Je suis arrivé à Lanzhou autour de midi et j'ai trouvé une belle chambre au Lanzhou Mansions Hôtel, juste de l'autre coté de la rue de la gare, pour seulement 3.00 $US. Voici la gare, vue de ma chambre.
J'avais eu de la chance à Xi'an, mais les choses se sont gâtées à Lanzhou car le Musée Régional de Gansu, où j'avais espéré voir des vestiges des premières activités commerciales est-ouest, était fermé. J'ai visité l'université d'où j'ai pu envoyer du courriel mais pas en recevoir. Comme j'avais déjà vu beaucoup de monastères lamaïstes au Tibet et en Mongolie je n'ai pas fait le détour pour visiter celui de Xiahe et j'ai pris le premier train de nuit vers le nord-ouest dans le corridor de Gansu.
Lanzhou, située à l'extrémité sud-est du corridor de Gansu, avait une grande valeur stratégique comme verrou de la route de la soie vers l'ouest.
La province de Gansu est un étroit corridor entre deux chaînes des montagnes du Qilian. C'était un passage incontournable entre les plaines vertes et luxuriantes des basses terres de la Chine ancienne à l'est, et les plateaux arides qui mènent vers l'Asie Centrale et à la Perse à l'ouest.
De l'autre côté de cette chaîne de montagnes au nord, s'étend la Mongolie intérieure qui était infranchissable par les commerçants parce qu'elle était habitée par des tribus nomades barbares (les Hsiung-nu turques au temps des Hans et diverses tribus mongoles au temps des Tangs et des Mings) et pire encore, à cause du désert de Gobi.
Au sud, les hauts plateaux de la province de Qinghai étaient encore plus hostiles à la vie humaine. La route de la soie avait généralement des itinéraires alternatifs sur son parcours, mais ici, les caravanes et les armées n'avaient pas le choix, elles devaient suivre le corridor de Gansu (connu aussi sous le nom de corridor de He Xi).
Le corridor est en grande partie stérile mais une chaîne d'oasis comme l'Oasis de Zhing Shue (eau claire) qu'on voit ici, rendait la traversée possible pour le commerce et la conquête entre la Chine et l'Asie Centrale.
Les caravanes de chameaux, voyageant d'oasis en oasis à travers des déserts comme celui-ci, ont ouvert les routes commerciales entre la Chine, la Perse, la Grèce et Rome.
Elles étaient cependant vulnérables aux raids des féroces archers Hsiung-nu qui donnaient l'assaut montés sur leurs petits chevaux à partir des collines de l'horizon nord.
La réponse des Hans aux raids des Hsiong-nu a été d'étendre le Grand Mur, de construire une série d'avant-postes militaires et d'y mettre des troupes en garnison pour protéger les routes commerciales en direction de l'Asie Centrale. L'un d'eux gardait la passe de Jiayuguan. Beaucoup plus tard, la dynastie des Mings (1368 - 1644), qui s'était retirée de plusieurs territoires étrangers considérait ce point comme l'extrémité ouest du Grand Mur. En fait, ce qu'on voit ici est une récente reconstruction du mur initial qui s'étendait beaucoup plus à ouest de Jiayuguan.
Peu de temps après avoir repris le pouvoir à la dynastie mongole des Yuans, les Mings Chinois ont construit la forteresse nommée "Imprenable Passe Sous le Ciel", dont on peut voir l'entrée ici, qui était la porte ouest de la Chine. En fait, elle a été la porte ouest pendant un période relativement courte car les Chinois ont eu des zones d'influence et souvent de l'autorité sur de vastes territoires et plusieurs nations au delà de Jiayuguan, pendant la plupart des 2000 ans depuis que les avant-postes militaires Hans délimitaient l'Asie Centrale.
Entre les murs intérieurs et extérieurs de la forteresse. Le premier fort a été construit en 1372 mais les murs extérieurs ont été ajoutés beaucoup plus tard. Ce que nous voyons maintenant est le résultat de grandes restaurations entreprises dans les années 1980.
