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La vie est une affirmation!

 

Le sens de la vie?

Cadet d'une famille de six, j'ai été un enfant difficile et turbulent, jouant constamment des tours à tous ceux qui étaient à ma portée. A douze ans, on m'a envoyé dans un pensionnat catholique pour apprendre le latin, le grec et la littérature classique, comme c'était encore à la mode en 1946. Je m'y suis graduellement rebellé contre le conditionnement mental auquel nous étions soumis et j'ai commencé à mettre en doute les dogmes dont on nous nourrissait sans répit. Ma résistance à de tels pratiques m'a amené à perdre la foi. Ce fut traumatique et irréversible et j'ai dû commencer à chercher le sens de la vie tout seul au début de l'adolescence.

Depuis lors, j'ai interrogé toutes sortes de personnes dans plusieurs pays, sur le sens de la vie. J'ai étudié plusieurs religions et sectes dans l'espoir d'en trouver une qui puisse survivre à une analyse critique, mais je n'ai rien trouvé. À cette époque, j'aurais volontiers accueilli la paix et le contentement de croire en quelque chose. J'ai continué à lire sur l'expérience mystique de "l'illumination", de "naître de nouveau", de la "communion avec Dieu" et de la "vie sur le plan spirituel" et suis devenu frustré que cette expérience ne m'arrivait pas à moi. J'ai essayé de la provoquer artificiellement avec des drogues et diverses formes d'auto hypnose pour être comme ceux qui avaient vécu "CELÀ", mais je n'ai pas pu me gourer au point de croire que les états altérés de conscience que j'avais vécus étaient " la communion avec Dieu". Il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter que celà n'allait pas m'arriver et que je devais plutôt me concentrer sur ma vie matérielle mortelle et essayer d'en tirer le meilleur parti.

La "Communion avec Dieu" n'existait tout simplement pas dans l'univers auquel j'avais accès. Je ne pouvais pas mettre en doute la sincérité de tous ceux qui ont écrit et parlé sur leurs expériences mystiques, alors, j'en ai déduit que leur cerveaux interprétaient leurs expériences sensorielles de façon différente du mien et j'ai développé le concept qu'il y avait autant d'univers perçus qu'il y avait d'observateurs de la réalité extérieure. J'ai découvert que tout ce que nous savons ne concerne que le modèle de l'univers que nous avons construit dans notre tête, et que de tels modèles pouvaient être différents du monde véritable qui se trouve à l'extérieur de nous. Par conséquent, ce qui existe dans "l'univers connu" d'une personne, peut être absent de celui d'une autre. Ce qui semble vrai dans mon univers pourrait être faux dans celui de quelqu'un d'autre. Je trouve ce concept très satisfaisant car il me permet de penser que je suis au centre de l'univers que je connais, et accepter que tous les autres sont au centre de leurs univers subjectifs respectifs.

Cet élégante manoeuvre de l'esprit élimine le problème de déterminer qui détient la vérité absolue sur l'univers et ouvre la porte à la tolérance. Cette attitude profondement tolérante est particulièrement positive lorsqu'il s'agit de communiquer avec des gens dont l'univers perçu comprend des esprits, des anges, des démons et des dieux qui sont absents du mien.

Maintenant, je peux échanger des visions de l'univers avec n'importe qui et jamais me sentir menacé par des perceptions contraires aux miennes. C'est devenu un passe-temps pour moi de discuter de ma perception subjective avec ceux qui reconnaissent que leurs propres vues sont également subjectives.

Quant à ceux qui croient détenir l'"unique et absolue vérité", j'ai appris à simplement les écouter sans me préoccuper de donner ma propre vision des choses (qui pourrait être perçue comme une menace à leur "vérité"), car je suis nullement tenté de jouer le jeu de savoir qui a raison et qui a tort.

Je ne doute pas de l'existence d'un univers réel mais je pense que nous n'en connaissons que la représentation imparfaite que notre cerveau assemble dans notre tête à partir des indices fournis par nos sens. "Avoir raison" n'est plus essentiel, ce qui importe vraiment pour moi maintenant, c'est de reconnaître ceux avec qui j'ai assez en commun pour pouvoir en arriver à un concensus opérationel sur lequel on peut construire quelque chose ensemble.

L'échange de points de vue avec des esprits ouverts qui n'ont pas de prétention sur la "Vérité Absolue" a probablement été la principale motivation de mes voyages au cours de la dernière décennie. J'ai pris du plaisir à découvrir plusieurs univers à travers les yeux des autres personnes. Certains m'ont semblé raisonnablement probables parce qu'ils étaient semblables au mien. D'autres, m'ont paru intéressants mais improbables car je n'ai pu trouver aucune évidence en leur faveur dans l'univers que je connais. J'en suis venu à penser en termes de probabilités au lieu de vrai ou faux, un peu comme les météorologues parlent maintenant de 70% de probabilité de pluie plutôt que d'annoncer "la pluie pour demain" comme ils le faisaient il y a 30 ans. Cette manière de penser me permet de donner une valeur à tous les concepts que je rencontre et que je peux comprendre. Je considère certains concepts comme étant extrêmèment probables, tels que ma mort éventuelle, et d'autres comme étant très improbables, tels que de la vie éternelle d'une quelconque partie de moi. Tous les concepts que j'examine peuvent être échangés contre des versions alternatives plus satisfaisantes car je ne connais pas de vérités absolues. Je pense que ce que j'appelle "mon univers" n'est que l'une des nombreuses approximations toutes aussi imparfaites de la réalité, aussi je ne le prends pas trop au sérieux. Quelquefois je l'appelle mon "village joujou".

Se libérer des "Vérités Absolues" nous permet de nous débarasser de perceptions périmées pour les remplaçer par les dernières découvertes de la science qui seront à leur tour remplacées par de nouvelles découvertes. Je pense que définir comment nous devrions réagir à notre environment devrait suivre, et non précéder, la connaissance de l'environment auquel nous devons réagir. Nous y viendrons plus loin... C'est un peu comme la charrue et les boeufs!.

