La Nouvelle Guerre de l'AmériqueVertu ou intérêt crasse?
Depuis la deuxième guerre mondiale, on s'est habitué à voir deux voyous matamores dans la cour d'école, chacun provoquant ses petites querelles pour étendre son territoire aux dépens de l'autre. Pour nous à l'Ouest, le communisme était noir comme le diable et le capitalisme blanc comme neige était la vertu même. Nos gouvernements, nos média et faiseurs d'opinion qualifiaient de démoniaques tous les régimes socialistes où qu'ils soient. Le matamore de notre camp. l'Amérique, s'est même arrangé pour en renverser quelques uns qui avaient été élus démocratiquement, comme ceux de Jacobo Arbenz au Guatemala en '54, de Juan Bosch en République Dominicaine en '63 et d'Allende au Chili en '73, et personne n'a protesté. La démocratie était souhaitable seulement lorqu'elle conduisait à des régimes capitalistes favorables aux intérêts Américains. On s'est beaucoup agité au sujet de la démocratie et des droits de l'homme mais il ne s'agissait que de paroles en l'air pour nous donner bonne conscience. En fait, quand l'enjeu de l'intérêt y était, le despote occidental n'a jamais eu de remords à supporter les régimes totalitaires les plus répressifs et les plus corrompus tels que ceux de Batista à Cuba, Trujillo en République Dominicaine, Somoza au Nicaragua, Pinochet au Chili, Marcos aux Philippines ainsi que plusieurs autres. Notre presse occidentale soumise fermait les yeux sur les violations des droits de l'homme commises par ces dictateurs et les encensait comme de fidèles anticommunistes. Nous, les voteurs et payeurs de taxes, avons avalé toutes ces bêtises sans broncher, confortés par la simpliste vision en noir et blanc d'un Occident vertueux défendant le monde contre le diabolique empire communiste. Cette vision simpliste du monde ne marche plus depuis l'effondrement de l'empire soviétique il y a une décennie. Depuis lors, il ne reste qu'un seul despote dans la cour d'école. L'aide aux régimes totalitaires ne peut plus être camouflée sous le couvert de la lutte anticommuniste. Tout le monde peut voir que l'appui au royaume totalitaire rétrograde Wahhabite en Arabie Saoudite n'a rien à voir avec la défense de la démocratie contre le communisme. Il est évident que le véritable enjeu, c'est l'appétit occidental pour le pétrole du Moyen Orient. C'est très gênant! Même les gens ordinaires peuvent maintenant remarquer le double langage du discours américain sur les vertus de la "démocratie et des droits de l'homme", que la vilaine Chine devrait adopter mais qui ne sont pas exigés de l'Arabie Saoudite, du Koweït, du Qatar, des Émirats Arabes et d'un certain nombre d'autres alliés dociles des États-Unis. Sans adversaire à noircir, l'Amérique ne peut plus jouer le rôle de "chevalier en brillante armure" et la priorité de l'intérêt crasse sur la poudre aux yeux des platitudes morales est devenue évidente à tous ceux qui, de bonne foi, acceptent de voir ce qui se passe. L'invasion du Koweït par l'Irak fut une bénédiction pour George Bush senior. Elle lui donna un ennemi à noircir et une occasion d'exercer la puissance militaire américaine. Saddam Hussein fut réprouvé en tant que dictateur totalitaire responsable de terribles violations des droits de l'homme mais rien ne fut dit à propos des alliés américains, les monarchies arabes fondamentalistes de la région. L'Amérique avait de nouveau un cheval blanc à enfourcher et les sondages électoraux du président atteignirent de nouveaux plateaux. Après cette guerre, le pétrole du Koweït était de nouveau sous contrôle indirect de l'Amérique mais pas grand chose d'autre n'avait changé, Saddam Hussein était encore au pouvoir ainsi que les monarchies répressives du Koweït et de l'Arabie Saoudite. Vinrent ensuite les conflits religieux des Balkans qui manifestement concernaient plus l'Union Européenne voisine que l'Amérique. Cependant, notre despote de cour d'école devait s'impliquer et même prendre un rôle de commandement pour s'assurer que l'Europe ne développe pas une capacité d'action indépendante qui pourrait éventuellement porter atteinte à son hégémonie. "Il ne peut y avoir qu'une seule superpuissance et elle ne peut pas se tromper" était la doctrine propagée par les médias occidentaux et les faiseurs d'opinion dans les années '90. J'ai été conscient de l'existence de malabars de cour d'école dès mes premiers