Le temps des Soviets est révolu, mais l'obtention d'un visa Russe était toujours aussi difficile et aussi cher qu'il l'était pendant la guerre froide. J'ai eu la chance d'éviter les griffes gourmandes de l'Intourist en achetant l' invitation requise pour obtenir le visa par l'Internet d'une agence indépendante ici à Irkutsk. Youri Nemirovsky nous a pris à la gare et nous a emmenés à nos pensions de famille respectives. Le lendemain je suis allé me promener en touriste et j'ai rendu visite à Andrew Savchuck, un ingénieur informaticien que j'avais rencontré sur l'Internet.
Ce bâtiment sur la ploshchad (place) Kirova était antérieurement le siège du Parti Communiste et abrite maintenant le Gouvernement l'Oblast (région administrative) d'Irkutsk.
Irkutsk a été fondée en 1651 comme poste avancé Cosaque pour pacifier les tribus indigènes Buriat, Evenk et Yakut et pour développer le commerce des fourrures avec elles. Elle est vite devenu prospère et a attiré des aventuriers, des missionnaires et des scientifiques. Cette Église du Rédempteur a été construite près de la ploshchad Kirova en 1709. Elle est maintenant utilisée comme un musée exposant des animaux empaillés et des vêtements traditionnels d'autrefois.
Irkutsk est devenue un centre culturel très actif au 19ième siècle, surtout après l'arrivée des exilés nobles décembristes. Sa grande Cathédrale de l'Annonciation a été détruite dans les années 30 pour construire le Siège du Parti montré ci-devant. L'Eglise Orthodoxe était alors très puissante et la ville avait beaucoup d'églises dont certaines ont survécu jusqu'à ce jour. L'Eglise de l'Épiphanie, qu'on voit ici, a été construite en 1723, de l'autre coté de la rue de l'Eglise du Rédempteur. C'est maintenant un musée d'icônes.
Irkutsk aussi a un bon musée, un monastère et quelques belles maisons du 19ième siècle, mais je disposais seulement d'une journée, car le lendemain nous allions au Lac Baïkal qui est la vraie raison pour laquelle les gens viennent ici. La veille, me voici, faisant honneur à la broue locale dans le Café du Théâtre avec Elizabeth Hurst, Paul van Granberg, mon ami de l'Internet Andrew Savchuck, André Coffa, Robert Archland et Nicola Barton.
Le bâtiment à gauche abrite L'Institut Limnologique Baïkal (du Grec "limne", signifiant lac). Il a été créé pendant le régime communiste pour étudier la vie marine du lac et son environnement physique. Plusieurs scientifiques hautement qualifiés qui y ont travaillé pendant des années, connaissent maintenant de durs moments, parce que les subventions de l'état à l'Institut ont été sévèrement réduites. Quitter ne serait pas une solution, car déménager ailleurs serait très compliqué et de bons emplois sont, de toutes façons, partout aussi rares.
Le personnel de l'Institut doit travailler à temps partiel à l'extérieur et recevoir des invités payants chez-eux pour survivre. Elizabeth, qui est une géologue, et moi sommes restés chez les Obolkins. Luba Alexandrovna est une microbiologiste et Vladimir Arkadjevitch est spécialisé dans la climatologie. Il est déplorable de voir comment l'effondrement économique de l'empire soviétique a transformé la vie de professionnels comme ceux-ci, d'un confort modeste mais assuré, à une pauvreté précaire. Ils ne sont pas seuls dans cette situation. En fait ils sont mieux que les travailleurs moyens dont beaucoup n'ont pas été payés pendant des mois.
La beauté réputée n'est pas exagérée comme vous pouvez le voir sur cette vue paisible du Port Baïkal de l'autre côté de l'embouchure du Fleuve Angara. C'est vraiment une bouche, car l'Angara est la seule issue du lac, tous les autres fleuves se jettent dans le Baïkal. L'eau que l'Angara tire du lac alimente l'énorme barrage de Bratsk, à 400 kilomètres en aval, avant de faire son chemin vers le fleuve Ienisei, un millier de kilomètre au nord-ouest et se jeter finalement dans l'Océan Arctique, 1600 kilomètres plus au nord.
J'ai vu le Baïkal dans son humeur paisible mais on m'a dit que ses tempêtes peuvent être terribles. Je peux imaginer la beauté de cette vaste étendue quand elle est gelée en hiver. Le Baïkal est unique de plusieurs façons, il est d'une clarté cristalline jusqu'à 40 mètres de fond, il contient un cinquième des eaux douces du monde soit plus que l'ensemble des cinq grands lacs d'Amérique du Nord, et il est le plus profond du monde à 1637 mètres. Le Baïkal est une faille dans la croûte terrestre comme celle du grand fossé tectonique de l'Afrique. Elle a plus de 20 000 ans et continue de s'ouvrir.
Sa flore et sa faune ont évolué dans l'isolement et 80% des espèces n'existent nul part ailleurs. Un endroit vraiment remarquable! On était en mi mai quand j'y suis allé et le temps a été beau pendant deux jours. J'ai beaucoup aimé me promener le long du rivage et visiter le village qui s'étend sur trois ou quatre kilomètres.