La chaîne de forts de garnison le long de la route de la soie n'a pas été bien entretenue après la chute des Hans en 220. Le commerce avec l'ouest a décliné jusqu'au moment où la Chine, réunifiée de nouveau par la dynastie Sui (589 - 618), a commencé un autre cycle d'expansion impériale sous la dynamique dynastie des Tangs (618 - 907). Les Tangs ont étendu leurs frontières jusqu'au Lac Balkhach dans l'actuel Kazakhstan et ont envoyé des forces expéditionnaires Chinoises au fond de l'Asie Centrale jusqu'au Kashmir, jusqu'à ce qu'ils soient repoussés par une coalition de Turcs, d'Arabes et de Tibétains dans la vallée de Talas en 751 (dans le nord du Kirghizistan).
Un petit théâtre en plein air entre les murs extérieurs et intérieurs.
Le pouvoir des Tang a décliné après leur expulsion d'Asie Centrale alors que la dynastie était affaiblie par des luttes internes, des révoltes et le banditisme. Des Lamaïstes Tibétains du sud et des Ouïgours Manichéistes du nord se sont disputés les points stratégiques de la route de la soie d'où les Tang s'étaient retirés dans le nord-ouest. Le commerce a encore décliné pendant la période de plus de deux siècles de tumulte qui a suivi leur chute, jusqu'au moment où Genghis Khan a imposé l'ordre et la loi mongoles, depuis la Mandchourie jusqu'à la mer Caspienne. L'économie s'est développée pendant la dynastie mongole des Yuans (1271 - 1368), fondée par Kublai Khan, le petit-fils de Genghis Khan, mais la dureté du règne mongol a entraîné des rébellions qui ont rétabli l'autorité chinoise sur une zone réduite sous la dynastie des Mings (1368 - 1644).
Un chameau patient attend que les touristes lui montent dessus pour être dûment photographiés.
Comme d'habitude, il y a des jours fastes et des mauvais jours. Ce jour faste a commencé à la gare où mon sympathique compagnon de compartiment du wagon-lit s'est avéré être un important fonctionnaire qui a pris le temps de me conduire à l'Hôtel Wumao, dans la limousine avec chauffeur qui était venue le chercher. J'y ai posé mon sac et j'ai pris un taxi pour visiter l'extrémité du mur et le fort. Le chauffeur était une jolie jeune fille qui ne parlait pas anglais mais qui avaient un esprit vif et une agréable disposition. Je pense nous avons tous deux pris plaisir dans nos efforts pour franchir la barrière de la langue. En tout cas, nous avons beaucoup ri de nos tentatives! Elle a attendu pendant ma visite et m'a ramené en ville. La bonne fortune d'aujourd'hui a continué car il y avait très peu de touristes et j'avais pratiquement le fort pour moi seul.
La Porte de l'Illumination, le Pavillon Wenchang et l'aile du théâtre de plein air dans la cour est.
L'empire mongol se disloquait quand les Ming ont construit ce fort. La Horde Dorée adoptait le mode de vie sédentaire en Europe pendant que le Khanat central de Chaghatai, encore nomade mais affaibli par des luttes internes, s'était finalement scindé en une branche Musulmane tenant la Transoxiane de Syr-Darya, et une branche conservatrice en grande partie Bouddhiste contrôlant le Mogholistan (la Kashgarie, le plateau du Tian Shan, les oasis du Tarim et les steppes du nord).
Les doubles tours de la Porte de la Conciliation vues du sommet du mur sud.
Ceci était la limite extérieure du monde civilisé. L'affaiblissement de l'ordre mongol Chaghatai a entraîné la résurrection du peuple Turc conduit par Tamerlan qui, après avoir ravagé l'Inde du nord, l'Asie Centrale, l'Iran, l'Irak, la Turquie de l'est et le Caucase, était en train de rassembler une grande armée autour d'Otrar (dans l'actuel Kazakhstan), pour conquérir la Chine quand il est mort à l'âge de 71 ans en 1405.
C'était probablement la menace la plus sérieuse dans l'histoire de la Chine. Les nombreuses invasions des tribus nomades du nord n'avaient jamais menacé l'intégrité de la Chine parce que ces envahisseurs avaient toujours adopté le mode de vie Chinois comme Kublai Khan l'avait fait. Tamerlan représentait une bien plus grande menace parce qu'il était un Musulman fanatique dont l'intention déclarée était de convertir la Chine à l'Islam. Youg-lo, le second Empereur Ming aurait opposé une résistance considérable mais le djihad de Tamerlan aurait bénéficié d'un large appui Musulman et il aurait pu réussir. L'imposition de l'Islam par l'épée aurait détruit la civilisation Chinoise aussi certainement qu'elle a détruit le Mazdéisme, le Manichéisme et le Zoroastrianisme, et éradiqué l'Animisme, le Christianisme et le Bouddhisme, depuis l'Atlantique jusqu'à ce fort de Jiayuguan.