jours d'école primaire ce qui fait que je ne suis pas choqué de voir le despote d'aujourd'hui abuser de son pouvoir. Les despotes font partie de la vie, et c'est ce que font les despotes. Je suis cependant profondément dégoûté par l'hypocrisie des dirigeants et des média occidentaux qui, très habilement, idéalisent nos héros et tracent une caricature démoniaque de leurs adversaires de façon à présenter une fausse image d'un monde noir et blanc au naïf public américain. Je suis également étonné de constater à quel point l'opinion publique américaine est malléable entre les mains expertes des manipulateurs qui influencent et contrôlent parfois la presque totalité des média américains. En fait, je ne devrais pas être aussi naïf, les média n'existeraient pas sans publicité et "Madison Avenue" est la championne mondiale en matière de manipulation des pulsions d'acheter des consommateurs. Fabriquer l'assentiment des politiques privilégiées par le monde des affaires et par le complexe militaro-industriel n'est qu'un pas de plus dans le même chemin. L'américain moyen n'est pas de taille devant de telles forces expertes. Les Américains peuvent satisfaire tous leurs besoins sans dépendre d'aucun pays étranger ce qui fait qu' ils sont forcément plus égocentrés que les citoyens de pays plus vulnérables aux influences extérieures. La plupart des Américains sont vaguement conscients de ce qui se déroule à Washington mais ils démontrent peu d'intérêt pour ce qui se passe à l'extérieur des États-Unis. L' Américain moyen va bien discuter des politiques internes de son gouvernement mais, généralement, il se fout pas mal de la politique étrangère de son pays. Dans ce contexte, notre fier-à-bras de préau peut faire des vagues sur la scène internationale sans grand risque de contestation à l'interne. Le public en général n'étant pas tellement intéressé, le champ de la politique étrangère est laissé ouvert aux luttes d'influence entre groupes d'intérêts particuliers dont l'influence est disproportionnée à leur nombre. Étant donné l'énorme importance du financement des partis et des candidats dans système électoral américain, le vieux dicton "l'argent parle plus fort que les votes" est tout particulièrement applicable au domaine de la politique étrangère aux États Unis. L'influence d'une poignée de riches exilés cubains de Miami sur la politique américaine envers Cuba n'est qu'un exemple. Il y a plusieurs autres cas où c'est "la queue qui branle le chien" aux États-Unis.
Le communisme est mort, merci mon Dieu pour le terrorismeLe 11 septembre fut une bénédiction pour Bush junior comme la guerre du golfe l'avait été pour son père. "La nouvelle guerre américaine" fit prendre un essor à sa cote et fournit à l'Amérique un ennemi sans lequel elle semble perdue. Le blanc devint plus blanc et le noir devint plus noir alors que la capacité de jugement critique foutait le camp. J'étais en état de choc en regardant à la télévision, encore et encore, les deux avions de ligne exploser en énormes boules de feu en frappant les tours jumelles du World Trade Center en ce fatidique mardi matin du 11 septembre 2001. Lorsque j'ai vu des gens sauter par les fenêtres pour éviter d'être brûlés vifs, j'ai pensé pendant un moment qu'il s'agissait d'un canular comme celui qu'avait monté Orson Welles en 1938 en faisant croire à son public radiophonique à une invasion par les Martiens, histoire inspirée par le livre "La guerre des mondes" de H.G Wells. Plus la journée avançait, plus l'horrible réalité devenait évidente alors que questions "QUI", "COMMENT" et "POURQUOI" réclamaient des réponses. Les réponses à "QUI" et "COMMENT" vinrent rapidement alors que le gouvernement américain accusait le réseau Al Qaeda de Osama Bin Laden et identifiait les 19 terroristes qui avaient détourné les quatre avions de ligne. La réaction unanime d'indignation envers les responsables de la mort d'environ 3 000 personnes innocentes fut immédiatement exploitée par l'administration et transformée en rage par les médias qui concentrèrent leurs efforts à noircir les diaboliques terroristes et à glorifier les héroïques sapeurs-pompiers policiers. Très peu fut dit à propos du "POURQUOI", si ce n'est qu' "ils" étaient des lâches diaboliques et "nous" étions héroïques et vertueux. Le silence au sujet du"POURQUOI" était tellement lourd et menaçant qu'il faisait paraître