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Les guerres d'Amérique du Sud

 

Ces quelques notes ont pour objet de donner un aperçu historique sur les événements qui ont façonné les peuples que j'ai rencontrés dans les pays que j'ai visités en Amérique du Sud.

 

Les guerres d'indépendance (1806 - 1826)

A la fin du 18ième siècle, le gâteau Sud Américain était partagé entre le Portugal qui gouvernait son territoire à partir de Rio de Janeiro et l'Espagne dont les possessions étaient réparties entre les trois vice-royautés de la Nouvelle Grenade (Bogotá), de Lima et de Rio de la Plata (Buenos Aires). Le pouvoir restait dans les mains d'une petite élite née en Europe malgré les plaintes d'un nombre croissant de colons nés en Amérique qui ayant fait fortune comme propriétaires terriens et commerçants, toléraient mal leur statut inférieur de "criollos". Les colonies étaient autorisées à faire affaire seulement avec leurs puissances européennes respectives, lesquelles taxaient toutes les exportations et importations.

Il soufflait un vent de changement où la science et la raison défiaient les monarchies, l'église et les distinctions sociales. La Révolution Américaine (1775 - 1783) et la Révolution Française (1789 - 1799) fournissaient un exemple aux Criollos frustrés. En Europe, les guerres napoléoniennes avaient affaibli le pouvoir de l'Espagne sur ses colonies américaines et forcé la cour portugaise à s'enfuir au Brésil.

 

L'indépendance dans l'Est

Après que les Français eurent été chassés du Portugal, la famille royale choisit de rester au Brésil qui est devenu en 1815 un royaume tout comme le Portugal. Le roi Joao VI a dirigé les deux pays à partir de Rio de Janeiro jusqu'à son retour au Portugal en 1822, laissant ainsi son fils Pedro gouverner le Brésil. Quand les Portugais ont essayé de reprendre le pouvoir, Pedro a refusé et a déclaré l'indépendance du Brésil en septembre 1822. Le Brésil est resté une monarchie jusqu'en 1889. Le Brésil a eu la chance d'avoir un roi pour défendre son indépendance. Hormis la révolution de Pernambuco qui a duré 3 mois en 1817, il est devenu libre sans subir l'épreuve des guerres désastreuses que les autres colonies portugaises ont dû traverser un siècle et demi plus tard.

 

L'indépendance dans le Sud

En 1806 un escadron naval britannique a attaqué Buenos Aires et l'a prise sans trop de résistance de la part des forces coloniales espagnoles. Quelques mois plus tard, une milice de Porteños volontaires (gens de Buenos Aires), a chassé les envahisseurs et empêché une reprise par des renforts britanniques. Quand l'Espagne est tombée face à Napoléon en 1810, les Criollos éminents de Buenos Aires ont, avec l'appui de cette milice, forcé le dernier vice-roi espagnol à rendre le pouvoir à une junte locale. L'Espagne a tenté de reprendre la vice-royauté en bloquant l'estuaire et en envoyant une armée à partir du Pérou, mais elle a été sévèrement battue par les forces de Buenos Aires qui ont alors entrepris de répandre la cause de l'indépendance.

La centralisation du pouvoir a cependant été contestée par les autres provinces qui ont résisté à la domination par les commerçants de Buenos Aires qui espéraient maintenir leur monopole sur le commerce. En 1815, de l'autre coté du fleuve de Buenos Aires, Montevideo et ses environs s'est déclarée être un "État de l'Est" séparé (le futur Uruguay) sous la direction de  José Gervasio Artigas  appuyé par une armée de gauchos. Au nord-ouest, G aspar Rodriguez de Francia, "El Supremo" , a pris le contrôle d'Asunción en 1814. Il a résisté aux forces de Buenos Aires et a entrepris de développer le Paraguay dans un isolement complet. Des intérêts divergents et un ressentiment persistant envers la capitale vice-royale ont conduit certaines régions à poursuivre des destins séparés. L'assemblée qui a finalement proclamé l'indépendance en 1816 n'a reçu aucun délégation de plusieurs provinces, bien qu'elle eut lieu hors de Buenos Aires, dans la ville intérieure de Tucumán.