La Porte de l'illumination, vue à travers la cour intérieure, depuis la Porte de la Conciliation sur le côté ouest. C'était une aubaine d'être presque seul dans le fort. Cela m'a permis de revoir le contexte historique du fort exposé dans mon guide de poche et de rêver sur l'énorme valeur stratégique que cet endroit devait avoir lorsque les Ming y avaient nouvellement placé une garnison. Tamerlan était venu à bout de défenses beaucoup plus fortes que celle-ci. Nous pouvons donc imaginer le soulagement des Mings quand ils ont appris son décès!
Vue globale du fort à partir du côté ouest, côté auquel les hordes de Tamerlan auraient fait face si elles étaient venues.
Comme d'autres dynasties auparavant, les derniers empereurs Ming ont passé plus de temps avec leurs concubines qu'aux affaires de l'état, permettant à une classe grandissante d'eunuques d'acquérir de plus en plus de pouvoir, et à l'administration, auparavant bien structurée, d'être corrompue. Une mauvaise gouvernance et l'abus des paysans par les fonctionnaires locaux et les seigneurs de la guerre provoquèrent une rébellion massive qui devint une occasion en or pour les Mandchous du nord-est de vaincre les Mings décadents pour installer leur dynastie des Qings en 1644. L'Expansion impériale est devenue de nouveau à l'ordre du jour, leurs premiers souverains annexèrent la Mongolie intérieure et prirent le contrôle de la Mongolie et du Tibet comme protectorats. Les Chinois étaient des citoyens de seconde classe dans leur propre pays sous l'implacable règne Mandchou mais la dynastie des Qings a néanmoins duré presque quatre siècles, jusqu'en 1911.
Le vieux dicton que l'histoire se répète, n'est nulle part aussi vrai qu'en Chine, où les dynasties ont surgi, ont fleuri, sont devenues corrompues et sont tombées avec la régularité d'une horloge plusieurs fois pour les mêmes raisons pendant quatre millénaires. Il n'est pas surprenant que les Empereurs chinois et les seigneurs de la guerre, Mao Tsedong et les autres politiciens modernes n'aient jamais manqué d'étudier les leçons du passé dans les anciennes Chroniques de L'Etat, dans "L'Art de la Guerre" de Sun Tse (500 avant JC) et dans des romans historiques tel que "Les Trois Royaumes" écrit au temps des Ming sur la fin de la dynastie des Hans. On peut se demander quel surprise le prochain cycle respiratoire du géant Chinois nous réserve.
Nos politiciens occidentaux ont naturellement un horizon de quatre ans parce que leur qualité essentielle est de savoir rassembler des votes. Combien d'entre eux ont pris la peine de lire Machiavel et Clausewitz? Et quelqu'un s'en soucie-t-il?
Après une formidable journée passée à rêver sur le passé lointain, ma charmante chauffeure de taxi m'a ramené à l'Hôtel Wumao (à droite), où j'ai eu une chambre pour seulement 2.50$ US (à gauche se trouve un centre commercial et la station d'autobus d'où je suis parti pour Dunhuang le lendemain).
Le passé lointain et même le pudique passé récent communiste ne cadraient pas avec le présent immédiat, quand j'ai pris cette photo au flash à 5 heures de l'après-midi dans le disco totalement obscur de l'Hôtel Wumao (il faisait tellement noir que je ne pouvais rien voir, j'ai visé et déclenché mon flash au hasard, là où je pensais que l'action se passait). A 5 heures 30 pile, la musique assourdissante s'est arrêtée, tous ces lycéens sont sortis, ont saisi leur livres de classe et leurs bicyclettes et sont allés à la maison pour souper et faire leurs devoirs. C'était un jour ouvrable, et le disco a fermé pour la nuit.
