Capitale: Hanga Roa
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Tout petit, j'avais vu des images des mystérieux "moai" de l'île de Pâques dans les "National Geographic Magazine" que mon père collectionnait. D'ailleurs, c'est probablement dans cette collection que j'ai attrapé le virus du voyage, bien avant d'apprendre à lire. Quoiqu'il en soit, j'ai toujours rêvé de voir et toucher ces témoins silencieux d'une civilisation disparue. Eh bien, maintenant c'est fait, j'ai vu, j'ai touché et je me suis laissé rêver au peuple Rapa Nui qui les a érigés avec seulement des outils de l'âge de pierre! On sait peu de choses sur les Rapa Nui, sauf qu'ils seraient probablement arrivés ici aux environs de l'an 400 de notre ère, en provenance des Îles Marquises, au nord de la Polynésie Française. Complètement isolés de leurs voisins (3700k de l'Amérique et 4000k de Tahiti), ils ont développé une forme originale d'écriture, le rongorongo que nous n'avons pas encore pu déchiffrer, ainsi que leur propre religion. À partir du 10ieme siècle, ils exprimèrent le culte de leurs ancêtres en érigeant ces "moai" géants sur des plates-formes sacrées appelées"ahu". cette civilisation mystérieuse a atteint son apogée au début du 17ième siècle alors que la petite île supportait une énorme population de 15 000 habitants. Ensuite, probablement à cause de cette forte pression démographique, elle s'est abîmée dans une série de guerres inter-tribales à la fin du 17ième et au 18ième, au cours desquelles tous les moai furent renversés et la structure sociale de l'île détruite. Ce qui restait de l'ancienne culture Rapa nui a complètement disparu suite à l'assaut des esclavagistes péruviens et des missionnaires catholiques français au 19ième siècle. Le Chili, fort de sa victoire sur la Bolivie et le Pérou dans la guerre du Pacifique, s'est approprié de l'île en 1888 mais il ne s'en est pas vraiment occupé avant 1953. Aujourd'hui, plus du tiers des 3600 insulaires sont des "continentales" au service de l'État chilien et les autres sont fortement métissés. Il ne reste plus de purs Rapa nui et leur ancienne culture est disparue sous le rouleau compresseur de la globalisation des médias, de l'internet et des marchés. D`aucuns rêvent encore d`indépendance tout en sachant que ce n'est pas possible car l'île vit des apports du gouvernement Chilien et du tourisme quand ça va bien, ce qui n'est pas le cas présentement. La théorie de Thor Heyerdahl selon laquelle les Rapa nui seraient originaires d'Amérique du Sud est maintenant complètement discréditée et l'aura de mystère autour de leur ancienne religion, de leur écriture et des moai reste entière. Ce mystère, le climat agréable et les gens sympathiques de l`île en font une destination de choix pour les touristes. |
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Nous étions seulement quelques touristes à descendre de l'avion à l'aéroport de Mataveri cet hiver à cause de la forte baisse dans le transport aérien suite aux événements du 11 septembre. Après avoir traversé les douanes, nous avons été envahis par une foule de représentants d' hôtel et de chauffeurs de taxis qui voulaient nous aider à trouver des gîtes dans la capitale Hanga Roa, tout près. (Hanga = baie).
Les temps étaient durs parce que les seuls revenus de l'île proviennent du tourisme et des salaires payés aux employés du gouvernement chilien.
L'île est plutôt dénudée mais il y a quelques magnifiques paysages le long du rivage. Les pavillons au toit vert sur la gauche font partie du luxueux Hanga Roa Hotel et ceux à toit rouge abritent les bureaux de la garde côtière.
L'île a déjà été couverte de grandes forêts d'arbres "toromiro" qui furent abattus par les Rapa nui pour construire les échafaudages et les rouleaux nécessaires au transport de leurs moai à l'apogée de leur frénétique période de construction au début du 17e siècle.
L'hôtel Hanga Roa était trop cher alors je me suis installé au Ana Rapu Inn où j'ai loué l'unité de gauche pour 14 $US.
Voici une vue de la côte à partir de la route près du Ana Rapu Inn.
Le Ana Rapu était correct mais trop isolé, alors j'ai déménagé à la pension de famille Tekena en plein centre de Hanga Roa (11 $US). Elle était gérée par une sympathique famille Rapa nui qui vivait à droite et louait les unités à gauche.
Hanga Roa est une petite ville tranquille où habitent la plupart des gens de l'île. L'édifice arborant le drapeau chilien est le siège du gouvernement régional.
La religion prédominante est le catholicisme et voici l'église de l'Immaculée Conception.
voici le musée Sebastian Englebert dans le quartier "Tahai" au nord de Hanga Roa.
Les trois plates-formes sacrées ou "Ahus", Ahu Taha, Ahu Vai Uri et Ahu Kote Riku du site Tahai ont été considérablement restaurées pour montrer à quoi devaient ressembler les moai avant leur destruction il y a de cela plus de deux siècles.
La maison-grotte "Hare Paenga" réservée aux prêtres sur le site Tahai a aussi été reconstruite.
Le site archéologique Ahu Akivi, au centre de l'île, fut restauré en 1960. On dit que ces moai représentent les sept premiers explorateurs qui découvrirent l'île en suivant les ordres du légendaire roi Hotu Matu'a
Les croyances particulières de la religion Rapa nui se sont développées à partir des anciennes religions polynésiennes d e la même façon que les religions musulmanes et catholiques évoluèrent à partir de la religion hébraïque dont l'unique Dieu Yaveh fut probablement inspiré par le culte monothéiste égyptien au roi-soleil Aton. (Le monothéisme fut imposé aux Égyptiens au 14e siècle av JC par le 4e pharaon de la 18e dynastie, Ankh-en-Aton, un peu avant l'exode des Hébreux de l'Égypte. Le monothéisme demeura la religion d'État en Égypte pendant seulement peu de temps parce qu'il était contraire aux intérêts de la puissante classe des prêtres qui faisaient la promotion de la multitude des anciens dieux.)