J'en suis venu à penser qu'il vaut mieux vivre avec des questions sans réponses que de remplir le vide avec des spéculations de valeur douteuse. Je ne connais toujours pas le but ultime de l'univers et j'en suis venu a douter qu'il en ait un. J'ai aussi appris à accepter que je ne connais rien avec certitude. Pour moi, "connaître quelque chose" veut dire installer un concept à la place qui lui convient dans mon "village joujou", ou le jeter sur la pile de morceaux et pièces où j'emmagasine les concepts que je préfère ne pas utiliser pour le moment. J'essaie d'étiqueter toutes les bribes d'information que je ramasse avec des valeurs de probabilité entre zéro et un (ou entre 0% et 100% si vous préférez), mais je prend bien soin de ne jamais utiliser 0 ni 1, car je ne suis sûr de rien. Cela veut dire que je fais un effort pour ne pas croire en quoi que ce soit. Même pas en ces mots que j'écris, car je souhaite être libre de penser différemment demain si je trouve une raison valable de le faire. C'est dans cet esprit que j'offre à votre considération, mon opinion selon laquelle la vie n'a pas besoin d'avoir un but ni un sens car elle n'est probablement rien plus, mais rien de moins, qu'une affirmation.


Les programmes de vie

Dans mon univers, la vie est action. C'est l'expression des instructions (ou "programmes"), contenues dans chaque être vivant. Ces instructions distinguent les êtres vivants, qui peuvent entreprendre des actions, de la matière inerte qui est passivement sujette aux forces de la nature. Chaque organisme vivant a son propre ensemble d'instructions qui déterminent ses actions. Ces instructions évoluent avec le temps et il y a toujours des exceptions.

Dans les formes les plus élémentaires de la vie, tel que les virus, les exceptions sont introduites par des mutations aléatoires de l'ADN où sont emmagasinés les instructions de l'organisme. Certaines entités mutantes ne survivent pas, mais celles qui survivent donnent lieu à de nouvelles souches mieux adaptées à l'environnement de l'organisme. Celles-ci prospèrent, se multiplient et continuent leurs mutations. Ce processus choisit, pas par pas, les mutations les plus efficaces qui finalement évoluent en de nouvelles espèces.

L'adaptation optimale à l'environnement détermine la survivance et l'évolution future. Ce mécanisme fondamental s'applique à toutes les formes de vie dans l'univers que je connais. Chez les plantes et les formes de vie plus élémentaires qui emmagasinent leurs "programmes" dans leur ADN, tous les êtres individuels ayant les mêmes gènes réagissent de la même manière à un environnement donné.

Les organismes vivants deviennent de plus en plus complexes avec l'accroissement de la diversité introduite par l'évolution. Le développement de réseaux complexes de cellules nerveuses chez les animaux était un grand bond en avant par rapport aux plantes car le cerveau offre un espace où chaque animal peut emmagasiner les réactions à son environnement spécifique qu'il a trouvé utiles. Ici, les exceptions sont la règle, car les instructions qui sont emmagasinées dans le cerveau sont faites sur mesure pour chaque animal selon sa propre expérience. Par exemple, l'instinct d'un chat, qui vient en définitive viens ses gènes, pourrait le pousser à chasser les souris, mais ses réponses conditionnées, qui sont emmagasinées dans le cerveau, peuvent être entraînées à prendre soin des souris au lieu de les tuer. Ainsi, chaque animal a un degré de liberté qu'on n'observe pas dans les formes plus élémentaires de la vie. Dans tous cas cependant, le but de l'existence de ces êtres vivants restent la traduction de leurs programmes respectifs en des actions qui assurent leur survie et leur reproduction.

La position de l'homme au sommet de l'échelle de l'évolution, lui donne un degré de liberté de plus. Les instructions qui sont emmagasinées dans les gènes sont suivies rigoureusement, mais l'homme peut choisir d'exécuter ou non celles qu'il a emmagasinées dans son cerveau. Cela lui permet de modifier son propre programme en persistant à appliquer sa volonté d'exécuter l'acte "B", au lieu de l'acte "A" antérieurement programmé. Ce pouvoir de la volonté individuelle distingue l'homme des animaux, qui peuvent être entraînés mais qui n'ont pas la possibilité de modifier leur programme par eux-mêmes.

Je vois l'homme comme une partie intégrante d'un continuum d'êtres vivants. Dans cette perspective, le but de l'existence de chaque homme est le même que celui de n'importe quel autre être vivant, soit d'exécuter son programme spécifique. Dans ce sens, la vie est l'actualisation ou "l'affirmation" du "programme" de chaque individu, qu'il s'agisse de la vie d'un homme, d'un animal, d'une plante, d'un microbe ou d'un virus.


La vie remonte le courant

Ces programmes de vie déterminent la gamme des actions que les êtres vivants sont susceptibles d'engager, mais mieux encore, ils décrivent aussi comment la matière et l'énergie s'assemblent pour constituer chaque être vivant. Le "programme" d'un être est semblable au plan d'un bâtiment. L'information pure représentée par l'encre et le papier est immatérielle, mais elle n'a pas d'existence indépendante en elle-même, pas plus que la "blancheur" ne peut exister séparément des objets qu'elle qualifie. La description de la blancheur peut exister par elle-même mais ce n'est pas la blancheur. De manière similaire, le "programme" d'un être vivant pourrait éventuellement être analysé et décrit, mais cette description ne serait pas "la vie".

