Avant de venir à Salta, j'avais entendu de nombreux éloges sur le fameux "Tren a las Nubes" construit à grands frais à travers de hautes montagnes et de profonde ravins par l'ingénieur Richard Maury entre 1921 et 1948.
La première chose que j'ai faite en arrivant fut de chercher à me procurer un billet aller-retour pour l'excursion en train juqu'à San Antonio de los Cobres. Naturellement, j'ai été très déçu d'apprendre que le train ne marchait pas car de fortes pluies avaient causé des éboulements sur la voie ferrée qui n'avait pas encore été nettoyée. J'ai cependant appris qu'il ne fonctionnait pratiquement jamais entre décembre et mars alors que le train de marchandises passait régulièrement chaque semaine. J'ai donc pensé que le fameux Tren a Las Nubes" restait inactif parce qu'il n'y avait pas assez de touristes en hiver pour le remplir à sa pleine capacité de 550 passagers plutôt que pour des prétendus problèmes de voie ferrée.
J'aurais bien aimé ajouter le Tren a Las Nubes aux autres expériences ferroviaires spéciales que j'ai appréciées ailleurs, comme le train des montagnes bleues en Inde, le train de Manakara à Madagascar, le train trans-sibérien en russie, le ferrobus de l'altiplano en Bolivie et bien d'autres.
Heureusement, une excursion en minibus couvrait presque la même route le long du Quebrada del Toro (ravin du taureau), alors je l'ai faite à la place. Ces trois premières photos montrent toutes le même viaduc de chemin de fer au-dessus du Rio del Toro. Naturellement, on l'appelle le "Viaducto del Toro".
Voici une photo du même viaduc en regardant vers l'arrière le long du Quebrada del Toro.
Les paysages étaient si grandioses que j'ai décidé de jouir de l'excursion en minibus et d'oublier ma frustration d'avoir raté le trajet en train.
Voici un autre des 13 viaducs. Trente et un ponts de fer moins élevés, neuf caniveaux et vingt et un tunnels totalisant 3000 mètres ont aussi été nécessaires pour rejoindre la frontière du Chili à quelques 570 km.
Le Rio Toro est presque sec en ce moment mais il peut devenir un torrent furieux à certaines périodes.
À certains endroits, la vallée est assez large pour permettre quelques élevages de bétail.
Nous avons vu du bétail mais très peu.
Ce panorama de 180 degrés montre le chemin de fer qui grimpe vers la frontière à gauche après être venu de l'est à droite.
La vallée devient de plus en plus sèche à mesure que nous gagnons de l'altitude vers le village historique de Santa Rosa de Tastil à 2700 mètres, dont on voit le cimetière sur cette photo.
Nous avons fait une pause pipi à Tastil, juste assez longtemps pour que je puisse prendre une photo de ce sympathique lama qui trainait près du restaurant.
Au nord de Tastil, nous avons vite atteint la "Puna" hostile, un désert venteux et desséché, brûlant à midi et glacial la nuit où même les cactus luttent dur pour survivre.
Et nous grimpons encore...
Nous montons toujours et nous atteignons un endroit nommé Abra Blanca, à 4080 mètres au-dessus du niveau de la mer...
Avant de descendre un peu dans cette haute plaine de la puna.
Finalement, nous arrivons à San Antonio de Los Cobres à 3 775 mètres (12 500 pieds). Ici, la pression atmosphérique est tellement basse que respirer assez d'oxygène est un problème pour la majorité des gens non acclimatés à cette altitude comme le peuple Quechua qui vit ici. Comme son nom l'indique, la ville fut fondée pour exploiter des mines de cuivre voisines mais celles-ci sont maintenant épuisées et les résidents qui restent ont de la difficulté à joindre les deux bouts.
Le peuple Quechua a nominalement adopté le christianisme pour survivre au rouleau compresseur de l'occupation espagnole mais il est resté attaché à ses croyances traditionnelles et vénère toujours Pachamama, l'esprit de la terre-mère, source de toute vie, et Inti, le soleil dont la chaleur rend Pachamama fertile.
Je ne crois pas aux esprits mais si j'avais à choisir, il me semble que Pachamama et Inti font plus de sens qu'une divinité de trois personnes en une dont une serait présumément née d'une mère vierge! C'est intéressant de noter les similitudes entre la Pachamama des Andes et la plus ancienne divinité enregistrée, une déesse de la fertilité découverte sur le site anatolien de Catal Hoyuk (7000 ans avant J.-C.). Également dignes de mention, sont les figurines féminines Valdivia en Équateur (4000 avant J.-C.) et la corpulente déesse de Malte (3000 avant J.-C.).
Nous avons traversé San Antonio d'un trait et avons remonté la rivière pour aller voir le grand viaduc "La Polvorilla", point culminant de ce voyage.
Voici mon premier coup d'oeil sur ce remarquable exploit d'ingénierie que fut le viaduc La Polvorilla lorsqu'il fut complété en 1932. Mille six cents tonnes de poutres d'acier furent coulées à Trieste en Italie et transportées sur la moitié du globe pour être assemblées dans cette gorge isolée à une altitude de 4330 mètres. Quelle réalisation!
Le viaduc mesure 63 mètres de haut par 220 mètres de long, il est courbé et asymétrique, la butée de l'ouest sur la droite étant 4,5 mètres plus haute que celle située à l'est. Comme chaque pièce devait s'ajuster à la perfection, la structure fut d'abord assemblée dans une gorge semblable près de Trieste avant d'être expédiée par bateau à Buenos Aires.
En ce temps-là, l'Argentine était riche et pouvait se permettre telle extravagance pour relier ses provinces du nord au port d'Antofagasta sur l'océan Pacifique. Un train de marchandises se rend encore jusqu'au Pacifique une fois la semaine mais la majorité des revenus provient maintenant des passagers durant la saison touristique.
Après ce spectacle impressionnant, nous sommes arrêtés pour manger dans la ville presque déserte.
Les Quecha appauvris n'ont pas d'autre choix que de regarder par la fenêtre les touristes qui prennent leur repas et de leur mendier quelques pieces à leur sortie. Au moins, celles-ci le font avec un sourire.
Et maintenant, il était temps d'entreprendre le long chemin du retour à Salta qui nous donnait la chance d'apprécier encore une fois le spectaculaire paysage.
Robert Maury, qui fit les plans et supervisa la construction de la voie ferrée dans les montagnes de Salta à Socompa sur la frontière du Chili, mérite entièrement d'avoir une ville à son nom pour une telle réalisation. Il est important de mentionner que le train utilise des locomotives normales qui dépendent seulement de la friction pour tirer leur charge (sans roues dentées et crémaillères dont se servent plusieurs trains de montagnes). Naturellement, les vieilles locomotives à vapeur ont été remplacées maintenant par des moteurs diesels plus performants!
Après une nuit à Salta, j'ai pris un autobus très matinal pour le trajet de 12 heures jusqu'à San Pedro de Atacama en passant par le magnifique col Jama à 4 230 mètres.