Il n'a pas été facile de venir ici à partir de Dunhuang. J'ai pris un minibus pour les 150 km jusqu'à Liuyuan où j'ai attrapé un train de nuit qui m'a laissé à 3 heures 30 du matin à Daheyan où par une nuit noire, j'ai dû trouver un autre minibus pour aller à Turfan, 35 km plus loin.
La dépression de Turfan (ou Turpan) est en dessous du niveau de la mer et ne reçoit pratiquement pas de pluie. C'est un endroit très chaud et très inhospitalier, mais les hommes y ont construit une oasis en amenant de l'eau souterraine au travers de canaux d'irrigation souterrains reliant de longues files de puits qui conduisent aux collines environnantes. Certains des "karez" ont été construits il y a 2 000 ans et ont été entretenus depuis lors. Un système semblable de puits appelés "qanat" a été utilisé en Perse pendant une période tout aussi longue.
Avec l'eau vient une abondance de fruits, plus particulièrement les melons, les abricots et les raisins. Les raisins poussent si bien ici qu'ils ombragent les rues du centre de la ville. La population locale est en grande majorité Ouïgour et Musulmane. Par conséquent elle utilise tous ces raisins pour faire du raisin sec au lieu de vin. Plusieurs anciens sites de la région attirent assez les visiteurs faire de l'industrie du tourisme une source majeure de revenus. Les prix sont cependant très raisonnables. Mon lit de dortoir, ici à l'hôtel de l'Oasis, coûtait seulement 2.70$ US. D'autres voyageurs restant ici et moi, avons formé un groupe de six pour louer un minibus pour une journée de tourisme.
Les ruines de l'ancienne ville de Gaochang.
La dynastie Han a construit des avant-postes militaires dans la dépression en 90 avant JC, après des décennies de combats pour le contrôle de l'oasis avec les Hsiung-nu qui sont restés une menace sérieuse pendant deux siècles. Une grande garnison était été maintenue par les Hans dans la ville fortifiée de Gaochang (connue sous le nom de Kiu-che par les Hans et sous le nom de Kara Khoja par les Tangs), 45 km à l'est de Turfan. Une autre a été installée à Jiaohe (originellement appelée Yark Hoto), 18 km à l'ouest de Turfan.
Une salle de prière restaurée réunit symboliquement une base carrée à un dôme circulaire.
Gaochang est devenue un centre Bouddhiste renommé et a été visitée au septième siècle par le célèbre moine Xuan Xang qui a rapporté des sutras de l'Inde et les a traduits dans la pagode de la Grande Oie construite pour lui à Xi'an. On peut voir d'autres preuves d'un passé Bouddhiste bien établi dans cette région, dans les cavernes de Bezeklik à environ 20 km au nord de Gaochang.
Des murs en briques de boue séchée, encore debout après un millier d'années!
Vers 840, les tribus Ouïgoures de langue turque basées sur le fleuve Orkhon (au sud du Baïkal), qui avaient adopté le Manichéisme et s'étaient quelque peu civilisées suite à leur alliance vieille d'un siècle avec les Tangs, ont été vaincues par tribus Kirghizes plus primitives de l'Ienisseï supérieur. Elles se sont massivement déplacées vers les oasis du bassin de Tarim, dont Turfan, où beaucoup se sont converties au Bouddhisme ou au Nestorianisme.
La route qui va vers les collines.
En 1209, Bartchouq, roi des Ouïgours s'est uni à l'empire mongol en épousant Al'altun, la fille de Genghis Khan. La tolérance religieuse a régné dans le bassin du Tarim, où le Bouddhisme, le Nestorianisme, le Manichéisme et le culte des mongoles à Tegri étaient tous pratiqués sans discrimination, jusqu'à ce que le dernier prince Djaghatai, Khizr Khodja, ne vainque les Ouïgours et leur impose l'Islam sous peine de mort, autour de 1390. Quelques années plus tard il donnait sa fille en mariage au tout aussi fanatique Tamerlan. C'est à cette période que Gaochang et Jiaohe ont été abandonnées.
