'avais déjà tant admiré pour sa liberté d'expression (en dépit de ses politiques sociales rétrogrades), s'orientait dans une direction plutôt effrayante rappelant la paranoïa de la chasse aux sorcières du maccarthysme des années '50. Aucun des grands médias n'a senti le besoin de sonner l'alerte. Au contraire, ils applaudissaient la perte des libertés civiles au nom de la guerre à la terreur et se livrairent à une surenchère pour promouvoir la guerre en Irak.. La "vérité" était ce que disait le président, et comme le pape, il était infaillible.

Je me sentais isolé et hors cadence dans le régiment de voir des signes de l'émergence d'un état policier là où les américains eux mêmes ne voyaient rien. Comment se peut-il qu'une société aussi sophistiquée de gens ayant reçu une raisonnablement bonne instruction puisse se laisser gagner par l'hystérie collective aussi rapidement? Quelque chose est sérieusement déréglé dans la démocratie américaine! À peine la moitié des citoyens éligibles s'est donnée la peine de voter en 2000. C'était un des plus faibles taux de participation électorale au monde! Le résultat net est que le président Bush a été élu par seulement 24 pour cent de l'électorat en 2000. Même après tous les scandales corporatifs et le désastreux merdier irakien du premier terme de Bush, le taux de participation ne s'est accru qu'à seulement 56% en 2004 et Bush fut ré-élu par seulement 28% de l'électorat.

La soumission des membres du congrès et des sénateurs aux intérêts des grandes corporations américaines au dépens des gens ordinaires s'expliquait, alors comme maintenant, par l'influence prédominante que les riches lobbies d'intérêts particuliers exercaient sur les décisions du gouvernement en échange du financement des élections. Il est difficile cependant de comprendre que le peuple américain ne se soit pas aperçu de cette sinistre tendance et ne soit pas descendu dans la rue pour la renverser.

Les américains avaient été si bien "lavés du cerveau" que la plupart n'ont rien vu venir. Ceux qui s'en sont aperçus ont généralement été réduits au silence par la frénésie patriotique des média mais j'ai pu malgré tout trouver quelques dissidents qui avaient aussi observé cette tendance vers le totalitarisme. Je recommande donc très fortement les sites web suivants pour leurs articles sur la manipulation de l'opinion publique par les grands médias aux États Unis.

http://www.struggle.ws/issues/war/gulf_media.html
http://users.uniserve.com/~synergy/pg3-01.htm
http://www.corporations.org/media/
http://www.michaelparenti.org/MonopolyMedia.html
http://linkthing.com/screed/media_cluster.html

Ma référence au totalitarisme peut sembler excessive mais manipuler l'opinion publique et faire taire l'opposition par la pression sociale ou par la force sont les premiers pas vers un état policier. Depuis le 11 septembre, la presse corporative a entretenu un climat de peur et a fait bouillir une frénésie émotionnelle de patriotisme aux États-Unis du genre "mon pays, qu'il ait raison ou pas".

"Big brother" (le grand frère) grandit chaque jour. Les contrôles et équilibres démocratiques qui sont censés protéger le citoyen contre les abus de pouvoir ont été nettement affaiblis depuis le 11 septembre. Le pays a été exposé à une érosion continuelle, délibérée et non-justifiée des droits fondamentaux garantis par la constitution américaine et par les chartes internationales des droits de l'homme. Le "Patriot Act" donne au département de la justice américaine des pouvoirs extraordinaires qui violent ces droits établis. Quiconque ose critiquer l'administration Bush est automatiquement étiqueté comme "non-américain" et sujet à des représailles. Vu de mon perchoir, je constate des signes évidents de fascisme en train de mijoter dans la marmite américaine.

Immédiatement après les attentats du 11 septembre, le département de la justice s'est mis à interroger des milliers de personnes qui auraient pu avoir des informations au sujet de l'activité terroriste. Ces interrogations ont conduit à l'arrestation et l'incarcération d'au moins 1 200 hommes musulmans non-citoyens dont 752 ont été accusés d'avoir contrevenu aux lois de l'immigration et déportés. Les autres ont été détenus en secret pendant plusieurs semaines et certains pendant aussi longtemps que 10 mois. Seulement quatre ont subi un procès. Il n'y a pas eu de protestation dans les média parce qu'ils n'étaient pas citoyens américains.

Plus de 600 "prisonniers politiques" de 40 nationalités différentes ont été détenus à Guantanamo Bay sans accès aux tribunaux, aux avocats ou à leurs proches. Plusieurs centaines le sont encore maintenant en 2005. Ils sont sujets à la détention indéfinie avec la possibilité de procès par des commissions militaires qui détiennent le pouvoir d'adjuger des sentences de mort sans droit d'appel, en violation contre les droits fondamentaux de l'homme et contre le régime de droit. Il n'y a toujours pas eu de protestation dans les média des États-Unis parce que ces prisonniers sont surtout des arabes musulmans et situés bien loin, hors de vue.