Les moai représentaient les rois, les chefs et les guerriers décédés des tribus qui les avaient érigés sur l'ahu de leur village. Ces figures ancestrales étaient sensées préserver la "mana" (force spirituelle de vie) de tous les anciens grands héros de la tribu. Ils étaient érigés principalement le long de la côte regardant à l'intérieur vers les villages qu'ils étaient sensés protéger. Les Rapa nui croyaient que les tribus qui possédaient les plus gros et le plus grand nombre de moai accumuleraient le plus de mana et domineraient ainsi les autres tribus de l'île (il y avait 12 tribus en compétition).
Plusieurs autres sociétés polynésiennes sculptèrent aussi des figures ancestrales nommées "Tiki" mais c'est seulement ici à l'île de Pâques que cette pratique prit une importance tellement prédominante. On peut aussi retracer le concept de la "mana" dans les religions polynésiennes.
La pierre volcanique à partir de laquelle furent sculptés tous les moai provenait de ce volcan Rano Raraku.
Ci-dessous, un moai relativement petit à gauche et à droite, plusieurs autres érigés sur les pentes du Rano Raraku.
D'autres moai debout sur les pentes du Rano Raraku. Il ne faut pas oublier que tous les moai debout ont été relevés relativement récemment car tous les moai de l'île avaient été renversés avant le 18e siècle.
Le dispersement désordonné des moai sur le Rano Raraku indique sans doute qu'on était en train de les transporter vers quelque ahu de village et qu'on les a abandonnés à cause de la guerre.
En voici un beau gros abandonné sur le chemin de l'ahu auquel il était destiné.
Personne ne sait exactement ce qui est arrivé ni quand mais l'histoire la plus plausible serait que la compétition entre les 12 tribus fut relativement paisible tant et aussi longtemps que le bois d'oeuvre nécessaire au transport et à l'érection des moai fut abondant.
Le site Ahu Hanga Tee est situé sur la côte sud-est de l'île. Les 8 moai autrefois debout sur la plate-forme près de Tee Bay (Hanga) furent laissés là où ils tombèrent il y a plus de 200 ans.
Lorsque l'érection de plus gros moai devint de plus en plus difficile à cause du manque de bois d'oeuvre, la manière la plus facile pour un village de gagner la supériorité était de dérober la mana du voisin en renversant ses moai tout en protégeant les siens.
Les grosses pierres rouges cylindriques que l'on voit à droite étaient à l'origine sur la tête de quelques-uns de ces moai avant qu'ils ne soient renversés. Elles peuvent ressembler à des chapeaux mais en réalité elles étaient sensées représenter des chignons nommés pukao que seulement les nobles de naissance avaient le droit de porter.
Quelques-unes des plates-formes montrent une maçonnerie sans ciment remarquablement raffinée dont la ressemblance avec le travail de pierre des Incas pourrait avoir inspiré la théorie de Thor Heyderdahl de migrations océaniques en provenance de l'Amérique du Sud.
Toutefois le lien entre les deux est manifestement faux car les premiers ahu furent construits plusieurs siècles avant la période inca. De plus, le concept d'une plate-forme de pierre basse servant de lieu sacré peut être relié aux "marae" polynésiens mais n'a aucun équivalent dans l'architecture inca.
La roche volcanique gris foncé des moai provenait de Rano Raraku et la pierre rouge utilisée pour façonner les pukao venait de cette carrière sur Puna Pau.
voici un gros-plan d'un pukao montrant la fente prévue pour l'ajuster sur la tête de quelque noble moai.
L'Ahu Akahanga, situé sur la côte sud-est, a une grande signification car Hotu Matu'a le premier roi légendaire de l'île est sensé y être enterré.
Ce ahu de 18 mètres de long par 3,25 mètres de large soutenait 13 moai qui ont tous été renversés, dont quelques-uns furent délibérément endommagés.
Cette vue du côté de la mer montre que la maçonnerie des ahu ne rencontrait pas toute les mêmes standards exigeants.
Ce site est situé sur la côte nord de l'île. On estime que ce moai renversé de 11 mètres pèse 80 tonnes. C'est le plus gros qui ait été transporté et érigé avec succès.
L'ahu Tongariki, non loin de Rano Raraku, a été complètement restauré entre 1955 et 1996 par des archéologues chiliens grâce au support financier du Japon. Avec ses 15 moai alignées sur une plate-forme de 200 mètres c'est le plus gros de l'île.
Finalement, voici l'ahu Nau Nau, situé sur la plage Anakena. Il a été restauré en 1980 par l'archéologue Rapa nui, Sergio Rapu Haoa.
Selon le récit verbal de l'histoire des Rapa nui c'est ici sur la plage Anakena que les premiers hommes débarquèrent après leur long voyage en mer depuis îles Marquises autour de 400 AD.
D'autres aspects des Rapa nui qui méritent d'être examinés comprennent les manuscrits Rongo Rongo qui n'ont pas encore été déchiffrés, le culte des hommes-oiseaux annuels qui succéda à celui des moai et les mythes autour de "Te Pito Te Henua", cette grosse pierre parfaitement ronde que les Rapa nui croyaient être le nombril de la terre ou, en autres mots, le centre de l'univers.
Mon escapade de l'hiver 2002 était terminée et il était temps de retourner à l'environnement familier de la maison et de mes amis à Montréal.
La paisible plage Anakena était l'image parfaite à rapporter avec moi pour me souvenir des magnifiques et distantes îles du Pacifique.