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Après que le dernier Khan (l’Altan Khan) se soit proclamé "Bouddha Vivant" et qu’il ait fait du lamaïsme tantrique la religion d'État au XVIème siècle, la discipline mongole s’est effritée et des conflits fratricides entre les Mongols Djoungars et les Mongols Halh ont favorisé l'invasion par l'empereur Kang XI de la dynastie manchoue Qing. Ce dernier a alors annexé la "Mongolie Intérieure" et a fait de la "Mongolie Extérieure" un protectorat de la Chine dirigé par une théocratie marionnette sous un "Jebtsundamba Hutuktu" (Bouddha vivant) collaborateur.
Il est d'intérêt historique de remarquer que la dynastie Qing a appuyé l'établissement du lamaïsme tantrique comme religion d’État au Tibet et aussi en Mongolie, mais qu’elle n’a pas essayé de l’importer en Chine. Pourrait-il être qu’elle savait que le peuple chinois, plus sophistiqué et fondamentalement sceptique n’accepterait jamais une religion d’État ni ne croirait en l’absolue sainteté d’un "Bouddha Vivant" ou d’un "Dalaï Lama" ?
L’autorité des Qing a été tempérée par les traditions Confucéennes en Chine, mais l’autoritarisme absolu des théocraties qu'ils ont suscitées au Tibet et en Mongolie était cruel et impitoyable. Lorsque la dynastie Qing s'est écroulée en 1911, l’aristocratie féodale mongole, propriétaire de la terre, n’a pas perdu de temps pour s’affranchir de la Chine tout en gardant ses traditions religieuses et un gouvernement théocratique dirigé par le VIIIème "Bouddha Vivant" appelé "Bogd Khaan" (Saint Roi).
Voici la porte extérieure du Palais d'été du Bogd Khaan.
Entrée du Palais d'été de Bogd Khaan.
La Chine était trop absorbée par ses propres bouleversements internes pour s'opposer à ce mouvement. Elle a finalement signé le traité de Kyakhta avec la Russie et la Mongolie, reconnaissant l’autonomie de cette dernière en 1915. L'encre avait à peine séché que la révolution russe d'octobre 1917 favorisa l’occupation de la Mongolie par la Chine en 1919, jusqu'à ce que les Russes Blancs battant en retraite ne les expulsent en février 1921. L'avancée des Bolcheviques en Sibérie et leur soutien aux nationalistes mongols permirent bientôt d’expulser les Russes Blancs à leur tour. En juillet de la même année, le Gouvernement du Peuple de Mongolie fut établi, retenant Bogd Khaan comme figure de proue pour apaiser les propriétaires terriens.
Bâtiment principal du Palais d’été de Bogd Khaan.
Ce palais aux apparences paisibles a été le théâtre d’intenses intrigues et d’une multitude de conspirations pendant ces années troubles entre les propriétaires terriens féodaux supportant Bogd Khaan, les nationalistes mongols de différentes tendances du centre et de gauche et le noyau dur des forces Bolcheviques Russes.
Les troupes Bolcheviques Russes ont pris le dessus pendant cette période révolutionnaire tumultueuse, et la République Populaire de Mongolie a été créée en 1924. Bogd Khan est décédé commodément dans son lit (à gauche). Plusieurs autres révolutionnaires nationalistes mongols, (le Premier Ministre Bodoo, le Président du Parti Danzan, le Ministre de la Guerre Sukh Baatar), sont également morts bien commodément et ont été dûment canonisés comme héros nationaux lorsqu'ils n'étaient plus.
Lorsque la poussière se dissipa, le communiste mongol Horloyn Choilbalsan avait une prise ferme sur les rênes du pouvoir. La brutalité avec laquelle il a détruit l'establishment des féodaux et des propriétaires terriens lamaïstes lui a valu le titre de Staline Mongol jusqu'à sa mort 28 ans plus tard, en 1952.
Des trois contacts Internet j'avais ici, je n'ai pas réussi à m’entendre avec l’un d'eux, le second était très occupé mais le troisième s’est arrangé pour trouver du temps à me consacrer. Nous avons échangé nos idées sur beaucoup de sujets, des ordinateurs aux affaires en passant par l'histoire et la religion. Mes rencontres avec Gurdorz Bat ont été le point culminant de mon séjour en Mongolie. Nous avons passé beaucoup de temps dans son bureau et il a pris un jour de congé pour me présenter à sa tante âgée de 68 ans qui vit seule dans un ger mongol traditionnel dans la belle vallée du Terelj qu’on voit ici.
Gurdorz Bat et moi en compagnie de ses filles Bulgan et Haliun devant un Ovoo surmontant la vallée du Terelj.
L'introduction de la glasnost (transparence) et de la perestroïka (réforme), dans l'empire soviétique au milieu des années ‘80 a apporté un vent de changement qui a conduit à des élections libres en juillet 1990 et encore en juin 1992 après l'effondrement de l’ex-URSS. Le parti communiste est resté au pouvoir, mais il a néanmoins entrepris des privatisations et des réformes dans le sens d’une économie de marché. L'élan mongol n'avait pas été brisé et des entreprises privées ont poussé partout comme des champignons après pluie.