Un ardent rayonnement solaire ravageant les profils érodés des "Collines Flamboyantes" leur a donné leur nom. Elles sont citées sous ce nom comme un formidable obstacle à franchir dans le roman classique "Voyage vers l'Ouest" qui raconte la quête du moine Xuan Zang d'écrits Bouddhistes en Inde au 7ième siècle. Les cavernes de Bezeklik sont dans une gorge de l'autre côté de cette montagne.
Remontée du lit d'un fleuve desséché vers les Cavernes aux Mille Bouddhas de Bezeklik.
Plus de 100 grottes ont été creusées dans la face de ces falaises entre les 6ième et 9ième siècles par les moines Bouddhistes qui cultivaient la vallée en dessous. Elles ont été abandonnées à peu près au même moment que Gaochang et Jiaohe après l'invasion des Musulmans dans la région, vers la fin du 14ième siècle.
Ces grottes ont été sauvagement pillées par les archéologues Européens et plus particulièrement par Albert von Le Coq qui est responsable de l'enlèvement massif des peintures murales et des sculptures et de leur transfert vers Berlin où la plupart ont été détruites pendant la seconde guerre mondiale.
Maintenant, l'Islam est la religion prédominante de la région. Les seuls lieux de culte que j'ai vus à Turfan étaient cette bien active mosquée de la ville et une ancienne mosquée historique avec minaret à la périphérie de la ville.
Voici le minaret et la mosquée construite dans un style Afghan simple par Emin Khodja en 1778.
Vers la fin des années 1940, un Kazakh nommé Osman a conduit une rébellion de Ouïgours, de Kazakhs et de Mongols et a établi une "République Indépendante du Turkestan", qu'ils ont plus tard abolie en échange de la promesse d'une véritable autonomie par Chiang Kaishek. Naturellement cette promesse n'a pas été tenue, les Chinois sont revenus en force et ont exécuté Osman en 1951 après la prise du pouvoir des communistes. A ce moment, 90% de la population du Xinjiang était Ouïgour. Les communistes ont construit un chemin de fer jusqu'à Urumchi et ont inondé la province d'immigrés Hans en leur donnant des avantages refusés en Chine même. Maintenant la population Ouïgoure est en passe de devenir une minorité.
Ces Ouïgours dans le marché de Turfan semblent assez heureux mais je me demande combien d'entre eux sont conscients du fait qu'ils sont en train de subir un génocide culturel!
Très peu de Chinois se sont établis dans la chaude et sèche dépression de Turfan où il y a encore une majorité de Ouïgours.
Sortant de la dépression de Turfan, nous atteignons le plateau Bogda Shan, plus frais, où les Chinois ont établi leur ville Urumchi qui était la fin de la route jusqu'à ce que le chemin de fer soit été prolongé jusqu'à Aktogai au Kazakhstan pour joindre la ligne Almaty-Novosibirsk du Türksib.
Malheureusement j'ai seulement que très peu de photos d'Urumchi car j'ai perdu une bobine entière prise ici. La moderne ville chinoise d'Urumchi ne paraît pas à sa place, entourée par l'ancien Xinjiang Ouïgour.
Les immigrés Hans affluent et de grandes grues sont très actives ici comme partout en Chine.
J'ai passé à peu près une semaine à Urumchi pour avoir un visa pour le Kazakhstan et à essayer d'obtenir des visas pour les autres destinations de ma route projetée. En fait, je pense avoir passé plus de temps à négocier des visas avec divers bureaucrates qu'à faire du tourisme dans la partie de l'ex-empire soviétique de ce voyage.
J'ai eu la chance de faire des amis à l'université du Xinjiang. J'ai apprécié les échanges avec eux sur un grand nombre de sujets. Nous avions pris cette photo avec mes amis Ilham, Lui Yong Jun et Turgun avec sa fille Nazira, une nuit après un excellent dîner de poulet style Ouïgour.