Une des lois fondamentales de la nature dit que tous processus physiques mènent à la dégradation de l'énergie impliquée dans le processus. L'énergie potentielle de l'eau tombant d'une chute est transformée en chaleur et dissipée en aval, ou bien, si l'eau passe à travers une turbine, une partie peut être transformée en énergie électrique qui sera dissipée de diverses façons sur une grande région. Aucune énergie n'est perdue, mais l'énergie potentielle a été dégradée parce que l'énergie dispersée a perdu la capacité de travail qu'elle avait quand elle était positionnée au sommet de la chute. La vapeur passant à travers une machine à vapeur produit du travail. L'énergie contenue dans la vapeur chaude est dégradée car elle est dispersée à une plus basse température. Aucune énergie n'a été perdue, mais elle a perdu la capacité de travail qu'elle avait quand elle était encore chaude. Les montagnes s'émiettent, et sont érodées par le vent et la pluie pour remplir les vallées plus bas. Le chaud et le froid se mélangent et deviennent tièdes. Ce sont des processus irréversibles car la nature impose que le temps coule dans une seule direction, que la concentration mène naturellement à la dispersion, que l'ordre tombe dans le désordre et que la structure se désintègre naturellement dans le chaos.

Les processus de la vie vont toutefois dans la direction opposée. La vie remonte le courant Les êtres vivants proviennent du mouvement désordonné de molécules d'hydrogène, d'oxygène et d'azote qui se sont réunies pour former les premiers acides aminés. Ces derniers se sont assemblés à leur tour pour produire des macromolécules encore plus structurées qui pouvaient produire des répliques d'elles-mêmes. La vie commençait à s'éveiller. Elle a évolué en des organismes unicellulaires comme les algues bleu-vert qui pouvaient utiliser l'énergie du soleil pour alimenter leur reproduction. La vie a acquis de plus en plus de structure à chaque étape alors que les êtres unicellulaires se regroupaient en symbiose pour former des entités multicellulaires capables d'abriter des virus et des bactéries. La vie a continué à remonter le courant contre la loi du désordre croissant, en grimpant à l'arbre de l'évolution pendant les trois millions et demi d'années qu'il a fallu pour produire la forme de vie extrêmèment organisée et complexe qu'est l'homme.

Certains pensent que la progression de la vie contre une des lois les plus fondamentales de la nature ne peut pas avoir eu lieu sans l'intervention d'un être puissant et supérieur, le créateur. Les physiciens expliqueront toutefois que la contradiction n'est qu'apparente car la concentration de structure dans une partie d'un système donné peut avoir lieu si elle est compensée par une augmentation du désordre dans le reste du système.

Il y a d'autres exceptions apparentes à la loi de la croissance du désordre. Les étoiles peuvent concentrer de l'ordre et de la structure localement, en produisant des éléments lourds à partir de la fusion d'éléments plus légers, parce qu'il y a une croissance compensatrice du désordre provenant de l'expansion de l'univers. Les plus obèses de ces éléments lourds sont instables et commencent une dégradation radioactive aussitôt qu'ils naissent. Certains sont piégés dans des étoiles mortes, mais beaucoup sont expulsés dans l'espace par des étoiles qui explosent en super-novas. Ces éléments lourds se retrouvent finalement dans des étoiles plus jeunes et des planètes (comme notre soleil et notre terre), et obéissent par la suite à la loi de l'accroissement du désordre. La vie semble être une exception à la règle de la croissance du désordre mais de telles exceptions apparentes ne sont pas rares. La simple matière a aussi l'air de remonter le courant quelquefois.

La vraie question, en qui concerne l'homme, c'est de savoir si ce mouvement vers plus de structure et d'ordre est projeté à partir de l'évolution passée, ou s'il est dirigé vers un but futur. L'évolution dépend-elle seulement d'évenements passés ou présents comme le mouvement ballistique d'un boulet de canon ou cherche-elle un objectif comme un missile guidé?

Toutes les indications que nous fournit la nature pointent vers le scénario balistique de l'évolution mais les "détenteurs-de-la-vérité" insistent que l'existence de l'homme ne peut être expliquée que par une finalité spirituelle prédéterminée vers laquelle il doit se diriger comme un missile guidé qui s'accroche à sa cible. Ils tirent un certain pouvoir du scénario du missile guidé car ils prétendent avoir des informations privilégiées sur cette finalité. Mieux encore, ils déclarent avoir le seul ensemble des vraies instructions sur la manière de l'atteindre et disent savoir avec une certitude absolue quels sont les bonnes et les mauvaises voies devant nous.

Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de différents groupes de "détenteurs-de-la-vérité" et ils ne peuvent pas se mettre d'accord ni sur cette finalité, ni sur les instructions divines sur la manière de l'atteindre. De plus, les directives qu'ils prescrivent véhiculent souvent de la discrimination et quelquefois de la violence contre les autres groupes qui font la promotion d'instructions différentes. Historiquement, les interprétations du sens de la vie basées sur le scénario de missiles guidés ont semé la division et entraîné des effusions de sang plus souvent qu'elles n'ont promu, ou même seulement permis, la tolérance, la paix et l'harmonie.

J'ai été exposé à plusieurs écoles de "vérité absolue" sur la finalité éternelle de l'homme et, bien que certaines semblaient intellectuellement stimulantes, je n'ai trouvé aucune d'elles vraiment convaincantes. Pas plus que je n'ai été impressionné par les résultats que leur influence a généralement produit sur la comportement social de leurs adhérents. Je suppose que je n'étais simplement pas destiné à devenir un "détenteur de la vérité". Cela veut dire que je n'ai pas d'autre choix que de me référer au modèle balistique pour guider mes actions. C'est pourquoi l'observation attentive du chemin que l'homme a parcouru jusqu'ici est si importante pour moi. Je pense que la direction empruntée par la récente évolution de l'homme peut me fournir une meilleure indication de ce qui devrait être bien ou mal, que les diverses voies proposés vers une hypothétique finalité.


Le bien et le mal

Voilà la vraie question. Le concept du "bien" et du "mal" ne peut s'appliquer qu'à l'homme, car à notre connaissance, il est le seul être vivant capable d'actions contraires à son programme. Si le but de l'homme est d'exécuter son programme comme tous les autre êtres vivants, alors les actes contraires à ce programme seraient incorrects ou "mal". A moins qu'ils représentent une meilleure adaptation à son environnement que ce que son programme prévoit à ce moment là!

