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Enfin, voici ce que je suis venu voir: Le Plus Grand Fleuve du Monde. Le Nil est un peu plus long mais l'Amazone charrie 75 fois plus d'eau.
Les petits bateaux attachés à cet embarcadère servent uniquement les communautés riveraines du fleuve mais des navires hauturiers de jusqu'à 4 000 tonnes peuvent atteindre Iquitos, à 3 700 kms de l'océan Atlantique. Les bateaux allant jusqu'à 3000 tonnes peuvent remonter le courant jusqu'à Pucallpa où la route la plus proche s'arrête, à 800 kms à l'ouest d'ici.
Une centaine de kilomètres en amont d'ici, les fleuves Marañon et Ucayali se rejoignent à Nauta pour devenir le grand Fleuve Amazone. Chacun de ces deux affluents est un grand fleuve en soi. Pour arriver à Nauta, le Marañon aura coulé sur 1800 kms de sa source près de Huánuco à 5800 mètres d'altitude dans les hautes Andes. En Europe il serait énorme, étant 50% plus long que le Rhin. L'Ucayali est même plus long. Il s'étend sur quelques 2600 kms si on inclut son affluent, l'Apurimac qui atteint presque le Lac Titicaca. L'Amazone est alimenté par pas de moins de 17 grands affluents de plus de 1600 kms de long. Le Marañon et l'Ucayali sont seulement deux d'entre eux!
Comme il n'y a pas de route jusqu'à Iquitos, tout doit être acheminé par bateau ou par avion. Par conséquent, le poisson du fleuve, frais ou séché, constitue une partie importante de l'alimentation locale. Il y a beaucoup de variétés, dont certaines n'existent que dans le bassin de l'Amazone, et surtout, il y a en abondance.
La haute ville d'Iquitos, que j'ai montrée sur la dernière page, est un important centre commercial desservant une très grande région, tout le nord-est du Pérou. Les gens d'affaires de la haute ville transforment et exportent les produits locaux, le bois, le caoutchouc, le chiclé, les noix etc. et importent les approvisionnements de toute la région, dont les équipements pour la prospection et la production pétrolière.
La basse ville d'Iquitos est occupée par les plus simples "Caboclos" qui vivent du fleuve dans ces bicoques sur les rives marécageuses du fleuve.
Le terme "Caboclo" n'est pas péjoratif, il veut seulement dire "quelqu'un qui vit des ressources du fleuve". Il n'est pas non plus racial car les Caboclos peuvent être blancs, noirs, indigènes ou métis.
Cette partie d'Iquitos, appelée Belem, ressemble à beaucoup d'autres villages de Caboclos construits un peu partout sur le grand système fluvial de l'Amazone qui draine une partie de la Bolivie, du Pérou, de l'Équateur, de la Colombie et, bien sûr du Brésil.
Il convient de mentionner que le bassin de l'Amazone est le plus grand du monde (6 150 000 kilomètres carrés), bien devant le Congo (3 800 000 kmē) et le Mississippi (3 222 000 kmē).
Le principal port de marchandises d'Iquitos est à Masusa à quelques kilomètres en aval. Les maisons sont bâties sur des échasses pour les protéger des inondations périodiques qui sont si courantes que les trottoirs de la rue principale sont aussi surélevés.
Comme les rues secondaires de Masusa n'ont pas des trottoirs, je suppose que les gens utilisent des canoës pendant les inondations.
Les bateaux de haute mer ne viennent que rarement à Iquitos depuis la perte du commerce international de caoutchouc. Les bateaux fluviaux attachés à ce quai flottant desservent les petites communautés riveraines à l'intérieur du Pérou, depuis la frontière Brésilienne jusqu'au fleuve Ucayali à Pucallpa ainsi que celles situées en amont sur le fleuve Huallaga jusqu'à Yurimaguas. Il n'y a pas d'horaire fixe, les bateaux partent quand ils ont déchargé leurs cargaisons et ont été chargés de nouveau.
Quand le quai flottant est plein, les embarcations fluviales s'amarrent n'importe où sur le rivage. La destination du bateau est écrite à la craie sur un tableau affiché sur la cabine avec l'heure prévue de son départ. Les voyageurs peuvent suspendre leurs hamacs sur les ponts supérieurs, la cargaison et l'équipage occupent les ponts inférieurs. Un magasin d'alcool et quelques bars pourvus de prostituées subviennent aux besoins des équipages et des passagers qui n'ont rien à faire en attendant leur départ. L'ambiance de Masusa peut-être un peu violente quelquefois.