la question obscène et empêchait quiconque de la mettre sur la table. Jusque là, le peuple américain avait été grandement divisé par le fait que le républicain George Bush soit devenu président en dépit du vote majoritaire accordé au démocrate Al Gore. Cependant, maintenant l'attention était rivée sur la "Nouvelle guerre américaine" et tout le monde se rallia derrière le président qui saisit l'occasion pour projeter sa vision du monde en "noir et blanc" et l'imposer à la communauté internationale en déclarant que tous les pays devaient choisir entre se joindre à la coalition américaine contre le diable ou être considérés comme alliés des terroristes. L'option de neutralité n'existait pas dans cette vision absolutiste du Bien contre le Mal, des Cow-boys contre les Indiens ou des Policiers contre les Voleurs. Le communisme est mort, merci mon Dieu pour le terrorisme, le nouvel ennemi nécessaire pour maintenir la vision du monde en noir et blanc à laquelle les Américains se sont habitués. C'est une vision pratique qui demande très peu de réflexion ou de jugement. L'administration Bush mit très peu de temps à camoufler ses lacunes derrière ce schéma "Keep It Simple, Stupid" (garde ça simple, stupide) et à promouvoir une caricature héroïque du président. Cela n'est pas surprenant, c'était dans son intérêt de tirer le meilleur parti de l'occasion, mais je fus étonné de voir avec quelle facilité les médias occidentaux emboîtèrent le pas. Des analystes chevronnés, qui sont normalement capables de réflexion critique, se turent par crainte d'être vilipendés comme "non-patriotiques" et la question POURQUOI fut presque complètement ignorée. Pour moi, la question POURQUOI était essentielle pour comprendre 9/11, alors, j'ai fouillé tout ce que j'ai pu trouver dans des livres et sur l'internet sur les causes du terrorisme et le rôle historique de cette forme de violence. J'ai appris un tas de choses. J'ai trouvé plusieurs définitions du terrorisme. Les plus largement acceptées impliquaient le meurtre de non-combattants pour faire avancer les objectifs politiques du parti le plus faible. L'assassinat de civils par le parti le plus fort cause aussi de la terreur mais ces actes sont qualifiés par des termes moins répugnants tels que pacification, répression, rétribution et autres de ce genre. Le meurtre de civils par un état totalitaire est décrié comme de l'oppression mais, d'une certaine façon, ce terme ne charrie pas une charge émotionnelle aussi négative que celle du terrorisme. C'est comme si la violence du plus fort, qui n'est jamais appelée terrorisme, était plus acceptable que la violence du faible, étiquetée terrorisme. C'est curieux, mais c'est comme ça. La différence de charge émotionnelle portée par les termes "oppression" et "terrorisme" semble impliquer que le faible devrait rester silencieux et soumis! Ou bien, c'est peut être que l'on est pas encore habitué au terrorisme qui est plus rare et plus spectaculaire que l'oppression. Les actes terroristes ne se produisent pas par accident. Ils sont causés par des situations jugées intolérables par le terroriste. Un survol des actes de violence contre des civils au cours des dernières années démontre que le terrorisme est souvent le dernier recours de personnes qui sentent qu'elles ont été traitées inéquitablement et dont les appels à la justice demeurent ignorés. Impuissant à changer la situation, le terroriste cherche à envoyer un message pour attirer l'attention sur son désespoir. Le terrorisme, comme tout autre forme de meurtre, doit être puni mais il n'est pas suffisant d'emprisonner ou de tuer les terroristes pour arrêter le terrorisme. Cela fut clairement exprimé par le général Musharaf, président du Pakistan, dans le discours qu'il a adressé aux Nations Unies en novembre 2001. Il a expliqué que les terroristes sont comme les feuilles d'un arbre, il en repousse une nouvelle pour remplacer chacune de celles qu'on arrache. Selon lui, les organisations terroristes sont comme des branches, on peut les couper mais elles repousseront tant et aussi longtemps que les racines n'auront pas été éliminées. Autrement dit, tous les efforts de l'Amérique pour détenir ou tuer des terroristes seront vains tant et aussi longtemps que les causes de cette haine désespérée qui motive les terroristes à sacrifier leur vie n'auront pas été identifiées et éliminées.