Les sentiments subjectifs de culpabilité ou de rectitude ne sont pas des guides fiables. Un acte considéré comme inapproprié dans un contexte donné produira des sentiments de "culpabilité" si l'acteur a été conditionné à considérer cet acte comme étant "incorrect" dans ce contexte. Il est incorrect parce qu'il représente une mauvaise adaptation à cet environnement spécifique. Cependant, le même acte peut représenter une excellente adaptation à un environnement différent et pourrait, en fin de compte, produire des sentiments de "droiture" confirmés par l'acceptation sociale dans ce nouvel environnement.

Par exemple, un occidental qui a du savoir vivre, "programmé" pour manger silencieusement, sera vivement conscient d'avoir fait quelque chose d'"inconvenant" s'il rotait accidentellement pendant un dîner formel. Il peut cependant modifier son programme et s'entraîner à boire son potage à grand bruit et montrer sa satisfaction en rotant fortement après un repas, là où une telle conduite est habituelle et attendue. Ainsi, un nouveau programme volontairement modifié peut améliorer son adaptation à son environnement, et un rôt embarrassant qui était "inconvenant" dans un certain contexte peut devenir "convenable" dans un autre.

Les valeurs changent. Il y a cinquante ans, quand j'étais un petit garçon, le divorce était "mal" et il était "bien" qu'une femme soit obligée supporter un mariage malheureux pendant toute sa vie, mais maintenant, elle serait louée d'avoir divorcé d'un mari violent pour éviter des blessures à ses enfants et elle-même. Il y a cinquante ans, il était tout à fait convenable de laisser des ordures, des boites de conserve et des bouteilles vides dans les bois lorsque nous allions camper, mais maintenant très peu de gens, vivant dans des pays développés, pourraient le faire sans se sentir coupable d'endommager l'environnement. Il y a cinquante ans, payer les femmes moins cher que les hommes pour le même travail était largement accepté, mais maintenant c'est non seulement considéré incorrect, mais c'est illégal de le faire dans un nombre croissant de pays.

J'en suis venu à penser au "bien" et au "mal", non pas comme des absolus, mais comme la mesure du degré auquel la conduite d'un individu est jugée par ses pairs comme étant compatible ou non avec son environnement social dans le contexte d'un moment donné. Les sociétés évoluent et leurs valeurs changent avec le temps. Je doute que même le plus fanatique des hindous fondamentalistes puisse considérer aujourd'hui qu'il soit "bien" pour une femme de se précipiter dans le bûcher crématoire de son mari décédé pour commettre le "suttee" qui était son plus strict devoir il y a un siècle.

Ce qui est bien dans une société peut être mal dans une autre et vice versa. Cela ne crée pas de problème tant que les communautés restent isolées les unes des autres, mais l'histoire montre que des valeurs incompatibles deviennent souvent la cause de guerres quand les prescriptions morales sont perçues comme des vérités absolues plutôt que de simples adaptations différentes à des environnements différents.

Malgré la grande diversité des environnements de l'homme, un large consensus a été atteint au cours des siècles passés, pour condamner certains actes spécifiques comme le meurtre, le viol, le vol, la fausse représentation et autres, qui sont considérés comme incorrects ou "mal" dans toutes les sociétés. Cela ne veut pas dire que ces interdictions sont des absolus moraux de nature "sacrée" ou religieuse, ça veut seulement dire que le sens commun et des raisons pratiques d'auto préservation suffisent pour bannir des actes que personne n'aimerait subir. La règle d'or, "ne faites pas aux autres ce que vous n'aimerez pas que les autres vous fassent" est une perle de sens commun profane parfaitement valide qui ne peut pas être améliorée en la considérant comme sacrée ou religieuse.


Les dogmes

L'homme primitif s'est aperçu que la vie en communauté était meilleure quand un minimum de règles étaient observées. Il était plus facile de faire accepter de telles règles en convainquant les non-informés qu'elles avaient été édictées par de redoutables entités invisibles, prêtes et désireuses de punir toute désobéissance, qu'en les imposant par la force physique. Les plus savants pouvaient manipuler les moins informés a rester soumis plus efficacement et à un moindre coût, avec des "vérités absolues", que par la contrainte. Les élites établirent leur suprématie en réservant l'accès au "domaine du sacré", hors de portée de la raison humaine, aux quelques privilégiés qui avaient été initiés à leurs secrets.

La religion a été un puissant outil pour lier les membres des communautés ensemble et pour soutenir leurs chefs (le mot religion vient du verbe latin "ligere" qui veut dire "lier"). "Les "détenteurs-de-la-vérité" ont eu un rôle important à jouer comme chefs ou comme les "faiseurs de rois" derrière le trône. Toutes les civilisations ont eu leur "religion d'état" à un moment ou à un autre, et tous les "détenteurs-de-la-vérité" ont servi à soutenir la domination de certaines élites sur les gens du peuple à un moment ou à un autre. L'histoire montre que les sociétés qui se sont agrégées avec de fortes croyances en des "vérités divines absolues sur l'univers" pouvaient mobiliser leurs membres pour des projets collectifs ou pour la guerre plus efficacement que celles qui avaient des valeurs plus libérales.

Les élans les plus irréalistes de l'imagination ont été utilisés pour décrire l'univers, comme le démontre un rapide survol des croyances religieuses d'une vingtaine de civilisations. Toute explication, aussi illogique soit-elle, comblait le vide de façon satisfaisante, tant que les fidèles étaient assez crédules pour accepter des croyances qui ne pouvaient pas être vérifiées. Les dogmes posaient les bases des trois fonctions principales de la religion: expliquer l'univers, guider la conduite de l'homme et apaiser ses craintes.


