Voici la gare où je suis arrivé après avoir pris le train de nuit en provenance de Datong. J’ai dû partager un wagon-lit de 6 couchettes avec deux hommes et deux filles qui m’ont royalement ignoré, à tel point que j’ai pensé qu’ils m’étaient inamicaux, voire même hostiles. Je me suis senti un peu peiné, ne sachant que faire, parce que, généralement, des gens qui me sont complètement étrangers me feraient un sourire ou un signe de la tête en pareille circonstance. C'est ainsi que je me suis alors retiré dans ma coquille, me tenant hors de leur chemin, et j’ai lu aussi longtemps que j’ai pu avec ma torche jusqu'à ce que le sommeil m’emporte. En approchant de Xi’an le lendemain matin, l’une des filles rougit brusquement et me dit bonjour. C’est seulement à ce moment-là que je me suis vraiment rendu compte que leur attitude froide aurait pu être causée par un embarras extrême de dormir en présence d’un étranger. Ce fut une expérience étrange qui m’obligea à méditer sur les profondes différences culturelles qu’il y a entre l’Est et l’Ouest.
J'ai déposé mon sac à dos à l’hôtel "Flats of Renmin" et entrepris d’explorer la plus vieille et la plus célèbre des capitales, Chang’an, aujourd'hui appelée Xi’an, le point de départ de la légendaire Route de la Soie vers l’Ouest.
C’est dans le bassin fertile du Fleuve Jaune que les ancêtres des Chinois ont d’abord développé les structures sociales qui ont rendu l’agriculture et la vie sédentaire possibles. Les fouilles archéologiques à Bampo, sur les bords du Xi’an moderne ont mis à jour les vestiges d’un village néolithique datant de 4500 ans av. J-C. Les chroniques chinoises parlent d'une "cité bien arrosée" sur ce site au début de la légendaire dynastie Xia (2200 - 1700 av. J-C). Des fouilles plus profondes dans le Fleuve Jaune ont permis de découvrir des cités de la dynastie Shang (1700 - 1100 av. J-C) à Zheng Zhou et Anyang avec ses armes, ornements et vases en bronze caractéristiques.
Fenghao, l’une des capitales de la dynastie Zhou (1100 - 221 av. J-C) qui remplaça celle des Shang, se trouvait à seulement 15 km au sud-ouest de l’actuel Xi’an. Xien Yang, la capitale de la dynastie Qin qui ne régna que très peu de temps (221 - 207 av. J-C), se trouvait à 12 km à l’ouest d’ici, et la grande dynastie Han construisit sa capitale juste au nord de l’actuelle cité. Après les quatre siècles de tumulte et de désunion qui ont suivi la chute de la dynastie Han, la Chine fut réunifiée à nouveau sous la dynastie Sui qui a construit la célèbre Chang’an sur ce site. Sous la dynastie Tang qui suivit (618 - 907 av. J-C), Chang’an devint la plus grande cité d’Asie, sinon du monde. Sa population atteignit deux millions au VIIIè siècle! La région de Xi'an et de Luoyang demeura le cœur de la Chine jusqu'à ce que la dynastie Song (960 - 1279) déplace la capitale à Kaifeng, à l’Est, dans un premier temps, au Xè siècle, puis à Hangzhou, sur la côte méridionale, au XIIè siècle.
Cette grande Entrée Nord fut construite beaucoup plus tard par la dynastie Ming (1368 - 1644), mais la disposition des fortifications et le tracé des rues de Xi'an datent de l’époque glorieuse des Tang. Il est intéressant de noter que les multiples petites fenêtres de la tour furent conçues pour permettre à des centaines d’archers et d'arbalétriers de défendre le portail.
La traditionnelle "Tour des Tambours" a été construite près du centre de la cité, également au début de la dynastie Ming.
En tant que centre du monde civilisé, la grande Chang’an Tang était tolérante et cosmopolite. Les influences extérieures étaient bien accueillies, les Tang entretenaient des communautés importantes de Zoroastriens, de Manichéens et de Mazdéens Persans, de Chrétiens Nestoriens de Syrie, et plus tard de Musulmans de l’Asie centrale.
Tandis que les autres communautés perdaient en importance, de nombreux musulmans Hui pénétrèrent par grandes vagues en provenance des extensions Ouest de l’empire. Ils s’installèrent dans un quartier qui leur était propre au Nord-Ouest de la "Tour des Tambours", de la même manière que les Chinois ont coutume de se regrouper dans les "chinatowns" des villes occidentales.
Il y a eu une mosquée sur ce site dans le centre du quartier musulman depuis le VIIIè siècle. Le tracé de l’actuelle grande mosquée date de la dynastie Ming (1368 - 1644), mais le portail principal et les autres immeubles en bois qui existent aujourd’hui sont probablement vieux de moins d'une centaine d’années.
Le portail et les jardins de la Grande Mosquée sont totalement chinois, mais ce site a été un lieu de culte activement fréquenté par la minorité musulmane presque sans interruption pendant onze siècles.
Les visiteurs peuvent se promener dans les jardins, mais seuls les musulmans sont autorisés à entrer dans la salle de prière qui ressemble moins à un temple chinois et plus à une mosquée.
La traditionnelle "Tour des Cloches" marque le centre de Xi’an où les rues Nord, Est, Sud et Ouest se croisent. La tour originale, construite par les Ming, a été reconstruite par les Qing au XVIIIè siècle et sérieusement restaurée il y a de cela une décennie.