Un certain mouvement de de sites web dissidents et de périodiques alternatifs s'est débrouillé malgré tout pour exprimer ses opinions à travers l'Internet il était trop marginal pour gêner le moindrement l'invasion et le remaniement du Moyen-Orient riche en pétrole. L'establishment corporatif, la droite conservatrice, les fondamentalistes chrétiens et le complexe militaro-industriel avaient pris le contrôle des "vérités" dispensées par les grands médias. L'Américain moyen a maintenant subi un lavage de cerveau si efficace qu'il ne semble pas se rendre compte de l'érosion de ses libertés civiques, de l'exportation des emplois vers des pays à faible salaires et des aspects repoussants du nouvel impérialisme américain à l'étranger.

Cette mise à jour de 2005 doit mentionner que les média canadiens ont su éviter l'extrême chauvinisme qui afflige leur contreparties américaines mais qu'ils ne sont pas innocents de toute manipulation de l'opinion publique. Ils ont abondamment rapporté et commenté la honteusement mauvaise gestion, dévoilée par la commission Gomery, du programme de commandites de 332 millions de dollars mis en place par le gouvernement fédéral après le référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec. Ils n'ont toutefois rien dit sur la véritable problématique derrière ce programme.

En se concentrant sur le "hareng fumé" de la corruption des petits amis libéraux, les média ont réussi à divertir l'attention de tout le monde du scandale sous-jacent de l'utilisation de l'argent des contribuables pour manipuler l'opinion des québécois sur les bienfaits du fédéralisme. Plusieurs québécois soupsonnent que le programme des commandites n'était que la pointe de l'iceberg. Il y a cinq siècles, Machiavel proclamait que la fin justifie les moyens. Aujourd'hui, l'ex premier ministre Chrétien et ses sbires se vantent d'avoir fait tout ce qu'il fallait pour sauver l'unité canadienne!

Certains de mes lecteurs du reste du Canada qui ont favorablement accueilli  ma critique de la manipulation par les média aux États Unis, vont peut être prétendre que le silence des média au sujet de la manipulation de l'opinion publique au Québec par le gouvernement fédéral est acceptable. Je respecte cette opinion mais je la partage pas car je suis d'avis que les média auraient du explorer cette piste. Si l'absence de manipulation est souhaitable pour les américains, cela doit l'être aussi pour les québécois...

 

Que faire...

Ce fut l'extraordinaire manipulation de l'opinion publique américaine par l'administration Bush et les grands médias qui m'a incité à entreprendre cette "réflexion à voix haute" au sujet de la vérité à l'automne 2002 mais j'admets que je ressentais déjà le besoin de la faire pour d'autres raisons depuis un certain temps.

J'ai toujours été impressionné par grands parleurs qui ont le front de faire des déclarations non-fondées avec une assurance inébranlable sur des sujets qu'ils ne connaissent pas tandis que j'en arrache souvent avec mes doutes dans des champs qui sont de ma compétence. Lorsque cela se produit je pense parfois que l'attachement à la vérité qui a été gravé dans mes neurones vierges d'enfant est un handicap dont je me serais bien passé. Même maintenant je ne peux m'empêcher d'éprouver de pénibles sentiments de culpabilité quand je mens consciemment à quelqu'un (ce que je fais à l'occasion comme la plupart d'entre nous) et je suis profondément blessé lorsque quelqu'un en qui j'ai confiance me rend la pareille. Je pense parfois que j'aurais eu plus de succès et de plaisir dans la vie sans ce complexe au sujet de la vérité. Parfois j'envie même ceux à qui on a montré à mentir dès le berceau (j'en connais quelques-uns). Je n'aurais certainement pas perdu autant de temps à chercher la vérité et n'aurais pas été déçu de ne pas la trouver plus souvent.

Le problème tel que je le vois maintenant, c'est qu'on m'a enseigné que la vérité était un absolu et qu'il n'y avait rien entre le vrai et le faux. Je ne pense plus de cette façon maintenant parce que j'ai appris que les vérités auxquelles nous avons affaire tous les jours sont plus souvent relatives qu'absolues. Nous pouvons être plus ou moins malades durant toute notre vie mais nous sommes morts une seule fois. Les gens autour de nous sont plus ou moins bons (aimables, généreux, honnêtes, intelligents, beaux, sexy, etc.). Aucun être humain ne peut posséder ces qualités ou en être privé de façon absolue. Intellectuellement, je vois maintenant les choses en termes de probabilités comme je l'ai expliqué dans l'essai "Mon village joujou" mais je suis encore émotionnellement attaché au mythe de la vérité absolue. Cela explique peut-être pourquoi j'ai été si bouleversé d'être l'objet des tentatives de lavage de cerveau des médias américains depuis le 11 septembre.

Maintenant que de toute évidence je suis plus près de la fin de ma vie que de son commencement, je sens qu'on m'a induit en erreur au sujet de la vérité dans mon enfance et je constate que la même chose se produit encore dans les écoles de nos jours. La situation s'est grandement améliorée au Québec depuis que l'Église catholique a perdu la mainmise qu'elle détenait sur l'éducation lorsque j'étais enfant mais on me dit que la vérité était encore présentée en termes de, oui ou non, d'allumé ou éteint, de blanc ou noir. C'est plus facile d'enseigner le bien et le mal en termes absolus et de présenter le monde à de jeunes esprits curieux de façon bipolaire comme dans les films de catégorie B du genre "policiers et bandits" ou "cow-boys et indiens" mais je pense qu'il ne faut pas faire ça. J'admets qu'il soit quelquefois nécessaire de simplifier des concepts complexes pour les faire comprendre mais je maintiens que de telles simplifications devraient être présentées comme les approximations qu'elles sont.