La science et l'éthique

L'homme a cru pendant des millénaires en des mythes, des fables et des dogmes que les "détenteurs-de-la-vérité" utilisaient pour apaiser ses anxiétés existentielles. Avec le temps, il a toutefois commencé à accumuler la connaissance de faits vérifiables sur les forces de la nature. Cette accumulation a conduit à des généralisations ou "lois" qui pouvaient être acceptées par les chercheurs jusqu'à ce qu'elles ne soient invalidées par quelque expérience où la "loi" n'était pas suivie. Chaque échec d'une "loi" se révélait être une victoire car elle ouvrait la voie à une meilleure compréhension de la nature et à des "lois" plus puissantes. La méthode scientifique était née et le progrès de l'homme, qui avait été linéaire pendant des millions d'années, est devenu géométrique dans les deux ou trois derniers siècles.

Ces "lois de la nature", comme les "programmes de vie" que j'ai mentionnés plus tôt, sont comme la "blancheur": ils n'ont pas d'existence propre distincte de la nature. Ils ne sont que des propriétés de la nature que nous tentons de décrire, tout comme nous décrivons la "blancheur". Ils n'existent que sous forme de concepts emmagasinés dans ma tête comme partie de ce que j'appelle " mon village joujou", ou publiés dans des traités et des livres. Les descriptions de ce que nous pensons du fonctionnement de l'univers ne sont pas absolues. En effet, elles sont périodiquement remplacées par de meilleures approximations au fur et à mesure que nous en apprenons plus sur la nature.

Les mathématiques sont le langage de la nature. Les mathématiques sont enracinés dans les "lois de la Nature" comme toutes les langues sont enracinées dans les œuvres de ses utilisateurs, l'anglais dans Shakespeare, le français dans Molière, l'espagnol dans Cervantès etc. Des millions de constructions mathématiques qui pourraient être assemblées à partir du vocabulaire et de la grammaire des mathématiques (lesquels ont été tirés de l'observation de la nature) ne seront jamais rassemblées, pas plus que les millions de livres qui pourraient être écrits mais qui ne le seront jamais. Je pense que les constructions mathématiques sont comme des livres, elles ne sont pas là à attendre d'être découvertes dans un "univers d'absolus" comme certaines personnes le prétendent encore, 24 siècles après que Platon l'ait imaginé, quand Zeus dirigeait l'Olympe. Je ne pense pas non plus que toutes ces constructions mathématiques doivent correspondre à une réalité! Un langage n'est qu'un langage.

Nous ne savons toujours pas avec certitude comment l'univers en est venu à exister, mais la plupart des gens seront d'accord que la théorie du "big bang" est susceptible d'être une approximation plus proche de ce qui est arrivé, que le livre de la genèse ou que n'importe lequel des scénarios mythiques de création que les hommes ont accepté comme vérité dans le passé. Une proportion toujours croissante de gens pense aussi que la théorie de l'évolution est plus susceptible de représenter la façon que l'homme est apparu, que toutes les explications fournies par les religions passées ou présentes. La tâche de fournir des réponses aux questions de l'homme sur l'univers, qui était jadis un des rôles des religions, est maintenant de plus en plus assumée par la science.

La morale religieuse sert encore à contrôler le comportement de l'homme jusqu'à un certain point, mais elle a perdu beaucoup de terrain au profit de l'éthique laïque. Beaucoup de prescriptions religieuses qui avaient un sens à un certain moment, ne riment plus à rien maintenant ou sont franchement devenues contre-productives car l'environnement de l'homme a évolué depuis leur introduction dans un passé lointain. Par exemple, l'interdiction de manger du porc avait un sens quand l'homme ne savait pas comment se protéger des parasites que pouvait porter le porc, mais elle est maintenant inutile. L'interdiction du contrôle des naissances pouvait avoir un sens quand le nombre était un gage de la survie d'une communauté, mais elle aurait des effets terriblement contre-productifs si tout le monde l'observait à la lettre, maintenant que l'humanité compte six milliards d'individus. Aujourd'hui, l'adaptation de la conduite de l'homme à son environnement est améliorée par sa connaissance croissante de lui-même et de l'univers, et non pas par des prescriptions religieuses.

La morale et l'éthique, selon le dictionnaire, ce sont des synonymes qui traitent de la distinction entre le bien et le mal. Je ferai un pas de plus en disant qu'ils ont le même but d'empêcher des comportements préjudiciables au bien-être de la communauté. Dans ma langue cependant, je réserve le terme "morale" à l'orientation du comportement basée sur des principes religieux et j'utilise le terme "éthique" pour la détermination plus générale de ce qui est bien ou mal dans une société donnée, à un moment donné. La morale religieuse basée sur le dogme est immuable par définition puisque le bien et le mal sont des absolus, alors que l'éthique laïque a la flexibilité d'évoluer avec la maturation sociale et politique de chaque communauté. Pour cette raison, l'éthique laïque est en train de remplacer la morale religieuse dans les pays les plus développés où un régime de droit basé sur la raison a déjà remplacé le pouvoir arbitraire des rois, des nobles, des généraux et des prêtres.

Considérés objectivement, les actes qui sont compatibles avec l'environnement global d'une personne (familial, social, politique et naturel) sont considérés comme "bons" par ses pairs, et ceux qui ne le sont pas sont jugés comme étant "mal". Cependant, subjectivement, un acte qui est contraire au programme d'un individu sera perçu par lui comme étant "mal" jusqu'à ce que des répétitions successives de cet acte n'aient modifie le programme de cette personne. Ce même acte sera alors perçu comme étant "bien". Ainsi, un acte peut être ressenti comme étant "mal" mais jugé "bien" par les pairs de l'individu quand son programme intérieur ne correspond pas aux conventions sociales courantes de son milieu (et vice versa).

La valeur "objective" des actes d'un individu pendant une journée donnée peut être vue comme la mesure, telle qu'évaluée par ses pairs, de la compatibilité de ces actes avec son environnement ce jour là. Cependant, en jetant un regard rétrospectif sur tout le cours de la vie de cette personne, la valeur des actions de ce jour là devient la mesure dans laquelle ils ont contribué positivement ou négativement à ce que son environnement et lui-même sont devenus au moment de cette seconde évaluation. Ainsi, même la valeur objective d'un acte peut être évaluée différemment selon le moment où l'évaluation est faite.