Dans le Haut Pérou, certaines forces de Buenos Aires ont d'abord connu des victoires mais elles se sont bientôt retirées, laissant la lutte aux les mains des Criollos et Mestizos locaux et des guérillas indiennes. D'autres forces indépendantistes du sud ont eu plus de succès sur la côte Pacifique. En 1817 le Général Criollo  José de San Martin  a traversé les Andes avec 5000 hommes et a pris Santiago avec l'aide de patriotes Chiliens conduits par  Bernardo O'Higgins  qui devint le premier président du Chili. Après s'être assuré de la prédominance navale grâce à l'assistance financière britannique et nord américaine, les forces de San Martin ont acquît le contrôle la côte et pris Lima en 1821. Le clergé et plusieurs Criollos qui avaient profité des monopoles coloniaux n'étaient cependant pas favorables à la rupture avec l'Espagne et San Martin ne fut pas en mesure de surmonter la résistance loyaliste dans les hautes terres. Cela a du attendre l'intervention des armées de libération venues du Nord.

 

L'indépendance dans le Nord

La lutte pour l'indépendance fut beaucoup plus difficile dans le Nord que dans le Sud. Il y avait aussi beaucoup plus d'enjeux. Après la première tentative du révolutionnaire Francisco de Miranda, il a fallu encore quatre ans aux Criollos de la vice-royauté de la Nouvelle Grenade pour mettre en place des gouvernements révolutionnaires qui ont proclamé des réformes sociales et économiques en 1810 et ont déclaré la rupture avec l'Espagne l'année suivante. Les forces loyales à l'Espagne ont combattu les rebelles dès le début. Les patriotes rebelles, conduits par Simon Bolívar, ont tenu la capitale Caracas et ses environs mais n'ont pas pu contrôler une grande partie de la campagne.

Les propriétaires fonciers et le clergé ont réagi avec méfiance par une opposition ouverte. En 1812 les forces loyalistes ont écrasé les rebelles et poussé Bolívar à l'exil, mais il est vite revenu avec une nouvelle armée en 1813 et la bataille est entrée dans une phase violente de "guerre à mort". Le loyaliste José Tomas Boves et ses llaneros (cow-boys) ont une fois de plus repoussé Bolívar hors de son pays en 1815 et une grande expédition militaire envoyée par Ferdinand VII a reconquis le Vénézuéla et la majeure partie de la Nouvelle Grenade. En 1816, une autre invasion conduite par Bolívar a lamentablement échoué mais l'année suivante un mouvement d'indépendance agrandi et revigoré a émergé qui a finalement gagné la bataille dans le Nord.

Un groupe multiracial de llaneros conduit par  José Antonio Páez  et le recrutement de mercenaires Britanniques ont été déterminants pour les victoires militaires des patriotes. Après avoir entraîné son armée jusqu'au pied des Andes orientales, Bolívar a infligé une écrasante défaite à ses ennemis à la bataille de Boyacá en août 1819. En décembre de la même année, le "Libertador" est entré à Bogotá et a proclamé l'indépendance de la République de Grande Colombie qui comprenait le Vénézuéla, la Colombie et l'Équateur. D'autres campagnes militaires ont libéré la Nouvelle Grenade et le Vénézuéla et une assemblée constituante tenue à Cúcuta en 1821 a choisi Bolívar comme président d'une Grande Colombie centralisée. Bolívar a laissé Santander diriger le pays et a marché sur l'Équateur pour soutenir son aspiration à l'indépendance qui ne sera acquise que deux ans plus tard quand le  Maréchal Antonio José de Sucre  eut vaincu les royalistes à la bataille de Pichincha près de Quito en mai 1822.

Les deux grands héros de l'indépendance de l'Amérique du Sud, San Martin et Bolívar eurent alors un tête-à-tête dans une rencontre privée le 26 juillet 1822 à Guayaquil en Équateur. Ce qui a été dit est resté secret, mais après cela, San Martin est allé s'installer en France laissant Bolívar et Sucre se charger de terminer la libération du Pérou et de la Bolivie.

Quand les Espagnols ont menacé de reprendre les terres que San Martin avait libérées, Bolívar a répondu aux appels des Criollos péruviens en conduisant ses forces à la victoire à Lima et en envoyant ses lieutenants conquérir les hauts plateaux du Pérou et du "Haut Pérou", lequel fut nommées Bolivie en son honneur. La dernière grande bataille des guerres d'indépendance a été gagnée en 1824 à Ayacucho dans les hautes terres péruviennes par le vénézuélien Sucre. En l'espace de deux ans, les combattants de l'indépendance eurent raison des dernières résistances loyalistes et l'Amérique du sud fut libérée du contrôle Espagnol.

