Capitale: New Delhi
Superficie: 3 287 590km² Population: 1 000 849 000 Devise: 1 US$ = 43 Roupies PIB: 140 / 1 348$ IDH: 138 / 446$ CPI : 73 / 2.9 données de 1999 |
Mes quatre précédentes visites ici, des voyages d'affaires confortablement passés dans des hôtels de première classe, avaient été très différentes de cette petite randonnée, les pieds à terre, qui m'a brutalement plongé dans la dure réalité de l'injustice sociale en Inde. Il est dur de voir la misère à travers la fenêtre d'un taxi, mais ce n'est rien comparé à son côtoiement quotidien dans les quartiers les plus pauvres des grandes villes indiennes. Ce second regard, plus attentif a confirmé mes soupçons quel'Inde est une révolution qui n'a pas eu lieu au moment où elle aurait dû, après la Seconde Guerre Mondiale. Les nobles idéaux de réforme sociale significative, encouragés par Gandhi, Nehru et Ambedkar (qui a écrit la constitution), et adoptés par le Parti du Congrès Indien, ont été systématiquement sapés par les politiciens poursuivant les intérêts égoïstes de leur caste, tout en débitant des paroles sans conviction sur la démocratie. On dit que l'Inde est la plus grande démocratie du monde. Il n'y a pas à discuter sur sa taille, un milliard c'est énorme, mais je ne pense pas qu'un pays, dont les priorités majeures dans les 50 dernières années ont été de favoriser une petite minorité aux dépens de la majorité, puisse être appelé "une démocratie". La préférence pour le développement des industries lourdes, aux dépens des infrastructures agricoles (routes, irrigation, formation), est éloquente dans un pays où 80 pour-cent de la population vit de la terre. À mon avis, la priorité qui a été donnée pendant les 50 dernières années à l'enseignement supérieur dans les universités et les instituts de recherche, sur l'éducation de base à l'école primaire est un crime dans un pays où 52 pour-cent de la population ne sait pas encore lire ni écrire. Les gens habitués au fonctionnement raisonablement imparfait du processus démocratique ne peuvent pas comprendre comment les représentants de la majorité ont pu prendre ces décisions et beaucoup d'autres, évidemment contraires aux intérêts de leurs électeurs. Naturellement, l'évolution des valeurs sociales, espérée par les réformateurs en 1947, ne s'est pas matérialisée et le traditionnel endoctrinement hindou et la manipulation ont continué sans faiblir. La révolution des esprits qui a accompagné la reconstruction de l'Europe dans les années 50 et la décolonisation partout dans le monde dans les années 60 n'a pas eu lieu en Inde. L'écart entre les nantis et les non nantis est aussi brutale ici, qu'elle l'était entre les maîtres coloniaux blancs, et les indigènes noirs illettrés d'Afrique au 18ième siècle. En Inde, "les maîtres" et "les indigènes" sont de la même race, mais de castes différentes. Il n'est pas possible de comprendre l'Inde sans réaliser l'influence accablante des castes même aujourd'hui, et celà requiert quelques notions sur l'Hindouisme. J'espère que mes Impressions sur l'Indeaideront à expliquer comment le mot démocratie n'a pas le même sens en Inde que celui qu'il a partout ailleurs, en Europe ou en Amérique du Nord par exemple. |
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J'ai pris l'avion à Yangon un lundi matin ensoleillé, après une escale de nuit à Dacca. Calcutta n'avait pas beaucoup changé depuis ma dernière visite ici en 1973, les gens campaient toujours dehors sur les trottoirs, comme ces trois ou quatre familles sur la rue Sudder près du Musée Indien.
Je suis d'abord resté au Calcutta Guesthouse dans une ruelle latérale à la rue Hartford, mais après une nuit, j'ai changé pour aller au Capital Guesthouse, plus propre, sur la rue Chowinghee.
Calcutta avait toujours ces pousse-pousses tirés à la main, qui avaient été remplacés par des cyclo-pousse-pousses à pédales partout ailleurs en Inde. Un signe des temps modernes...
Voici la vraie Inde. Trois quarts de la population habite toujours dans des petits villages comme celui-ci, vu du train, sur le chemin de Calcutta à Varanasi. Le régime des castes ne s'est pas du tout adouci dans de tels endroits depuis des siècles.
Les haute castes de prêtres Brahmanes, de propriétaires fonciers Kshatrya et de commerçants Baniya habitent dans leurs propres zones près des castes inférieures Sudra ou Dalitbahujan (Dalit = personne opprimée et exploitée, bahujan = majorité), mais il y a moins de contacts sociaux entre eux, qu'il n'y en avait entre les fermiers blancs de Rhodésie et leurs paysans noirs, il y a un siècle.