Par exemple, les actions pour lesquelles on se souvient de Torquemada, l'infâme maître de l'Inquisition, étaient indubitablement vues par ses pairs comme étant justes car ils étaient compatibles avec les valeurs de son environnement à ce moment et en ce lieu (Espagne du 17ie siècle). Cependant, personne ne contestera aujourd'hui que la pratique de la torture par Torquemada fut une contribution négative à l'évolution du genre humain comme il est devenu maintenant, au 21e siècle. L'histoire est pleine de tels exemples. L'affirmation par Galilée que la terre tournait autour du soleil fut jugée hérétique par ses pairs en 1520 mais tout le monde sait maintenant que ce fut une importante étape dans la lutte de la science contre les dogmes.

Il y a deux ou trois siècles, les sociétés évoluaient très lentement et on pouvait s'attendre à ce que les valeurs de son enfance soient toujours valables au moment de sa mort. Cela n'est plus le cas car des facteurs majeurs comme la prédominance de la science sur le mythe comme source de connaissance, le régime de droit, la révolution industrielle, l'émancipation des femmes et la reconnaissance des droits de l'homme, ont dramatiquement accéléré la vitesse de changement des valeurs sociales.

Pendant des milliers d'années, l'homme a été entraîné à dépendre de son chaman, son mollah, son prêtre ou son gourou, pour lui dire ce qui est bien et mal. La révolution de l'information est en train de changer cela. Cela a commencé il y a un siècle avec d'étranges radios à tubes de verre, ça s'est accéléré avec l'avènement de transistors bons marché après la Seconde Guerre Mondiale et tout a explosé avec la télévision à chaînes multiples et l'internet. Les gourous et prêtres durent se faire concurrence pour attirer l'attention de leurs disciples. Partout, les autorités civiles et religieuses ont été tentées d'imposer quelque forme de censure quand elles se sont aperçues que la libre circulation de l'information pouvait menacer leur influence sur les valeurs de leurs communautés respectives. Il est maintenant évident que ceux qui voudraient imposer une censure mènent un combat perdu d'avance dans leur tentative de contrôler des valeurs sociales et culturelles qui peuvent se répandre par toute la terre en quelques minutes sur le web. L'Internet assène en ce moment le coup de grâce à la censure et bientôt tout le monde aura accès à toutes les informations, tout le temps, et partout. Les gens sont maintenant submergés par un déluge d'informations au travers de centaines de chaînes de TV et de portails du web. Face à cet assaut, ils développent leur propre auto censure en choisissant les sources de renseignements qu'ils considèrent dignes de leur attention.

Il était facile dans le passé de laisser les gourous et les prêtres définir le bien et le mal, et maintenant il est tentant de fuir la responsabilité en la transférant aux médias, aux politiciens et aux ONG qui influencent le choix des mèmes considérés politiquement et socialement corrects pour la saison. Personne ne conteste que la vitesse de changement de nos valeurs sociales devient exponentielle, maintenant que nous entrons dans le troisième millénaire avec l'Internet et la globalisation. L'éthique laïque qui sous tend le régime de droit guidé par la Charte des Droits de l'Homme des Nations Unies laquelle est ratifiée par un nombre croissant de pays, est en train prendre l'initiative au détriment de la morale religieuse qui tarde à s'adapter à la réalité d'aujourd'hui. D'autres progrès de l'éthique laïque sont en cours de réalisation par divers Organismes Non Gouvernementaux (ONG) telles que Amnistie International , Greenpeace , Médecins sans Frontières , One World Online , Oxfam International , Fondations Soros , Transparence International  etc. Les mèmes évoluent alors que la morale religieuse reste enlisée dans le passé.


Les mèmes

Tout ce que nous savons, toutes nos pensées et tous nos souvenirs peuvent être décomposés en parties que l'on peut appeler idées, concepts ou "unités de culture". Toute forme de communication implique le transfert de ces idées, concepts ou "unités de culture" d'un cerveau à un autre. Il n'y a rien de nouveau là, ça fait depuis que l'homme existe que c'est comme ça. Il n'y a rien de nouveau dans les gènes non plus, ils existent depuis plus longtemps que les hommes. Ce qu'il y a de nouveau, c'est que nous avons appris que les mécanismes qui régentent la circulation des idées, concepts et "unités de culture" sont très similaires à ceux qui gouvernent la diffusion des gènes (mutation, sélection naturelle, héritage).

Le terme "mème" a été crée précisément pour refléter cette analogie parce qu'elle nous donne une nouvelle perception de la façon que nous recevons et transmettons des idées ou mèmes. Il n'y a pas de problème avec les mèmes, tout ce que l'on dit ou entend est fait de mèmes. Les langues que nous parlons, la musique que nous aimons sont constitués de mèmes. La publicité dont on mous nourrit par la TV, la radio et les panneaux réclame sont des mèmes. La mode, c'est des mèmes. Tous les petits détails qui font que les cultures Japonaise, Norvégienne et Espagnoles soient différentes, sont des mèmes. Des mèmes mèmes circulent constamment par l'entrée et la sortie de nos cerveaux.

Les valeurs et les théories évoluent parce que des individus créatifs ont introduit des variantes dans le bassin de nos mèmes communs. Certains d'entre eux se répliquent tellement efficacement qu'ils deviennent le "conventional wisdom". La réplication efficace n'est toutefois pas une garantie de validité. Les mèmes de "vœux pieux" tendent à se répliquer plus facilement que ceux d'un réalisme brutal parce qu'ils plaisent à ceux qui les émettent comme à ceux qui les reçoivent. Par exemple l'idée que "tous les hommes sont nés égaux" est devenue tellement à la mode qu'il n'est pas "politiquement correct" de la contredire alors que tout le monde sait que cela n'est pas vrai. Maintenant plus que jamais, la validité du "conventional wisdom" à la mode a besoin d'être réexaminée constamment au fur et à mesure que les mèmes évoluent et que les circonstances changent de plus en plus rapidement.

