Capital: Québec
|
|
|
Atlapedia CIA Country Reports Lonely Planet Traveldocs Wikipedia |
Traverser le détroit de Belle Isle n'a pris qu'une heure et demie sur une mer calme. La température était magnifique et je prévoyais un ciel découvert pour ma visite de la Côte Nord.
Je n'ai pas eu cette chance! Le ciel s'est vite ennuagé à nouveau et le lendemain était gris. J'ai logé à l'Auberge des 4 Saisons que vous pouvez voir ici, dans le village de langue française Lourdes de Blanc-Sablon.
Il y a également un village de Blanc-Sablon tout court près de la frontière de Terre-Neuve mais on y parle l'anglais.
Voici un panorama de 150 degrés pris de la terrasse de mon hôtel. Lourdes de Blanc-Sablon est un petit village bien entretenu mais il y avait peu de gens à l'extérieur à cause du mauvais temps. Le propriétaire de l'hôtel, Gilles Landry, était des plus accueillants. Il m'a même promené aux environs pour me montrer des sites pittoresques avant de me reconduire au quai où je prenais le traversier Relais Nordik dans la soirée.
Non loin de mon hôtel se trouvait ce petit port naturel qui avait offert refuge aux bateaux de pêche des premiers colons.
L'évidente prospérité de cette grosse église moderne en dit long sur l'influence que possède encore la religion dans les régions éloignées du Québec.
L'importance de Lourdes de Blanc-Sablon dans la région s'explique par son grand hôpital.
Brador, le village suivant situé à quelques kilomètres à l'ouest, est anglophone.
C'est comme ça que ça se passe sur la basse côte nord, les communautés francophones et anglophones bien distinctes alternent et coexistent dans un certaine harmonie mais elles ne se mêlent pas. Les communautés indigènes montagnaises (aussi connues sous le nom de Innu), sont également distinctes et imperméables aux deux autres.
On peut probablement expliquer cela:
a) par la tradition britannique de ne pas se mêler avec les "indigènes"
qu'ils considérèrent inférieurs partout où ils étendirent
leur empire;
b) et par le fait que la population anglophone était majoritairement protestante
tandis que les francophones étaient majoritairement catholiques et donc "papistes".
De toute façon j'ai trouvé très regrettable cette triple ségrégation.
Le lendemain vers 6:30, le traversier s'est arrêté à Saint-Augustin, un petit village de traite fondé par la compagnie de la Baie d'Hudson en 1868. J'ai dû prendre le traversier Relais Nordik parce qu'il n'y a pas de route à l'ouest de Blanc-Sablon avant Natashquan située 400 km à l'ouest de la frontière du Labrador, au méridien 54 ouest. L'autoroute transcanadienne financée par le gouvernement fédéral traverse la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick et n'atteint le Québec que beaucoup plus à l'ouest soit à Rivière-du-Loup presqu'au méridien 70 ouest...
Voici une autre photo du quai tandis que nous quittions Saint-Augustin en direction du village de La Tabatière.
Les nuages descendaient et la visibilité devenait de plus en plus limitée.
Nous sommes arrivés au village de pêche de La Tabatière vers 10:00 et y sommes restés seulement quelques minutes pour charger et décharger la cargaison.
Comme la température était pitoyable dehors, nous sommes restés à l'intérieur et avons socialisé. Françoise retournait chez elle dans la ville de Québec après une longue excursion en solitaire avec sac au dos, dans les provinces maritimes et Terre-Neuve. J'ai admiré son courage et nous avons eu beaucoup de choses à nous raconter.
Les îles longeant la basse côte nord sont censées être exceptionnellement magnifiques. Je n'en doute pas mais je n'ai pas eu la chance de les voir à leur meilleur.
Le brouillard était encore très dense lorsque nous sommes arrêtés à Harrington Harbour aux environ d'une heure trente de l'après-midi.
Le village anglophone d'Harrington Harbour fut fondé par des pêcheurs de Terre-Neuve en 1871. Voici quelques bateaux de pêche.
Celui-ci était tellement propre et bien entretenu qu'il avait l'air d'un jouet neuf!