Les isbas doubles, triples et quelques fois quadruples, sont préférées en Sibérie, car elles sont plus faciles à chauffer que de plus petites maisons isolées. C'est très logique mais si votre voisin néglige son côté, vous devez vivre avec!
Cette grande isba isolée à quatre fenêtres fait face au lac, comme le duplex de la photo précédente, mais son jardin potager est à l'arrière. Toutes les maisons que j'ai vues avaient un potager qui était quelquefois considérable.
Ce que les sibériens ne cultivent pas, ils l'achètent dans des endroits comme ce "magazin". La plupart sont même plus petits que celui-ci.
Cette jolie petite Eglise Nikolaisky est de loin le bâtiment le mieux entretenu que j'aie vu jusqu'ici en Sibérie. Elle est peut-être même neuve car il y a eu une renaissance de la religion Orthodoxe dans toute la Russie depuis l'effondrement de la religion communiste.
J'ai vu très peu de nouveaux chantiers de construction en Sibérie. D'après sa taille, j'ai pensé que ce nouveau bâtiment sur la colline dominant le pittoresque mais pauvre faubourg de Kristova près de Listvianka, serait un hôtel touristique de luxe, mais on m'a dit que c'était une datcha particulière en construction pour un nouveau riche d'Irkutsk. Personnage très mystérieux, quelques uns ici l'avaient vu passer dans un magnifique quatre roues motrices, mais personne ne semblait savoir qui il était!
J'aime visiter les marchés partout où je vais. Ce sont de bons endroits pour observer les gens. Tout le monde est si occupé à faire ses emplettes qu'ils ne remarquent pas qu'ils sont observés. Ce vieux monsieur raffiné, a regardé et regardé, mais il est finalement parti sans rien acheter. Je me suis demandé pourquoi... Les temps sont durs, et surtout pour les retraités dont les pensions n'ont pas suivi l'inflation.
Il y avait beaucoup de produits sur les étals à l'extérieur mais j'ai remarqué que les gens regardaient bien et comparaient très soigneusement avant d'acheter. Leur façon de faire le marché en dit long. Le produit national brut de la Russie par personne est de 50% supérieur à celui de la Chine, (en termes de pouvoir d'achat), mais il m'a semblé que les acheteurs Chinois avaient beaucoup plus de choix et paraissaient plus à l'aise que les Russes.
Je suis retourné à Irkutsk le vendredi, et Andrew m'a invité à passer le week-end à la datcha de sa famille à Bolchoï Luk, quelques 50 kilomètres à l'est, le long du chemin de fer transsibérien. Cet autorail était plein de gens se serrant dans le couloir quand il avait quitté Irkutsk, tôt le samedi matin.
J'ai été étonné que tant de gens puissent avoir les moyens de posséder une datcha. Quand j'ai exprimé ma surprise et que j'ai dit à Andrew que posséder une seconde maison, est considéré comme un luxe au Canada, il a répondu qu'en Sibérie ce n'est pas un luxe mais une nécessité d'avoir un lopin de terre pour cultiver de quoi manger pendant l'été. Nous sommes descendus au kilomètre 51 et nous avons marché trois kilomètres pour aller à la datcha de sa famille.
Sa femme Olga y était déjà avec son jeune fils Vanya. Il y avait beaucoup à faire et nous avons travaillé dur, bêchant et plantant toute la journée.
J'ai beaucoup aimé me rendre utile pour faire changement. J'ai utilisé l'expérience que j'avais acquise en émondant la vigne que j'avais cultivée il y a longtemps, pour élaguer les massifs de rosiers au premier plan de façon à maximiser leur production de fleurs. J'étais assez satisfait de moi-même à la fin de la journée, comme nous l'étions tous d'ailleurs. C'était vraiment un bel endroit avec la rivière Olxa au bout du jardin, où Olga se dirige sur cette photo. Après le souper nous avons causé pendant un moment sur la vie en Russie et nous sommes allés tôt au lit.
Le dîner du dimanche a été un rassemblement de fête. Les voisins Georgiy et Ludmila, le père d'Andrew, Irina la fille d'Olga, Vera la mère d'Andrew avec le petit-fils Andrei, les trois Savchuks et moi, nous sommes tous serrés autour de cette petite table et nous avons mangé pendant des heures. Ils parlaient tout anglais et avaient une éducation supérieure à la moyenne, mais ils travaillent tous très dur pour peu d'argent.
Vera avait une meilleure situation que tous les autres, ayant été élue membre de la Douma pour la région d'Irkutsk. Elle m'a invité visiter son appartement en ville pour prendre un dernier verre avant de prendre le train pour Ulan-Ude. Il était confortable mais bien plus modeste que ce dont un parlementaire bénéficierait à l'Ouest. J'avais eu de la chance d'avoir rencontré cette famille et je me suis demandé si j'arriverais à rencontrer l'un des ces fabuleux nouveaux riches pour comprendre la nouvelle structure sociale de ce pays.
Je vous livre l'image heureuse de Vanya et Andrei, avec la taïga sauvage sibérienne s'étendant derrière eux comme dernier coup d'œil d'Irkutsk; un bon présage pour conjurer le mauvais sort afin que leur avenir soit meilleur que celui qui s'annonce présentement.