Le lendemain, le voyage de 8 heures en autobus vers Dunhuang à travers le désert, m'a donné une occasion de digérer certaines des impressions laissées par ma rêverie diurne dans la Forteresse de Jiayuguan. J'étais le seul étranger à bord, si bien que personne n'a interrompu le cours de mes pensées. Et soudainement nous étions à Dunhuang où j'ai trouvé une couchette dans une chambre à deux lits à l'Hôtel Feitian pour seulement 2.50 $ US.
Le lendemain a été un mauvais jour. J'étais venu ici pour voir les Cavernes de Mogao, à 25 kilomètres de la ville mais je n'ai pas pu y aller seul, j'ai dû traiter avec le CITS. Ils m'ont flanqué deux dames canadiennes d'un certain âge, qui m'ont fait avoir honte d'être de l'ouest, ne parlons pas d'être un Canadien. Nous connaissons tous "Le Vilain Américain" mais ces deux ânesses ignorantes n'ont pas cessé de débiter les plus stupides commentaires racistes tout le long du chemin. Elles ont critiqué tout et tout le monde et se sont fait un point d'honneur de laisser tout le monde savoir que leur tour personnalisé de luxe coûtait plus de 6000$ US à chacune.
Nous avions un guide particulier quand nous sommes arrivés aux grottes et j'ai dû suivre pendant que ces deux vieilles sorcières moussaient leur ego à avilir la Chine et les Chinois devant leur auditoire captif, notre infortuné guide. Celle de Calgary a rabâché la malpropreté des cesuos (toilettes), et s'est vanté d'avoir 4 salles de bain dans sa maison, pendant que sa sœur de Vancouver a informé ceux qui ne pouvait s'empêcher de l'entendre, que tous les Chinois qu'elle avait vus avant de venir ici étaient des domestiques ou des serveurs de restaurant. J'aurai pu ramper sous un grain de sable.
J'aurais aimé prendre des photos mais le guide, qui était bien entendu vexé sans le montrer, nous a averti que nos appareils photographiques seraient confisqués si nous essayions. Par conséquent, je ne peux vous montrer que cette vue à longue distance du meilleur site de l'art Bouddhiste en Chine. C'est dommage car les cavernes représentent un inventaire unique, in situ, de l'évolution culturelle dans cette partie du monde pendant plus d'un millénaire.
Les Hans de l'Ouest ont pris l'Oasis de Dunhuang aux Hsiong-nu tard dans le 2ième siècle et en ont fait un de leurs avant-postes militaires de la route de la soie. Quand les Hans sont tombés, Dunhuang a changé de mains plusieurs mais elle était déjà devenue un centre Bouddhiste. Dharmaraksa est venu ici de l'Asie Centrale pour traduire des textes en Chinois pendant la dynastie Jin (265 - 317). L'excavation des cavernes de Mogao dans la falaise de Mingsha, commencée en 366 par le moine Yuezun, a continué pendants les 1000 ans suivants. Les guerres et les dynasties sont passées à Dunhuang, mais l'excavation a continué jusqu'à ce que quelque 500 cavernes, contenant quelque 2400 statues d'argile peintes et 45 000 mètres carrés de peintures murales, aient été creusées. Cet enregistrement des cultures et des styles a cessé pendant les années tumultueuses de la chute de l'Empire Yuan lorsque le Musulman Tamerlan menaçait d'envahir la Chine. Après cela, les cavernes de Mogao ont été laissées à l'abandon pendant les dynasties Ming et Qing, et sont tombées dans l'oubli jusqu'à ce qu'elles soient redécouvertes et systématiquement pillées par les archéologues Anglais, Français, Américains, Japonais et Russes au début du siècle.
J'étais content de m'éloigner des deux sorcières qui ont gâché ma visite aux cavernes et de me relaxer à coté de la belle Source du Croissant de Lune où j'ai causé avec une gentille dame japonaise visitant la Chine avec son mari et ses deux enfants adolescents.
Il y avait d'autres touristes à la Source du Croissant de Lune mais ils m'ont semblé bien se comporter. Certains sont partis faire du toboggan dans les dunes de sable et d'autres se sont soumis à l'autorité des chameliers.
Tard dans l'après-midi les couleurs se sont rehaussées et les ombres se sont allongés longtemps avant le coucher du soleil, sculptant les dunes en des formes fantastiques près de la Source du Croissant de Lune.