Il n'y avait pas grand-chose à voir à l'extérieur, alors j'ai porté mon attention vers les gens rencontrés à l'intérieur.
Il y avait quelques Montagnais à bord mais ils sont restés entre eux et m'ont bien fait comprendre par leurs réponses monosyllabiques qu'ils n'étaient pas intéressés à me parler. Cela m'a vraiment blessé d'être ainsi rejeté par mes propres compatriotes après avoir réussi à communiquer avec toutes sortes de gens à travers le monde (à l'exception peut-être des aborigènes australiens qui ne voulaient pas non plus entrer en contact avec moi).
De temps à autre il y avait quelque chose à voir à l'extérieur comme ce passage étroit entre deux îles mais je ne pouvais m'empêcher de penser que nous avions un réel problème avec nos peuples indigènes au Canada et au Québec.
De façon subjective je pense que c'est l'attitude raciste dont je parlais ci-dessus qui a conduit à la création de réserves où les indigènes ont été isolés hors du chemin de leurs "maîtres blancs". De nos jours, les problèmes avec des indigènes sont les plus aigus dans les pays où la tradition ségrégationniste britannique a prévalu (Amérique du Nord et Australie).
Les colonialistes espagnols et français se mêlaient librement avec les gens dont ils occupaient les terres donnant naissance à une variété de metizos, métis et créoles. Ceux-ci sont maintenant devenus dominants dans les ex colonies ou au moins bien intégrés avec leurs "maîtres pur sang". Pour ma part, je suis fier de dire que j'ai une arrière-arrière-arrière grand-mère Catherine Annenontac qui épousa un membre de la famille Cloutier en 1667. La plupart des Québécois francophones ont du sang mêlé ou comme diraient les WASP ("white anglo-saxon protestant" / protestant anglo-saxon blanc), sont "half-breed" (demi-sang, une épithète très négative même encore aujourd'hui dans les milieux WASP).
Nous sommes arrivés à La Romaine vers cinq heures de l'après-midi. Quelque 200 francophones et 700 Montagnais anglophones se partagent le village.
La population montagnaise totale se chiffre à environ 15 000 personnes dont les deux tiers vivent sur des réserves administrées par le gouvernement fédéral. Les "Indiens" vivant dans de telles réserves sont sous la tutelle du gouvernement fédéral qui est responsable de tous leurs besoins.
Les réserves ont été un échec catastrophique partout où elles ont été implantées parce que les "protégés", qui ont plusieurs droits mais peu d'obligations, sont lourdement handicapés dans leur développement pour devenir des adultes matures et responsables.
C'est difficile d'y changer quelque chose maintenant parce que le système de réserves est coulé dans le béton par des traités qui doivent être maintenus par des gouvernements responsables même s'ils ne sont pas toujours respectés par leurs supposés "protégés".
Après une seconde nuit à bord, le ciel commença finalement à s'éclaircir au matin tandis que nous approchions de Kegaska, notre dernier arrêt avant Natashquan.
La pêche commerciale aux crabes, homards et pétoncles est le moyen de subsistance des 150 habitants de Kegaska.
À six heures et demie le Relais Nordik échangea un conteneur ordinaire contre un autre réfrigéré de couleur blanche et nous sommes aussitôt repartis. Aucune chance de bavarder avec les gens de la place!
Les rives rocheuses cédèrent la place à de basses terres marécageuses et Natashquan fut en vue vers dix heures du matin.
Natashquan est également partagée par des Québécois francophones et des Montagnais anglophones. C'est le lieu de naissance du chanteur et poète renommé Gilles Vigneault dont les ancêtres arrivèrent ici de Havre-Aubert aux Îles-de-la-Madeleine en 1797 pour fuir la déportation acadienne.
Le réseau routier se rend ici mais pas le service d'autobus. Il aurait fallu prendre un taxi coûteux ou faire de l'auto-stop. Finalement, Françoise trouva facilement un transport direct jusqu'à la ville de Québec et moi jusqu'à Havre-Saint-Pierre à quelques 150 km plus à l'ouest où débute le service d'autobus régulier.