La perle la plus réputée de cette région historique est probablement la prodigieuse "Armée de Terracotta" enfouie au IIIè siècle av. J-C pour garder le mausolée de l’empereur Qin Shihuang. Son sommeil n'a pas été perturbé pendant plus de vingt deux siècles, jusqu'à ce que des paysans qui creusaient un puits ne la découvrent accidentellement en 1974. Le mausolée dont la construction a semble-t-il mobilisé 700.000 ouvriers pendant 36 ans, n'a pas encore été ouvert!
D’habitude, les visites organisées ne m’intéressent pas mais j’ai dû rejoindre un groupe car c’était la façon la plus pratique de visiter l'Armée de Terracotta et le village néolithique de Bampo, qui sont tous deux à une certaine distance de la ville. Les deux sites sont impressionnants et valent la peine d’être visités, mais il est interdit d’y prendre des photos. Mon groupe était tellement surveillé que je n’ai pas pu prendre une seule pose à la sauvette. Évidemment, j’ai acheté une pile de cartes postales (puisque c'était le but recherché), mais vous devrez vous en passer, car je ne peux me résoudre à numériser les photos de quelqu’un d’autre pour mon site.
Sur le chemin du retour, je suis descendu tôt du bus pour prendre cette pose de ce que je pense être l'entrée Est de Xi’an. S’il vous plaît, si quelqu’un reconnaît cet endroit, qu’il me le dise par courriel.
Après avoir visité Xi’an tout seul pendant trois jours, j’ai finalement rencontré mes contacts Internet, Hua Feng et Liu Chunming. Ils avaient été très occupés par leurs examens jusqu'alors. Ici, nous sommes en train de descendre une bière au "Mom’s Cafe", de l’autre côté de la rue des "Appartements du Peuple" (Renmin Flats) sur Fenghe Lu.
Un an auparavant, je n'arrivais pas à dormir un de ces soirs et, à trois heures du matin, je me suis mis à jouer avec le logiciel Internet Phone 4 que je venais d'acquérir. C'est comme ça que j’ai eu mes premiers contacts avec Hua Feng. Le son était mauvais et nous nous sommes rabattus sur le mode "Chat" pendant un moment. Après, nous avons maintenu le contact par courriel en attendant notre première rencontre (que vous voyez ici). C’est cette expérience qui m’a donné l’idée de chercher des contacts sur l’Internet avant d'entreprendre un voyage. Maintenant, je le fais tout le temps et je dois avouer que la différence est de taille...
Hua Feng et Liu Chunming faisaient tous deux des études post-universitaires sur la théorie du traitement des signaux à la Northwestern Polytechnic University. Les examens finis, ils prirent deux jours de congé pour me faire découvrir la ville. Ils m’amènent ici visiter le musée d'histoire de la province de Shaanxi que j’ai trouvé fascinant, mais où je n’ai pas pu prendre de photos.
Nous avons visité beaucoup d’endroits dont la célèbre "Pagode de la Grande Oie" à l'autre bout de Yanta Lu, au sud de la ville. La pagode originelle fut construite au VIIè siècle par l’empereur Tang Gao Zhong de la dynastie Tang pour abriter les écritures saintes bouddhistes. Ces écritures avaient été ramenées d’Inde à pied par le moine Xuan Zang qui les a ensuite traduites en Chinois. La pagode originelle de terre battue s’est écroulée à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu’on la reconstruise en pierres sous la dynastie Ming.
C’est à juste titre que Hua Feng et Liu Chunming ont été fiers de me montrer la Northwestern Polytechnic University dont cette bibliothèque est l'une des extensions financées par les dons des chinois de l’étranger. Ce fut une très intéressante et chaleureuse visite. On m’a accueilli comme un vieil ami dans les laboratoires où j’ai fait la connaissance de quelques uns de leurs collègues ainsi que celle du père de Hua Feng, un savant qui enseigne aussi dans cette université.
Ce soir-là, le père de Hua Feng, Dr Huang Yong Kang, a préparé le dîner pour nous. Dr Huang ne parle pas anglais mais cela n’a nullement refroidit son hospitalité. J’avoue que c’est un excellent cuisinier. Le banquet, comprenant six mets différents, qu’il prépara lui-même a été mémorable. De gauche à droite: Xie Ning, la belle-sœur de Hua Feng, Hua Feng, moi, le père de Hua Feng, Qin Xiao Qun, la femme de Hua Feng, et Liu Chunming, l’ami de Hua Feng (c'est un voisin qui est venu nous faire la photo).
Nous sommes encore sortis ensemble dans l’après-midi de mon dernier jour pour visiter le joli parc du Palais de Xingqing à l’Est des murs de la vieille ville.
Le parc de Xingqing est semble-t-il le site des jardins qui entourent le Palais des Empereurs de la dynastie Tang, mais ce palais n’est certainement pas si vieux que ça. Quelque soit son âge, le parc est l'endroit idéal pour se promener avec de bons amis comme on le voit sur ces photos.
J’ai passé un merveilleux après-midi à visiter le parc de Xingqing avec mes amis Nancy, Hua Feng, sa femme et Liu Chunming. Ensuite, nous sommes allés dans un restaurant sur la rue Est pour dîner, et ils m’ont tous accompagné à la gare où j'ai pris le train de nuit pour Lanzhou. J’ai été beaucoup marqué par leur gentillesse à mon égard.