La civilisation a fait de grands pas pendant que la science remplaçait les dogmes comme première source de connaissances sur l'homme et l'univers. De nouveaux progrès ont été enregistrés au cours des dernières décennies alors que nous assistions au transfert de l'influence sur le choix des mèmes du bien ou mal depuis les Églises vers les média. Cela semble bien présager pour le développement d'une société humaniste et libre mais il ne faut pas se réjouir prématurément.

Les média manipulent l'opinion publique tout comme le font les Églises, chacun pour la poursuite de ses propres objectifs. Les média ne peuvent pas faire valoir l'autorité divine mais ils ont l'avantage de pouvoir reproduire sélectivement seulement les mèmes qui attirent et retiennent l'attention du plus grand nombre de spectateurs. Les deux cherchent à dissuader l'individu d'exercer la plus précieuse des facultés humaines, celle d'évaluer lui-même l'à propos de tout ce qu'il pense et fait.

La disponibilité universelle de toute l'information tout le temps et partout offre une certaine protection contre le viol des cerveaux derrière des portes closes qui était la norme dans les écoles religieuses il y a seulement quelques décennies mais l'absence de censure maintenant laisse tout le monde vulnérable à une infection fortuite par des rumeurs et des mythes urbains sans fondements charriés par des mèmes efficaces à se répliquer

Ça ne prend pas beaucoup d'encouragement pour se laisser aller à la voie de la facilité en adoptant les valeurs des autres membres de la communauté tels que nous les présentent les média, au lieu de faire l'effort de réfléchir au fond des choses soi-même. Malheureusement, il est peu probable que les média abandonnent spontanément la forte influence qu'ils ont acquise sur les mèmes de l'éthique de façon à permettre une prise de conscience et de responsabilité accrue des individus. Et pourtant, c'est justement cela dont la société a besoin maintenant que l'ère de l'information accélère la circulation des mèmes sans aucun contrôle de leur validité.

Les religions majeures semblent être en récession mais des sectes et des systèmes de croyance dits du nouvel âge se précipitent pour combler le vide. Des spécialistes d'astrologie, de tarot et de lecture des feuilles de thé multiplient leurs boutiques partout. Le spiritisme du 19ième siècle revient sur le marché sous le nouveau nom de channeling. Une armée de guérisseurs se diversifie avec de nouveaux gris-gris et des techniques originales trop nombreuses pour énumérer comme l'irrigation du colon (lavements), la réflexologie (massage du pied), l'imposition des mains, le brûlage de chandelles dans les oreilles etc. L'intérêt de l'homme pour l'espace a ouvert la porte à la circulation de mèmes au sujet de visiteurs de lointaines galaxies. De puissants mèmes sur la vie éternelle ont même réussi à infecter des cerveaux assez longtemps pour que des sectes de suicide collectif aient le temps d'atteindre leur macabre aboutissement.

Heureusement, ces manifestations extrêmes d'infection mèmetique ont provoqué des professionnels de la science à la tête froide à se regrouper pour former un certain nombre d'organisations sans but lucratifs comme le "Commitee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal" (CSICOP), international, pour réfuter publiquement les abus de la crédulité humaine. ( Voici des liens vers des goupes nationaux semblables.) Ces associations font de leur mieux pour générer une réaction immunitaire aux infections mèmetiques mais elles limitent leur action aux pires abus car elles n'ont pas les moyens dont disposent tous ceux qui exploitent la crédulité humaine.

La circulation ouverte et accélérée des mèmes (disponibilité universelle de l'information) est un pas vers l'avant significatif car cela confère un pouvoir égal à tous les individus, mais cela exige que chacun apprenne à trier le grain de la paille. Les associations "chien de garde" que je viens d'évoquer sont utiles mais c'est en définitive à chaque individu que revient la responsabilité d'exercer son propre jugement au sujet des mèmes dont il est bombardé par les média.

J'ai souvent l'impression qu'il y a beaucoup plus de paille que de grain dans les informations que nous lancent les médias. Des expressions comme "objectivité journalistique", "politiquement correct" et "conventional wisdom" qui étaient inconnues il y a quelques décennies, me font peur car elles reflètent une tendance croissante vers l'acceptation sans examen de n'importe quel mème qui se répand dans nos média. Nos journaux et nos média électroniques nous présentent tous la nouvelle avec le même biais au nom de "l'objectivité journalistique". Pour moi, c'est là un symptôme qu'ils ont tous été infectés par les mêmes jeux de mèmes comme s'ils avaient tous attrapé le virus informatique "I love you" en même temps. Il nous faudrait tous un puissant programme anti virus tout azimuths capable de nous redonner la capacité d'une pensée critique individuelle. Je pense que la société a besoin que la pensée critique individuelle se généralise pour que l'adaptation aux nouvelles technologies qui s'en viennent se fasse avec le moins de boulversements.


Les technologies de l'avenir

Le développement de la technologie est maintenant si rapide que plusieurs ont de la difficulté à s'adapter à des idées et des procédés qui étaient de la science fiction il y a seulement quelques années. L'histoire nous a montré que quand une nouvelle technologie devient disponible, elle finit toujours par être utilisée malgré toute les résistances. Le changement aura lieu à une vitesse accrue quoi que nous fassions et il nous marchera tous dessus à moins que nous ne le prévoyions et réussissions à le canaliser à travers un large débat public.

Par exemple, il serait illusoire de penser que les organismes génétiquement modifiés qui ont fait partie de notre chaîne alimentaire depuis déjà pendant deux décennies, seront abandonnés à cause des manifestations, si violentes soient-elles, des groupes de protestation activistes. Il eut été mieux de s'adapter à l'avenir en impliquant le public il y a vingt ans.