Ici, un de ces pousse-pousses à pédales, dont j'ai parlé plus tôt, tourne de la rue Bansphatak à la rue du Ghât Dasasvamedha, au cœur de la ville sainte, également appelée Bénarès et Kashiji (ville de lumière).
Ci-dessous à gauche, le Sunshine Hôtel où j'ai eu une belle chambre pour seulement 4.70$ US, et à droite l'un des nombreux sanctuaires temporaires construits à l'honneur de Sarasvati, la déesse du savoir, à l'occasion de sa fête annuelle.
Bien entendu les vaches ont le droit de passer sur la rue Madanpur comme partout ailleurs en Inde. Le taureau Nandi a été respecté, comme monture Shiva, depuis le début des temps védiques, mais le bétail était quand même abattu pour le sacrifice rituel Yajna, et sa viande était mangée par les prêtres Brahmanes jusqu'aux environs du 4ième siècle, pendant l'empire Gupta, lorsque les Brahmanes sont devenus végétariens et très respectueux de la vie. C'était pour eux une façon de paraître plus purs et sacrés que leus concurrents Bouddhistes et Jaïns. Autour cette période, la caste Brahmane a pris une suprématie absolue sur les autres castes, et le bouddhisme a pratiquement disparu de l'Inde.
Nandi le taureau.
Quand les Brahmanes sont devenus végétariens, les rois Gupta, ont criminalisé l'abattage des vaches comme étant une atteinte à Ahimsa (le respect de la vie), et les prêtres ont fait de la consommation de la viande de bœuf un sacrilège pour les membres non-brahmanes de la communauté hindoue.
Il était alors courant d'employer des mercenaires qui avaient été exclus de leurs castes, appelé hommes brisés, pour garder les villages et faire les travaux malpropres. Ces parias n'avaient pas de terres. Ils vivaient hors des limites du village et étaient payés en nature, ayant des droits exclusifs sur tout animal mort naturellement.
Selon certaines sources, quand ces personnes et certaines autres comme les tribus nomades en etrangères au système Hindou, ont continué à manger du bœuf, les Brahmanes ont usé de représailles en faisant d'eux des "intouchables" pour les membres de la communauté hindoue.
L'énorme cheptel de bétail de l'Inde fournit la traction, le lait et le combustible pour la cuisine (bouse sèche). Tous, sauf quelques vaches laitières de valeur, sont très peu nourris (déchets et paille). Elles produisent à peine plus qu'un litre de lait par jour. Les buffles sont appréciés pour la haute teneur en matières grasses de leur lait.
Ci-dessous à gauche, une étroite ruelle ou "gali" près du temple Bhaironath, et à droite, un gali résidentiel.
La ville de Bénarès attire des millions de pèlerins Hindous qui s'assemblent en plus de 100 ghâts pour se baigner dans les eaux saintes, mais aussi beaucoup de touristes. Voici un bateau plein de touristes sur le Gange, en regardant au sud vers le Ghât Jalasen.
Le Ghât Jalasen est un Ghât funéraire. Il n'y avait pas de clients quand je suis passé.
Il n'y avait pas de feux non plus au Ghât Manikarnika, qui est normalement le principal site crématoire de la ville.
Les grands escaliers du Ghât Lalita mènent à un temple népalais au-dessus. La religion népalaise est un mélange assez particulier d'Hindouisme et de Bouddhisme Lamaïste
Je n'ai rien trouvé de spécial à dire sur celui-ci, appelé Ghât Bairavi.
Le Ghât Man Mandir est l'un des plus vieux, il a été construit par le Maharaja Man Singh d'Amber en 1600 et transformé en un observatoire par le Maharaja Jai Singh de Jaipur en 1710.
Vue en direction du sud, à partir du Ghât Man Mandir.
Le Ghât Dasasvamedha (Ghât du sacrifice des 10 chevaux) situé au centre, est facile d'accès par une large rue, alors que les autres donnent sur un labyrinthe de ruelles. Beaucoup de bateaux de touristes partent d'ici.
Vue en direction du sud, à partir du Ghât Dasasvamedha.
Il y avait quatre ou cinq crémations en cours quand j'ai visité le Ghât Harishchandra. La plupart étaient des tas de cendres fumantes, surveillés par des serviteurs intouchables "Dom".
Ce brasier se débarrassait d'un homme assez gros dont on peut voir la graisse blanche, fondre et dégouliner sur les bûches en bois de santal. Certains des spectateurs étaient des touristes comme moi, mais la plupart étaient probablement des parents et des amis, dont beaucoup se pressaient autour du feu funéraire, pour être photographiés avec les restes du défunt, enveloppés dans des soies rouge et or.
