A Samarkand je me suis levé tôt, j'ai pris le bus jusqu'à la gare des autobus interurbains, j'ai acheté un ticket et je suis parti vers 9 heures du matin. C'est tout ce qu'il faut de nos jours pour partir à l'aventure, se lever tôt pour avoir une place dans un bus. Aucun risque de raid nomade, aucun danger de bandits (sauf peut-être la police), aucune difficulté. C'est ce dont je rêvais pendant que nous traversions le désert de Kyzylkoum; j'imaginais combien cela aurait été passionnant de faire ce voyage il y a 10 siècles...
Voilà de bien agréables émotions de rêverie, mais j'admets le formidable avantage que j'ai sur mes prédécesseurs d'avoir survécu à tous ces dangers imaginaires et de pouvoir écrire à ce sujet dans le confort décadent de mon condominium climatisé de Montréal.
Boukhara est une oasis dans le désert. Les premières bourgades agricoles dans cette région datent du 8ième siècle avant Jésus Christ. Alexandre le Grand assiégea une cité fortifiée ici en 328, mais il n'en reste aucune trace aujourd'hui.
La partie moderne de Boukhara entoure la vieille cité qui a subi une restauration extensive. Anciennement, l'oasis avait quelques petits lac comme ce lac Samani et plusieurs étangs et mares d'eaux stagnantes appelés "Hauz", nids de microbes, de grenouilles, de cigognes et aussi de maladies. Les cigognes sont parties quand la plupart des Hauz ont été comblés. Des murs de l'ancienne citée sont visibles au delà du lac.
Ce beau bâtiment ancien de la vieille ville est maintenant une boutique de cordonnier.
Certaines parties de la vieille ville ont heureusement échappé à la restauration et des populations autochtones y vivent encore.
De gros investissements ont été engloutis dans la restauration du trésor architectural de Boukhara et dans la construction de grands hôtels comme l'hôtel Boukhara ci-dessus pour attirer les touristes et leurs dollars. Malheureusement, l'Ouzbékistan a acquis une mauvaise réputation à cause des tracasseries administratives et policières qui découragent les moins audacieux à venir ici. C'est bien dommage car j'ai trouvé les gens très chaleureux et le pays a tant à offrir que le tourisme pourrait être une bonne source de revenu si le gouvernement décidait de le promouvoir.
Évidemment je ne suis pas resté à l'hôtel Boukhara qui est très cher. J'ai loué une chambre par e-mail, à un agent de voyage indépendant, Raisa Garayeva, qui pu également me fournir l'invitation nécessaire à l'obtention du visa. Elle me fut d'un grand secours et je n'hésite pas à recommander ses services à tous ceux qui voudraient aller en Ouzbékistan. On peut la contacter à raisa@salom.bukhara.silk.org.
C'était vraiment une chance pour moi de rencontrer Raisa. Sa fille Elmira et son amie Lena me promenèrent un peu partout jusqu'à ce que mes jambes ne pouvaient plus me porter. Mes charmantes guides s'exerçaient à parler anglais et j'en appris beaucoup sur la vie post-soviétique dans cette partie du monde.
Il m'arrive de penser que ce n'est pas juste que je sois aussi chanceux. Ce n'est peut-être pas juste mais je ne m'en plains pas. Quoi qu'il en soit la chance a voulu que cet ingénieur français barbu soit logé dans le même immeuble que moi, et que je le rencontre. Nous étions tous les deux diplômés de l'Institut Français du Pétrole de Paris donc nous sommes très vite senti bien l'un avec l'autre. Flavien invita son collègue Christian et nous nous sommes tapé un gueuleton avec des spaghettis, du bon vin et du fromage!
Les fortifications longues de 25 km ont disparu mais la plus vieille structures de Boukhara, sa citadelle ou "arche" a été plusieurs fois détruite et reconstruite pendant au moins une dizaine de siècles. L'histoire de ce site est très riche. Les Arabes l'ont pris en 709, puis ce fut la citadelle des dynasties Samanides au 9ième et 10ième siècle. Il fut ravagé par Genghis Khan en 1220, libéré des Mongols par Tamerlan en 1363 et repris par les Ouzbeks Shabanides mongoles qui en firent leur capitale au 16ième siècle.
La Mosquée Juma à l'intérieur de l'Arche.
Après que les routes commerciales maritimes eurent éclipsé la route de la soie au 18ième siècle, Boukhara fut l'une des trois cités-états féodales décadentes qui se sont combattues pour le contrôle de l'Asie Centrale, jusqu'à ce que les russes les prennent une après l'autre à la fin du 19ième siècle (les deux autres étant Khiva et Kokand).
Ce mausolée de Ismail Samani est le plus ancien monument de Boukhara, après l'Arche. Bâti autour de 900 pour la dernière demeure de la dynastie Samanide, il est considéré comme l'un des plus beaux monuments de l'Asie Centrale pour sa délicate architecture de briques en terre cuite.
Non loin du Mausolée Samanide, le Chasma Ayub sans âge, abrite une ancienne source crée, d'après la légende, par le personnage biblique Job, pendant une sécheresse.
La plupart des beaux bâtiments qui existent encore dans la vieille cité datent de l'époque Timouride et d'un peu plus tard, comme la Médressa Nadii Divan Begi construite en 1620 de l'autre côté du Hauz Labi, .
La médressa (école), Ulugh Beg fut achevée en 1417 par le petit fils de Tamerlan, Ulugh Beg, qui a aussi construit la grande médressa du même nom sur la place Registan à Samarkand en 1420.
L'intérieur de la Médressa Ulugh Beg. Des gens vivaient ici jadis mais maintenant des boutiques touristiques occupent l'étage inférieur des anciens logements d'étudiants et l'étage supérieur est vide.
Au temps des Shabanides la ville était une vaste garenne de galeries marchandes, d'arcades et de bazars de carrefours dont il ne reste que trois; les bazars Taqi Sarrafon (changeurs de monnaies), Telpak Furoshon (chapeliers) et Taki Zargaron (bijoutiers) qu'on voit ici.
La Médressa Mir-i-Arab du 16ième siècle fut une école musulmane d'études supérieures jusqu'à l'arrivée des communistes en 1920. Elle fut réouverte par Staline en 1944 pour s'assurer du soutient des musulmans dans l'effort de guerre. Elle se trouve sur la place Kalan en face de la Mosquée Kalan et du Minaret Kalan qu'on voit ci-dessous.
Le minaret Kalan haut de 47 mètres, construit en 1127, est sans aucun doute le plus impressionnant des monuments de Boukhara. On le voit ici de l'intérieur de la Mosquée Kalan construite en 1514 sur le site d'une mosquée plus ancienne détruite par Genghis Khan (qui fut si impressionné qu'il épargna le minaret).
Ici on voit la salle de Prière de la Mosquée Kalan, à partir du côté Minaret de la cour qui peut contenir 100 000 fidèles à la fois.
Une des doubles rangées d'arcades entourant la grande cour de la Mosquée.
Je suis passé par Kokand, mais je n'ai pas pris la peine de m'y arrêter car tous les monuments historiques ont été détruits par le Soviet de Tachkent en 1918 pendant la répression de la rébellion musulmane au cours de laquelle 10 000 Kokandis furent égorgés. Maintenant que j'ai vu Boukhara, je dois aller jeter un coup d'œil sur la troisième cité-état du Grand Jeu, Khiva située dans les anciens territoires du Khorezm au sud de la Mer Aral.