Pourquoi l'Amérique est-elle devenue la cible des terroristes?Aujourd'hui, en Amérique très peu de gens posent la question POURQUOI car elle pourrait conduire à des réponses que personne ne veut admettre. Définitivement la question POURQUOI n'est pas "politiquement correcte" en ce moment et quiconque oserait suggérer que la politique étrangère américaine pourrait avoir contribué de quelque façon à l'augmentation des sentiments anti-américains serait immédiatement marqué "non américain" et ostracisé. Si j'étais Américain et pas encore retraité , le fait de mentionner la question POURQUOI pourrait me coûter mon emploi. Dans "le pays de la liberté", des soi-disant "patriotes" se sentiraient obligés de harceler et même menacer ce non-conformiste"non américain" qui aurait osé exprimer ses doutes. Je n'invente rien, j'ai vu cela se produire plusieurs fois à la télévision depuis le 9 septembre. Heureusement pour moi je suis un Canadien retraité alors, je peux risquer de présenter les deux observations suivantes qui pourraient faire partie de la réponse.
Peut-être que L'INJUSTICE et L'HYPOCRISIE font partie des racines auxquelles le général Musharaf faisait référence lors de son discours diplomatiquement rédigé de novembre. Au lieu de porter attention aux sages paroles d'un allié dans sa guerre contre le terrorisme, le Président des États Unis continue de tordre des bras pour forcer tout le monde dans sa soi disant coalition contre la terreur. "Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous". Pense-t-il vraiment que c'est la façon de gagner des amis et influencer les gens? Est-ce que l'Amérique fier à bras cherche seulement à être crainte sans se préoccuper d'être admirée et respectée. Est-ce possible que Bush et ses seigneurs de la guerre ne se rendent pas compte qu'en faisant preuve d'une telle arrogance ils ne font qu'attiser la haine et donner au mouvement "Al Qaeda" un puissant outil pour accélérer son recrutement dans tous les pays où il est maintenant dispersé? Est-ce que c'est l'incompétence, ou la crainte d'une défaite électorale ou bien un orgueil mal placé qui empêche les dirigeants américains de se rendre compte que la politique des EU au Moyen Orient ne correspond plus au réel intérêt àlong terme du peuple américain? Franchement, je suis effrayé, le système américain est sensé comprendre des contrôles et des équilibres de forces (checks & balances) pour éviter les excès mais ils ne fonctionnent pas très bien en temps de guerre. C'est peut-être pour ça que le cow-boy texan est si enthousiasmé par la nouvelle guerre américaine. Je ne suis pas Américain mais j'ai le droit d'exprimer mon inquiétude car personne ne peut deviner l'étendue des dommages que ce canon sans amarres pourra infliger à la paix mondiale pendant les deux ans qui lui restent. (juin 2002) Personne ne sait où Bush va nous entraîner dans les mois qui viennent mais nous pouvons tous spéculer au sujet des objectifs qui pourraient tenter les faucons qu'il a choisi pour le conseiller.
Plus sur la Nouvelle Guerre Américaine: Albert Michael & Shalon Steven - FAQ :
http://www.zmag.org/qacalam.htm
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