 

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La Guerre du Paraguay (1864 - 1870)

Lorsque l'Argentine a proclamé son indépendance vis-à-vis de l'Espagne en 1810, le Paraguay a refusé de se joindre à elle et a proclamé sa propre indépendance le 14 mai 1811. Trois ans plus tard,  José Gaspar Rodriiguez Francia  s'est érigé en dictateur, s'est fait appeler "El Supremo" et a gouverné dans l'absolutisme jusqu'à sa mort en 1840. La figure politique marquante en ce temps était son neveu  Carlos Antonio López  qui est devenu président et dictateur de 1844 jusqu'à sa mort en 1862. Sa succession a été prise par son fils,  Francisco Solano López  qui, cherchant à bâtir un empire, a conduit le pays dans une guerre contre une alliance de l'Argentine, du Brésil, et de l'Uruguay. La guerre a dévasté le Paraguay et quand la mort de López a mis fin au conflit en 1870, plus de la moitié de la population avait été tuée, l'économie avait été détruite, l'agriculture était stagnante et le pays avait perdu plus de 142500 km carrés (55000 miles carrés). Le pays fut occupé par une armée brésilienne jusqu'en 1876 et a dû payer de lourdes indemnités de guerre.

 

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La Guerre du Pacifique (1879 - 1884)

En 1874, la Bolivie et le Chili ont signé un traité reconnaissant la souveraineté de la Bolivie sur le désert de l'Atacama, mais exemptant les compagnies de nitrate du Chili de payer de nouveaux impôts avant 25 ans. Quand la Bolivie a demandé un nouvel impôt en 1878, le Chili a occupé le port d'Antofagasta et la Bolivie a déclaré la guerre avec l'appui du Pérou. La marine chilienne a gagné une bataille décisive au cap Angamos en 1879, et son armée a suivi en prenant Tacna et Arica en 1880. La Bolivie s'est retirée de la guerre mais le Chili l'a poursuivie jusqu'à occuper Lima forçant le gouvernement péruvien à se déplacer dans les hauts plateaux. Après deux ans d'occupation, le Pérou a accepté les conditions de paix du Chili par le traité d'Ancón d'octobre 1883 qui cédait au Chili les provinces de Tarapacá, de Tacna et d'Arica, à condition qu'un référendum soit tenu dans les 10 ans. A la suite d'un traité signé en 1884, la Bolivie a cédé sa province de l'Atacama au Chili et est devenue enclavée. Le référendum n'a jamais eu lieu mais un traité a finalement été conclu et subséquemment ratifié en 1929, donnant Tacna au Pérou et Arica au Chili, ce dernier acceptant de payer au Pérou une indemnité 6 millions de dollars.

 

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La Guerre du Chaco (1932 - 1935)

A partir de 1906, la Bolivie a commencé à construire des petits forts dans la plaine du Chaco, grignotant progressivement ce que le Paraguay considérait être son territoire. Le Paraguay a riposté en construisant ses propres forts et a encouragé l'installation de colonies de Mennonites dans la zone pour soutenir ses revendications dans les années 1920. La découverte de pétrole dans les basses terres Boliviennes et l'intervention alléguée de compagnies pétrolières américaines conduisirent à une guerre ouverte en 1932. L'armée bolivienne, plus importante et mieux entraînée, a initialement pris l'avantage mais les boliviens, habitués au climat la montagne, ont eu de la peine à opérer dans le climat chaud et sec des plaines du Chaco. De meilleures tactiques, la connaissance du terrain et des combats acharnés ont permis aux Paraguayens de prendre le contrôle de la plus grande partie de la zone en 1935. Une trêve a été conclue et un traité final a été signé en 1938, donnant au Paraguay les trois quarts de la région et le reste à la Bolivie. Près de 50000 Boliviens et 35000 Paraguayens ont trouvé la mort dans cette guerre.