J'avais d'abord penser embarquer sur un de ces bateaux pour le trajet de deux ou trois jours jusqu'à la frontière, mais j'ai finalement décidé de prendre une vedette rapide qui s'y rend en 8 heures, afin de réserver ce genre d'expérience pour la croisière, plus longue, de la frontière à Manaus.
Nous avions été convoqués à embarcadère pour 5:30 du matin de sorte que le bateau puisse partir à six heures. Il faisait encore sombre quand j'y suis arrivé un peu tôt à 5:15, juste pour apprendre que le départ avait été retardé de 24 heures pour permettre à la police d'enquêter sur l'attaque pirate que le bateau avait subie la veille en revenant de la frontière. Des coups de feu avaient été tirés pour arrêter le bateau. Une jeune fille de 11 ans a été touchée à la jambe et un homme de mon âge avait été éraflé par une balle au crâne. Six pirates sont montés à bord, ont fouillé les bagages et ont volé tout le monde. Intéressant...
Les autres voyageurs semblaient contrariés par le retard mais ils n'étaient pas du tout inquiétés de partir le lendemain matin car, comme ils m'ont expliqué, ça n'arriverait pas de nouveau de sitôt car cela n'arrive qu'une fois tous les trois ou quatre mois. En outre, on m'a dit de ne pas me tracasser parce que de telles attaques ont généralement lieu sur le chemin de retour depuis la frontière car les malhechores (malfaiteurs) s'intéressent surtout à la recette de la vente de coca que l'on ramène du Brésil au Pérou. Comme cela semblait tout fait raisonnable donc je ne me suis pas inquiété et j'ai pris le bateau le lendemain matin.
Iquitos est à seulement 150 mètres au-dessus du niveau de la mer, à 3700 kilomètres d'ici, donc il n'y a pas de rapides; le fleuve descend seulement de quatre centimètres par kilomètre. L'Amazone est très calme quand il n'y a pas de vent mais son courant est fort et rapide parce qu'il charrie tellement d'eau. L'écoulement moyen de l'Amazone dans l'Océan est de 190 000 mètres cubes par seconde, cinq fois plus que le Congo et plus de dix fois le débit moyen du Mississippi!
C'était excitant de sentir le pouvoir de ce grand monstre charriant silencieusement chaque jour trois millions de tonnes de sable des Andes à l'océan Atlantique dans ses eaux brunes.
Nous nous sommes arrêtés pour enregistrer notre passage à un avant-poste de la police militaire dans un endroit appelé Pijuayal, juste avant d'atteindre Pebas. J'aurais aimé prendre une photo mais je n'ai pas osé car je sais combien la police péruvienne est chatouilleuse en ce qui concerne les photos. Et aussi parce qu'ils nous surveillaient!
Il y a tellement d'histoires d'horreur sur la police péruvienne qui volent les voyageurs ou qui rançonnent les touristes après avoir trouvé de la drogue introduite subrepticement dans leurs sacs qu'il est sage de les craindre plus que les forbans ou que les bandits du Sendero Luminoso. Je n'ai aucun doute que quelques uns d'entre eux sont honnêtes, mais collectivement ils ont sans conteste un problème d'image.
Moi, j'étais très impressionné de voir ce grand phénomène naturel qu'est l'Amazone mais pour ces enfants de Mairuna c'était aussi banal que leur arrière-cour. En effet, c'était leur arrière-cour.
Nous nous sommes arrêtés à beaucoup d'endroits mais généralement que pour très peu de temps, pour laisser monter ou descendre quelqu'un ou pour livrer quelque chose, ou les deux à la fois comme ici à Caballococha.
Tout le monde est descendu pour subir les formalités de sortie à Santa Rosa, le dernier poste péruvien situé sur une île en face de Leticia en Colombie et de la voisine Tabatinga au Brésil.
Les Caboclos sont des gens très accommodants et bienveillants qui aiment s'amuser. Ils sont réputés aimer la musique. Ils adorent prendre de la bière et danser lors de fêtes bruyantes le dimanche après-midi comme celle-ci (juste devant la bicoque de l'immigration). Ils sont aussi réputés avoir de grandes familles!