Donc, si la vérité est vraiment aussi fortement diluée de non-vérités que le suggère cet essai, je pense qu'une des priorités de l'éducation primaire serait de former les jeunes à reconnaître que la vérité est généralement relative et à être capable de déterminer eux-mêmes le degré de crédibilité qu'ils choisissent accorder aux diverses informations et désinformations dont ils sont bombardés. Le premier chapitre de cette formation mettrait l'accent sur l'identification des individus et organisations qui pourraient acquérir pouvoir et richesse par la manipulation de l'information qui circule dans notre environnement social. Le reste du programme pourrait être consacré aux secteurs spécifiques couverts par les groupes d'entraide spécialisée ainsi que toutes les autres ressources auxquelles nous peut avoir recours pour vérifier la véracité de l'avalanche d'informations auxquelles nous sommes exposés. En somme il s'agirait de donner une priorité élevée à un cours sur la pensée critique autonome.

Il faut s'attendre à ce que les forces qui contrôlent présentement le contenu d'une grande partie de notre information s'opposeront furieusement à de tels cours mais je suis d'avis que leur implantation sera l'inévitable réaction à l'écrasante concentration d'influence atteinte par les grands médias dans les deux dernières décennies. Je suis d'avis qu'il est maintenant temps que le pendule quitte le côté de la manipulation collective vers celui de la conscience et de la responsabilité individuelles si nous voulons sauvegarder les valeurs de ce que nous appelons la démocratie. En effet, si l'information c'est le pouvoir, la seule façon que la démocratie peut fonctionner c'est que tout le monde ait accès à la meilleure information possible. L'information et la désinformation doivent tous deux être libres de circuler parce que la censure conduirait à d'autres excès. Par conséquent, la seule solution est d'armer chaque citoyen pour qu'il puisse se défendre lui-même contre toutes tentatives de manipulation par les églises, les sectes, les idéologies politiques, les corporations et autres parties intéressées.

La manipulation intellectuelle existe depuis que le premier chaman a imaginé des explications plausibles mais non fondées pour dissiper les craintes des membres de son clan devant les forces de la nature. La manipulation intellectuelle n'est pas une nouveauté. Elle a atteint un maximum en occident au moyen âge lorsque l'église catholique détenait le monopole de la vérité. La Réforme et le Siècle des Lumières ont relâché un peu la poigne de la manipulation religieuse et le développement subséquent des sciences a fini par éroder la foi aveugle mais maintenant l'écrasante concentration de média infiltrés partout est devenue une menace globale pour la pensée autonome.

Rares sont ceux qui peuvent échapper à leur manipulation commerciale et politique et la "vérité" est une denrée rare dans ces domaines. Les individus sont sérieusement désavantagés et seule une action concertée pour développer la pensée critique pourrait restaurer leur capacité de générer des opinions indépendantes. Je suis d'avis que l'enseignement de la pensée critique devrait commencer dès la pouponnière et s'étendre jusqu'à l'université mais cela ne semble pas correspondre aux priorités gouvernementales dans le moment.

Des citoyens inquiets ont organisé des groupes de sceptiques et d' humanistes dans plusieurs pays pour s'opposer à diverses formes de manipulation. Une initiative particulièrement intéressant est celle de la Foundation for Critical Thinking crée en Californie en 1983 pour promouvoir une réforme en éducation par l'introduction de la pensée critique équitable.

À Montréal, le Mouvement laïque québécois surveille la séparation de l'Église et de l'État, les Sceptiques du Québec exposent les arnaques du paranormal, Infosecte répond aux questions du public sur les sectes et cultes et offre assistance à leurs victimes alors que la revue Protégez-vous aide les consommateursà voir clair dans la publicité trompeuse.

La portée de ces goupes est toutefois restreinte par leurs moyens limités. C'est en grande partie ce constat qui a poussé quelques amis et moi à mettre sur pied la Fondation humaniste du Québec (FHQ) en décembre 2004, pour recueillir dons et legs afin d'appuyer financièrement tous les organismes qui, directement ou indirectement, contribuent au développement de la pensée critique.  Reconnue comme organisme de bienfaisance, la fondation est habilitée à émettre des reçus d'impôt donnant droit à des crédits des gouvernements fédéral et provincial.

Où que vous soyez, vous pouvez aider en résistant à la manipulation et en la condamnant lorsque vous vous en rendez compte dans votre milieu. Vous pouvez aussi aider en appuyant les groupes sceptiques et humanistes les plus près de chez-vous et, bien sur, en prévoyant quelque chose pour la FHQ dans votre testament.

janvier 2003     (révisé en mai 2005)

 

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