Le visage d'Ulaan Baatar a été profondément marqué par 65 ans d’occupation soviétique. On y trouve la même énorme place centrale, le même grand système de chauffage central de la ville, les mêmes blocs d'appartements de style soviétique avec leur plomberie d'acier soudé, les mêmes trams et les mêmes bus que dans toutes les autres villes soviétiques. La campagne a cependant conservée intacte son identité mongole. C’est peut-être pour cela que tous les mongols que j’ai rencontrés étaient si attachés à leurs collines nues et à leurs maigres pâturages. Leurs racines culturelles se situent dans des camps de nomades tels que celui-ci dans la vallée du Terelj.
Dès que les conditions l'ont permis, Gurdorz et ses sept frères n'ont pas perdu de temps pour fonder la compagnie Sant Khaan a commencé tout doucement avec l’import-export pour ensuite croître et devenir l'importante société multi sectorielle qu'elle est aujourd'hui.
Une étroite piste de terre conduit dans la vallée. Les gens se déplacent dans ces vastes pâturages à cheval ou avec des véhicules à quatre roues motrices comme nous. Nous avons demandé à ces gens s’il savaient où campait Chimed, la tante de Bat.
Nous avons mis du temps pour trouver son ger caché dans un bosquet à côté d'un ruisseau de montagne. Chimed avait deux de ses petits enfants auprès d’elle mais elle était heureuse de voir son neveu et nous a salué chaleureusement. À l'intérieur du ger, on m’a installé à la place d'honneur, face à la porte. Chimed nous a préparé un pot frais de thé au lait enrichi de farine qu'elle nous a servi à la manière traditionnelle, avec des biscuits faits maison, de la crème fraîche et un képhir savoureux.
Après cela, nous avons partagé la vodka et le pain que Bat avait apportés. J'ai appris comment jeter une goutte de vodka à gauche et à droite en rituel d’offrande à la mère terre. C'était une belle expérience. À défaut d'une langue commune, nous avons échangé peu de mots mais cela a été compensé par de fortes vibrations d'hospitalité et d'amitié qui inondent de nouveau mon cœur quand je regarde cette image de Bat et ses filles avec Chimed et ses petits enfants.
La Mongolie a beaucoup à offrir à ceux qui veulent sortir des sentiers battus. Plusieurs agences de tourisme privées sont sorties de terre pour concurrencer l'agence officielle (et très chère) Juulchin qui gère ce camp de gers pour touristes dans le haut de la vallée.
Tout près, la Roche de la Tortue, un lieu d’attraction touristique renommé et deux jeunes mongols qui se sont précipités pour nous offrir un tour sur leurs poneys.
Je pense que les traces visibles de l’occupation soviétique ne dureront pas longtemps car les coutumes russes sont tout à fait étrangères à la culture mongole qui est se rapproche plus de la chinoise, comme vous pouvez le voir avec ces chanteurs au Centre Folklorique du parque Nairamdal.
L'ancienne danse "Tsam" avec des masques religieux.
J'ai trouvé que la situation en Mongolie se trouvait quelque part entre ce que j'ai observé chez ses deux géants voisins. Les gens semblent plus heureux et plus optimistes qu'en Russie mais pas autant qu'en Chine. Il y a plus de crime et de corruption qu'en Chine mais pas autant que dans les pays de l’ancien bloc soviétique. Et ainsi de suite, à plusieurs sujets ...
L'orchestre de musiciens traditionnels accompagnant les danseurs.
La Mongolie, avec une minuscule population de seulement 2,5 millions d’habitants pour un territoire égal à trois fois celui de la France, devra choisir avec beaucoup de précaution sa voie entre ces deux géants.
Finalement, le moment était venu de quitter la patrie de Genghis Khan, le plus grand conquérant de tous les temps, et je pris place à bord du train qui devait me ramener en Chine, ici à la gare d'Ulaan Baatar.
En route vers le sud, la prairie se dessèche et les camps de nomades se raréfient.
La Mongolie est immense et vide, et les villes dignes de ce nom sont distantes les unes des autres. La gare ferroviaire de Sain Shand est située à 460 kilomètres au sud d'Ulaan Baatar et à 220 kilomètres de la frontière avec la Chine.
Il n'y a pas grand-chose à dire sur Sain Shand la sèche, à part que c'est la capitale de l'airmag Dornogov sur la bordure Est du désert de Gobi.
Dans cette partie du désert, une végétation clairsemée trouve juste assez d'humidité pour pousser au printemps, mais elle ne survivra pas longtemps avec cette chaleur.
Ici le Gobi se conforme à son image populaire, une mer de sable sans le moindre signe de vie. En fait, il y a de la vie là bas mais il vous faut regarder par deux fois pour la trouver. Dans deux heures, nous serons à la frontière chinoise.