Une incinération convenable à Bénarès comme celle-ci, peut coûter une fortune, car le bois de santal est cher, et le Dom fait payer cher le travail impur de manipulation du mort. Des fours crématoires électriques sont disponibles pour les gens ordinaires, mais les rituels bon marché donnent moins de mérites!
Le Ghât Karnataka, juste au sud du Ghât Harishchandra, est aussi un Ghât crématoire.
Je suis arrivé ici quelques jours seulement après que la cinéaste Deepa Metha et son équipe, aient été chassées, par 10 jours de violentes manifestations de groupes Hindutva (fondamentalistes hindous), opposés au thème du film intitulé "Water" qu'elle avait l'intention de tourner à Varanasi.
Le film devait exposer la triste situation des veuves Brahmanes, qui ne sont plus obligées de commettre le sutee, puisqu'il a été proscrit par les Britanniques au 19ième siècle, mais à qui on interdit de se remarier et qui sont souvent forcées de se retirer dans des "maisons de veuves" pour lesquelles Bénarès est célèbre. Deepa Metha avait dûment obtenu les autorisations exigées par le gouvernement pour le scenario qu'elle allait tourner, mais les manifestants, menés par le Kashi Sanskriti Raksha Sangharsh Samiti" (KSRSS), un émanation du mouvement fasciste "Rashtriya Swayamsevak Sangh" (RSS), a fait circuler des versions modifiées contenant des passages incendiaires destinés à enflammer les passions de l'intolérance religieuse.
Le Gouvernement Central de l'Inde, qui est astreint par la constitution à rester laïque et à s'abstenir de préjugés religieux, n'a pas défendu les droits du producteur du film, mais a cédé à la pré-censure violemment imposée par un petit nombre de fanatiques hindous extrémistes. Cette inaction n'est que l'un des nombreux signes de la perte du caractère laïque du gouvernement indien et de la croissance du fondamentalisme hindou en Inde.
Ci-dessous à gauche, un sanctuaire de rue dans la vieille ville, et à droite le nouveau temple Vishvanath construits par les Birlas, sur la place de l'Université Hindoue de Bénarès. Les Birlas sont une famille d'industriels immensément riches qui ont construit des temples Birlas dans plusieurs villes. Les Birlas occupent la stratosphère, avec les Tatas, les Bajajs, les Mahindras et quelques autres familles privilégiées qui sont probablement plus riches que le nouveau riche Bill Gates. Ils sont sans doute infiniment plus purs et saints car ils ont mérité leur haute position par l'accumulation de karmas positifs pendant leurs existences passées. Leur petit groupe possède pratiquement le gouvernement indien, en dépit des rituels d'élections "démocratiques" auxquels la classe politique s'adonne de temps en temps.
Dûment impressionné par la piété et la dévotion que montrent les pèlerins à la Sainte Mère Gange, mais aussi par la croissance de l'intolérance religieuse en Inde, j'ai pris un cyclo-pousse-pousse pour aller à la gare prendre un train de nuit pour Satna, en route vers Khajuraho.
J'avais quelques heures pour observer les gens dans les salles d'attente et essayer d'imaginer ce que pouvait être le sens de la vie pour ce vieil homme, pour un autre apparemment aisé ou pour telle jeune fille. J'aime faire cela quelquefois quand j'ai un peu de temps à passer dans un lieu public. C'est amusant ; je laisse mon imagination vagabonder et échafauder les scénarios les plus irréalistes quand j'essaie de coller un caractère à un visage.
Cette fois, cela a été un échec total, car je ne pouvais pas franchir le fossé entre ce que j'avais appris du système de valeurs hindoues et celles que je peux imaginer et coller sur des chrétiens européens ou nord-américains, sur des musulmans arabes ou malayo-indonésiens, ou sur des bouddhistes Therevada ou Mahayana. Je suis venu à la conclusion que la différence majeure entre l'Hindouisme, et ces trois autres écoles de pensée, c'était l'espoir. Ou plutôt, l'absence d'espoir, car le fonctionnement rigide de cause a effet du principe du karma explique tout de façon irrévocable et ne laisse aucune place pour espérer le pardon ou la charité de Dieu.
Même les fatalistes Musulmans peuvent espérer que Dieu leur permettra d'améliorer leur sort. On a fait croire aux Hindous de basse caste et aux Dalitbahujan, toujours plus cruellement désavantagés, qu'ils sont profondément dans la merde parce qu'ils l'ont mérité par des mauvais karmas dans leurs vies passées. Il n'y a pas d'espoir pour eux ; les Dieux ont voulu qu'il en soit ainsi.