Maintenant que nous avons décrypté les secrets du génome humain, il est extrêmèment peu probable que nous nous retenions d'intervenir dans l'évolution du genre humain pour "améliorer" l'espèce. Ayons donc un débat public à ce sujet dès maintenant. Je ne pense pas que cela empêchera le recours à l'ingénierie génétique et au clonage humain mais cela faciliterait certainement notre adaptation à cette nouvelle réalité. Peut-être, en retardant son application jusqu'à ce que nous soyons capables de l'envisager sans angoisse.

Nous commençons maintenant à développer des technologies pour restaurer la vision et l'audition en implantant des rétines et des oreilles internes artificielles qui communiquent directement avec le cerveau. Le couplage de l'accès direct au cerveau avec la croissance exponentielle de la puissance de nos ordinateurs est susceptible de créer une irrésistible tentation de multiplier notre capacité intellectuelle par la symbiose avec les ordinateurs. L'avènement de clones composites hommes-ordinateurs dans le 3e millénaire n'est plus impensable, c'est maintenant inévitable.

Le changement ne se rendra peut être pas à de tels extrêmes, mais cela pourrait arriver. C'est pourquoi je pense qu'il serait recommandable de développer une approche dynamique en étudiant dès maintenant l'éventuel impact sur notre éthique sociale, de telles technologies qui sont prévisibles. Certaines universités et groupes de penseurs sont déjà engagés dans ce sens mais je pense que le grand public devrait être plus impliqué dans le développement d'une éthique laïque dynamique pour atténuer les transitions au fur et à mesure qu'elles se produiront et pour adoucir le choc entre ceux qui résisteront au changement et ceux qui l'accueilleront.


La vie est une affirmation individuelle

Le "progrès" avance très vite. Les grandes religions ne seront pas d'une grande utilité pour faciliter notre adaptation au futur car elles sont déjà loin derrière, enlisées dans le passé. À mon avis, nous ne pouvons pas nous permettre de transférer la responsabilité de prendre les bonnes orientations aux médias car leur seul objectif est de produire le meilleur rendement sur l'investissement des actionnaires. Les mèmes et les média sont des alliés naturels. La validité de ce qu'ils diffusent ne compte pas, ce qui importe c'est l'efficacité avec laquelle ils rejoignent le plus grand nombre de personnes car c'est ça qui assure leur survie et leur croissance.

Si l'on ne peut pas compter sur les religions et si l'on ne peut pas faire confiance aux média, vers qui donc pouvons-nous nous tourner? Pour ma part, je suggère que nous nous devrions nous faire confiance à nous-mêmes individuellement d'être les meilleurs juges des voies les plus appropriées vers notre avenir que quelconque puissante agence centralisée, sacrée ou profane..

En période de changement technologiques accélérés, il est souhaitable que le plus grand nombre possible de mèmes variants se fassent concurrence pour améliorer nos chances que les nouvelles valeurs soient les plus appropriées. Nous avons besoin que plus d'individus prennent le risque de se tromper pour réduire le risque que la communauté entière se trompe.

La même logique de concurrence milite en faveur de la décentralisation à tous les niveaux pour rétablir un équilibre après l'homogénisation en cours qui résulte de la globalisation des marchés.

 


En quelques mots,

 

Pour résumer, voici les points principaux de ce que je pense aujourd'hui:

1) LE PASSÉ:
1.1 Les religions ont joué trois importants rôles historiques,
- fournir des réponses sur l'origine et la nature de l'univers et,
- promouvoir l'ordre social en soutenant la domination des élites sur les gens du peuple de diverses communautés.
- fournir l'illusion irrationnelle dont l'homme a besoin pour masquer à son éveil conscient, la dure réalité de sa condition d'être mortel.
1.2 Les classes religieuses ont joué ces rôles en établissant la croyance, par leur influence sur les mèmes de leurs communautés respectives, en un domaine "sacré", affranchi des règles de la logique et de la justice qui s'appliquent normalement dans le domaine profane.


2) LA TENDANCE:
2.1 Dans le dernier millénaire, le deux premiers des trois rôles historiques de la religion ont été sérieusement contestés presque partout sur la terre.
- par la méthode scientifique d'acquisition de la connaissance sur l'univers qui est largement reconnue comme étant supérieures aux mythes, aux légendes et aux écritures saintes et,
- par la confiance croissante au régime de droit, établi par le peuple pour le peuple, dont la capacité à s'adapter à l'évolution de la civilisation justifie la prédominance sur le règne d'élites choisis par des classes religieuses.
2.2 De nouveaux ensembles de mèmes (mèmeplexes) répandent lentement mais de façon irrésistible la perception
- que la connaissance est relative, qu'elle évolue avec le temps et qu'elle ne peut être qualifiée qu'en des termes de probabilités.
- que la quête de la paix, la loi et l'ordre dans le monde est mieux servie par le développement d'une éthique laïque tournée vers l'avenir, que par la promotion de morales religieuses rivales.
- que les mèmes d'un domaine "sacré" et d'une "vérité absolue" sont des fictions fabriquées pour manipuler les croyants.
2.5 Les religions ont définitivement perdu leur rôle de pourvoyeuses de connaissances et sont en train de perdre celui de maintien de l'ordre social, mais elles conservent une influence considérable en niant que la mort est définitive.

3) MON ORIENTATION
Personnellement, je trouve que ma vie a un sens au travers de l'affirmation individuelle de ce que je suis aujourd'hui et au travers de mes efforts pour améliorer mon adaptation à mon environnement en cherchant:
-à m'informer des plus récents développements des connaissances scientifiques et de la croissance de l'éthique moderne afin d'être en mesure d'évaluer les mèmes présentement à la mode et
- à tenir compte non seulement selon ce que je sais de l'éthique d'aujourd'hui, mais aussi de l'extrapolation la plus réaliste que je peux élaborer sur l'évolution future de l'homme dans l'espoir d'y contribuer plutôt que d'y nuire.

 

   

Bibliographie

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