 

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La Violencia (1948 - 1957)

L'objectif de Bolívar de réunir le Vénézuéla, la Colombie et l'Équateur dans la république centralisée de Grande Colombie qu'il avait proclamée à Cucuta en 1821 ne s'est pas matérialisé car le Vénézuéla a fait sécession en 1829 et l'Équateur a suivi de près en 1830. Cet éclatement traduisait des disparités régionales mais il a été causé surtout par le profond conflit entre les visions politiques divergentes des Conservateurs et des Libéraux dans les colonies espagnoles. Suivant la tradition absolutiste espagnole, les Conservateurs pro-clergé souhaitaient un gouvernement central autoritaire, ce qui était inacceptable pour les Libéraux anticléricaux qui, attirés par les idées nouvelles sur les "les droits de l'homme" et sur la séparation de l'Église et de l'État mises en valeur par les révolutions française et américaine, auraient probablement accepté une fédération souple si cela avait été proposé.

La lutte entre Conservateurs inflexibles défendant farouchement des privilèges "donnés par Dieu", et les Libéraux souhaitant ardemment le changement est un héritage culturel commun à toutes les ex-colonies espagnoles, mais elle a atteint sa plus violente expression en Colombie à la fin du 19ième siècle et juste après la Seconde Guerre Mondiale.

La Colombie a subi 8 guerres civiles ravageuses au 19ième siècle, le pouvoir passant d'un parti à l'autre et les constitutions centralistes étant remplacées par des constitutions fédéralistes et vice versa. En 1899 une révolte Libérale contre la constitution centraliste de 1886 est devenue une guerre civile dévastatrice (la Guerre des Mille Jours) gagnée par les Conservateurs en 1902 après avoir fait 100 000 morts. (Quand la proposition des États-Unis de construire un canal a été rejetée en 1903 les États-Unis ont parrainé la sécession de la Province de Panama d'une Colombie affaiblie par la guerre).

Les Conservateurs se sont maintenus au pouvoir pendant les quatre décennies suivantes mais la guerre civile a éclaté de nouveau en 1948 lorsque les Libéraux ont pris les armes après à l'assassinat de l'un de leurs chefs populaires. Cette fois, des guérillas du peuple se sont réfugiées dans les montagnes et se sont alliées aux bandes de guérillas communistes. Les atrocités commises par les deux parties au nom de leurs idéologies respectives ont valu à cette guerre le nom de "La Violencia". Le carnage a coûté 300 000 vies et a duré jusqu'à ce que le dictateur militaire, Rojas, ait forcé les deux côtés à accepter une trêve difficile en 1957.

La trêve entre les membres de la classe politique n'a cependant pas éliminé l'existence de plusieurs guérillas rivales telles que le FARC, l'ELN, l'EPL, le CNG et le M-19. Depuis lors plusieurs trèves et amnisties ont été décrétées et violées et la situation a été encore plus compliquée par l'émergence des commerçants de drogue comme une force armée plus ou moins alliée avec certaines guérillas politiquement motivées. Autrement dit, c'est un terrible gâchis...

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Le Conflit Équateur-Pérou (1941 & 1995 )

Lorsque l'Équateur a quitté la Grande Colombie en 1830 il avait signé avec le Pérou un traité définissant leur frontière commune le long du fleuve Marañon.

En 1941, le Pérou a néanmoins envahi l'Équateur, occupant plus de la moitié de son territoire dans le bassin de l'Amazone après une guerre de 10 jours. Dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale, la paix en Amérique du Sud était essentielle et elle fut assurée par la signature en 1942 du Protocole de Rio de Janeiro qui définissait la frontière en faveur du Pérou. Les U.S.A., le Brésil, le Chili, et l'Argentine ont accepté d'être les garants du traité de paix. L'aviation militaire des U.S.A. a achevé la cartographie et le bornage de la plus grande partie de la frontière en 1947, mais un tronçon de 78 km dans la Cordillera del Cóndor était resté sans bornes.

Des escarmouches ont eu lieu plusieurs fois dans cette zone qu'on croyait avoir des réserves d'or, d'uranium, et de pétrole. La guerre a éclaté de nouveau en janvier 1995 causant des douzaines de pertes et nuisant aux économies des deux pays. Un cessez-le-feu signé à Rio de Janeiro n'a pas été respecté. Un second, signé à Montevideo tient toujours, mais cela n'a pas modéré les intenses sentiments des deux côtés.

 

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